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Climat : on vous explique pourquoi certaines zones de l'Arctique se réchauffent beaucoup plus rapidement que le reste de la Terre

Selon une nouvelle étude, le mercure a augmenté de plus de 5 °C ces vingt dernières années dans l'archipel norvégien du Svalbard.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un bateau à Ny London, dans l'archipel du Svalbard (Norvège). (MCPHOTO / BLICKWINKEL / AFP)

Le réchauffement climatique n'est pas uniforme sur l'ensemble de la planète. A certains endroits de l'océan Arctique, il peut être sept fois plus rapide que celui constaté en moyenne à l'échelle de la Terre, d'après de nouvelles données publiées mi-juin dans la revue Scientific Reports (en anglais). Franceinfo vous explique les raisons de ce phénomène et ses conséquences.

Une hausse des températures supérieure à la moyenne dans la mer de Barents

Ce réchauffement extrêmement rapide de certaines zones de l'Arctique a été constaté par les chercheurs grâce au recueil et à l'analyse de nouvelles données. Le phénomène touche en particulier une zone au nord de la Norvège et au nord-ouest de la Russie. "La région autour du nord de la mer de Barents connaît un réchauffement de 2 à 2,5 fois supérieur à la moyenne de l'Arctique, et jusqu'à 5 à 7 fois supérieur à la moyenne mondiale", explique le climatologue norvégien Ketil Isaksen, auteur principal de l'étude. Les données montrent également que la température de l'air au nord-est de l'archipel du Svalbard a augmenté de plus de 5 °C au cours des vingt dernières années. Le climatologue a partagé sur Twitter une carte des zones concernées.

Un recul de la banquise qui n'arrange rien

"On pourrait avoir tendance à imaginer l'Arctique comme une zone homogène mais ce n'est pas du tout le cas, relève la climatologue Jeanne Ghérardi-Scao. L'Arctique, c'est très vaste, avec des zones continentales, des zones océaniques, des zones littorales." Les régions concernées par ce fort réchauffement sont des "zones de transition", remarque le climatologue Gerhard Krinner. Elles se trouvent au bord de la glace de mer – la banquise – et sont sous l'influence de l'océan Atlantique, qui apporte de l'eau plus chaude. Jeanne Ghérardi-Scao évoque d'ailleurs une "atlantification" de la "mer de Barents".

Habituellement, la banquise agit comme une couverture isolante. De couleur blanche, elle réfléchit le rayonnement solaire et empêche l'eau de subir un réchauffement trop important. Mais l'afflux d'eau plus chaude en provenance de l'Atlantique retarde la formation de la banquise dans l'Arctique, notamment en automne. Or la banquise recule : elle a atteint au cours des quinze dernières années les niveaux les plus bas enregistrés depuis le début des années 1980.

La suite est un cercle vicieux. A cause du réchauffement de l'eau et de l'air, la banquise se réduit et se forme plus tard dans la saison. Elle protège donc moins l'eau froide de l'Arctique des rayons du soleil. Celui-ci se réchauffe à son tour, ce qui réduit encore la banquise... "Vous allez avoir une amplification locale du réchauffement dans cette région limite, de transition", décrit Gerhard Krinner.

"Avec la glace de mer de moins en moins importante, ces régions peuvent emmagasiner plus de chaleur, et en relarguer plus dans l'atmosphère."

Jeanne Ghérardi-Scao, climatologue

à franceinfo

Une tendance observée de longue date

Le fait que le réchauffement des pôles soit plus rapide qu'ailleurs sur Terre était déjà connu : l'Arctique est considéré comme une "sentinelle du climat", une région très sensible au réchauffement. Franceinfo avait publié, en mars, plusieurs infographies montrant que cette zone se réchauffait deux à trois fois plus vite que le reste du monde.

"L'ampleur du réchauffement enregistré ici ne fait que confirmer ce que l'on sait depuis plus de vingt ans", commente Jeanne Ghérardi-Scao. L'experte rappelle que de précédentes études sur l'Arctique (en anglais) faisaient état d'élévations de température particulières dans certaines zones de cette région. Mais les données publiées dans Scientific Reports interpellent tout de même les climatologues.

"Ce n'est pas une très grande surprise mais +2,7 °C, c'est vraiment impressionnant. De façon générale, le réchauffement global est absolument exceptionnel."

Gerhard Krinner, climatologue

à franceinfo

Un impact jusque dans nos latitudes

L'ampleur du phénomène montré par ces nouvelles données est lié au "contexte bien singulier de l'Arctique", assure Jeanne Ghérardi-Scao. Mais la climatologue met en garde : l'important réchauffement dans l'Arctique a de "multiples conséquences sur le niveau de la mer et sur le transport des masses d'air dans nos latitudes" plus tempérées. Or la France et l'Europe subissent déjà des conséquences du réchauffement climatique.

L'étude ne traite certes pas de la fonte de la calotte glaciaire, ce glacier d'eau douce qui recouvre notamment une partie du Groenland. Mais la disparition de la banquise et celle de la calotte glaciaire sont deux phénomènes "intriqués", souligne Jeanne Ghérardi-Scao. La disparition de ce glacier "contribue pour beaucoup" à l'élévation du niveau de l'eau. Globalement, la mer s'est élevée de 9 cm en 30 ans, et cela risque de s'accentuer : si nos émissions de gaz à effets de serre continuent à augmenter au rythme actuel, l'élévation du niveau marin sera d'environ un mètre en 2100, selon les experts du Giec.

Le réchauffement arctique a aussi un impact sur les masses d'air qui parviennent en Europe : celles-ci sont plus humides, ce qui provoque des pluies plus importantes et des chutes de neige plus abondantes. Les importantes quantités de neige qui étaient tombées en Europe en 2018 sont directement liées aux eaux "anormalement chaudes" dans la mer de Barents, selon une étude publiée en avril 2021 dans Nature Geoscience (en anglais). Ce type de phénomène risque lui aussi de s'accentuer au fil des décennies, paralysant les transports et les infrastructures du continent. "Ce qui se passe au niveau polaire a des répercussions chez nous", martèle Jeanne Ghérardi-Scao.

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