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Changement climatique : on vous explique pourquoi sécheresse et inondations sont parfois liées

Article rédigé par Gabrielle Trottmann
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Une voiture détruite par les inondations à Aldea del Fresno, près de Madrid, le 4 septembre 2023. (OSCAR DEL POZO CANAS / AFP)
Des inondations touchent l'Espagne, l'Algérie, la Grèce et la Turquie. Des pays où l'été a été exceptionnellement sec. Explications.

Sécheresse et inondations, deux termes a priori totalement antinomiques, et pourtant... Les deux phénomènes sont en réalité très liés. S'il est difficile d'établir une relation de cause à effet pour un événement particulier, les pluies torrentielles observées ces derniers jours en Algérie, en Grèce, en Turquie et en Espagne interviennent en effet après un été exceptionnellement chaud et sec.

Or, l'un des principaux facteurs d'inondations, outre le volume et l'intensité des précipitations ou encore le relief de la région touchée, est "l'état des sols dans les premiers centimètres à la surface du sol", note Violaine Bault, hydrogéologue au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Et celui-ci varie énormément en fonction du climat.

Les sols secs absorbent moins la pluie

"Plus le sol est sec, plus il se contracte. Les pluies n'ont alors plus d'espace pour s'infiltrer et elles ruissellent lors des précipitations intenses", explique Simon Mittelberger, climatologue chez Météo-France.

"C'est comme quand on fait couler de l'eau sur une éponge sèche ou mouillée."

Simon Mittelberger, climatologue

à franceinfo

Sur YouTube, une expérience filmée par le météorologue Robert Thomson, de l'Université de Reading, au Royaume-Uni, illustre bien le phénomène. Trois gobelets d'eau sont posés à l'envers par terre : sur une pelouse verdoyante, une autre légèrement humide et un sol complètement desséché. Sur l'herbe, l'eau est absorbée en l'espace de 10 secondes. Pour le sol humide, il faut environ une minute. En revanche, sur le sol desséché, même après cinq minutes, l'eau du verre n'est presque pas absorbée...

L'expérience est en réalité un peu biaisée, car plus les herbes sont hautes, "plus elles créent des espaces qui permettent facilement à l'eau de s'évacuer sur les côtés", explique Simon Mittelberger. Mais la vidéo présente l'avantage de permettre de comprendre rapidement le phénomène physique à l'œuvre.

Une atmosphère chaude stocke davantage d'eau

Le danger est d'autant plus important que les sols ont tendance à s'assécher de plus en plus tôt dans l'année à cause du changement climatique. Le phénomène est en effet favorisé "par la baisse des précipitations au printemps et à l'été et par la hausse des températures", poursuit Simon Mittelberger. 

Au printemps 2023, l'Espagne suffoquait déjà sous des températures anormalement élevées, avec des pointes à 40°C. Au point que le climatologue Robert Vautard, désormais co-président du groupe 1 du Giec, alertait dès avril sur franceinfo du risque d'"une séquence de catastrophes" et de "réactions en cascade (...) au cours de cette fin de printemps et pendant l'été" dans un pays "en voie d'aridification".

Enfin, plus il fait chaud, "plus l'atmosphère est capable de contenir de l'eau qu'elle va puiser, entre autres, dans les sols. C'est donc un seul et même phénomène physique qui alimente à la fois la sécheresse et l'augmentation des précipitations", explique Florence Habets, hydroclimatologue au CNRS. C'est pourquoi le changement climatique augmente la probabilité et la gravité des phénomènes météorologiques, comme les inondations et les sécheresses, selon le Giec.

Une étude parue en février 2023 dans la revue scientifique Nature Water établit que les phénomènes sont d'ores et déjà en augmentation. Après avoir analysé 1 056 événements climatiques extrêmes qui se sont produits entre 2002 et 2021 grâce à l'imagerie satellitaire, les chercheurs sont formels :

"Le nombre d'événements a augmenté depuis 2002, mais les plus intenses d'entre eux sont devenus plus fréquents depuis 2015, au moment où la Terre a commencé à enregistrer sa série record d'années les plus chaudes."

Matthew Rodell et Bailing Li, auteurs de l'étude

dans la revue "Nature Water"

Les régions côtières sont particulièrement à risque : la hausse de la température des mers et des océans augmente l'intensité des précipitations, même si elle ne suffit pas à les déclencher. Pour autant, il ne faut pas penser que c'est parce que l'on vit dans les terres ou dans des zones moins exposées à la sécheresse que l'on est à l'abri. En juillet 2021, des pluies diluviennes ont ainsi fait 190 morts en Allemagne et 38 en Belgique.

Les sols sont devenus imperméables

Face au risque, quelles solutions ? En plus de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, il va être nécessaire d'adapter les villes, "par exemple, en évitant de construire des installations sensibles dans des zones exposées aux risques", explique Florence Habets. Enfin, il existe de nombreuses solutions pour rendre aux sols leurs propriétés absorbantes, détaillées dans un document de l'Union international pour la conservation de la nature paru en 2021.

Parmi elles, la préservation, la restauration et la création de zones humides, la végétalisation et la "désimperméabilisation" (le fait de débitumer des sols en ville). "C'est loin d'être suffisant pour contenir le volume d'eau cataclysmique qui s'est abattu en Grèce, estime Florence Habets. En revanche, cela permettrait un meilleur écoulement des pluies d'une intensité comme celles que Paris a connues cet été."

Une autre piste intéressante est de restaurer la forme originelle des cours d'eau, qui ont été canalisés et déviés de leur trajectoire originelle pour rallier le plus rapidement possible un point A à un point B depuis le début du XXe siècle. Auparavant, leurs méandres ralentissaient leur débit, ce qui permettait à l'eau de mieux infiltrer le sol et les nappes phréatiques.

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