"Ça fait peur" : des chercheurs ont calculé la fonte des glaces au Groenland depuis 1972
Selon une étude parue lundi, les glaces fondent six fois plus vite aujourd'hui que dans les années 1980.
En 2019, mesurer la fonte des glaces au Groenland ou en Antarctique est un exercice relativement précis. Pour y parvenir, les scientifiques s'appuient sur un arsenal de satellites, de stations météo et de modèles climatiques sophistiqués. Dans une étude parue dans les comptes-rendus de l'Académie américaine des sciences (PNAS), lundi 22 avril, des chercheurs ont recalculé la perte de glaces depuis 1972, date de la mise en orbite des premiers satellites Landsat ayant photographié régulièrement le Groenland.
"Quand on regarde sur plusieurs décennies, il vaut mieux s'asseoir sur sa chaise avant de regarder les résultats, parce que ça fait un petit peu peur de voir à quelle vitesse ça change, lâche à l'AFP le glaciologue français Eric Rignot, professeur à l'Université de Californie à Irvine, coauteur de l'étude avec des collègues en Californie, à Grenoble, Utrecht et Copenhague. C'est aussi quelque chose qui affecte les quatre coins du Groenland, pas juste les parties plus chaudes au Sud".
"Remonter dans le temps"
Les glaciologues disposent de trois méthodes pour mesurer la fonte glaciaire. Des satellites mesurent tout simplement l'altitude (et ses variations) grâce à un laser : si un glacier fond, le satellite voit son altitude baisser. Une seconde technique consiste depuis 2002, grâce à des satellites de la Nasa, à mesurer les variations de gravité terrestre : les montagnes ne bougeant (presque) pas, ce sont les mouvements et transformations de l'eau qui les expliquent. Enfin, les scientifiques ont développé des modèles dits de bilan de masse : ils comparent ce qui s'accumule sur le Groenland (pluie, neige) à ce qui en sort (rivières de glace), et calculent ainsi ce qui reste. Ces modèles, confirmés avec des mesures de terrain, sont devenus très fiables depuis le milieu des années 2000. Elles sont de l'ordre de 5 à 7% de marge d'erreur, contre 100% il y a quelques décennies.
L'équipe a utilisé ces modèles pour "remonter dans le temps" et reconstruire en détails où en était la glace du Groenland dans les années 1970 et 1980. Le peu de données dont ils disposaient pour cette période (photos satellites de moyenne résolution, photos aériennes, carottages de neige et autres observations de terrain) a permis d'affiner le modèle. "On a ajouté un petit morceau d'histoire qui n'existait pas", détaille Eric Rignot.
La glace fond six fois plus vite aujourd'hui
Résultat : dans les années 1970, le Groenland a gagné 47 gigatonnes de glace par an en moyenne, avant d'en perdre un volume équivalent dans les années 1980. La fonte continue à ce rythme dans les années 1990, avant une accélération forte à partir des années 2000 (187 Gt/an) et surtout depuis 2010 (286 Gt/an). Ce qui signifie que la glace y fond six fois plus vite aujourd'hui que dans les années 1980, estiment les chercheurs. Rien que les glaciers du Groenland auraient contribué à faire monter le niveau des océans de 13,7 millimètres depuis 1972. "C'est un travail excellent, par une équipe de recherche bien établie qui utilise des méthodes nouvelles pour extraire plus d'informations des données disponibles", a commenté Colin Summerhayes, du Scott Polar Research Institute à Cambridge.
Comme un travail similaire de la même équipe pour l'Antarctique, la nouvelle étude offre un contexte plus long à la fonte rapide observée au Groenland ces dernières années. "La fonte glaciaire observée depuis huit ans est équivalente à celle des quatre décennies précédentes", résume Amber Leeson, de l'Université de Lancaster.
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