Tokyo 2020 : Le Japon continue sa préparation pour les JO… à marche forcée
Auront lieu ? N'auront pas lieu ? La question de la tenue des Jeux Olympiques de Tokyo à compter du 24 juillet prochain est sur les lèvres des athlètes du monde entier, alors que ceux-ci voient les tournois de qualification (TQO) être annulés ou reportés les uns après les autres à cause de l'épidémie de nouveau coronavirus. Sans nul doute, en dehors de la période de confinement qui touche une grande partie de l'Europe et du globe, cette interrogation ferait le sel des bookmakers les plus aguerris à l'heure actuelle...
Sur l'archipel en revanche - pas forcément l'un des plus gros parieurs - la question ne se pose pas. Pas pour les autorités en tout cas. Ce mardi 17 mars, après une réunion d'urgence du G7, le Premier ministre japonais Shinzo Abe réaffirmait "un consensus général" autour de l'organisation des Jeux cet été. "Nous voulons organiser les JO comme prévu, sans problème, en maîtrisant la propagation du virus", a-t-il expliqué. Et d'ajouter : "nous allons travailler en coordination étroite avec les responsables concernés, dont le Comité international olympique (CIO). Il n’y a aucun changement à ce sujet".
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Des Jeux organisés aux dates prévues ? 2/3 des Japonais n'y croient plus
Depuis, les ministres en charge des Jeux olympiques ainsi que de l'éducation, la culture, des sports, des sciences et de la technologie lui ont emboîté le pas, sans oublier la Gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike. Alors, fin du débat ? Pas vraiment...
En coulisses, les Japonais se disent de plus en plus las de cette confiance à outrance affichée par l'exécutif. En début de semaine, un sondage réalisé par l'agence de presse japonaise Kyodo News estimait que 70% des Japonais ne croyaient plus à l'hypothèse selon laquelle les Jeux se dérouleraient aux dates prévues (24 juillet au 9 août 2020).
Et cette croyance repose sur plusieurs arguments tangibles qui, quoi que puisse en dire le CIO et consorts, altèrent considérablement les préparatifs pour un tel événement. Le report des formations à destination des bénévoles n'en est qu'un échantillon mineur. Le possible non-remboursement des billets aux spectateurs pour cause de "force majeure indépendante de notre volonté" - comme stipulé par le comité d'organisation dans les conditions générales - est déjà bien plus massif...
Un relais de la flamme olympique qui tourne au vinaigre
La cérémonie d'embrasement de la flamme olympique sur le site antique d'Olympie s'est déroulée à huis clos la semaine dernière. Une mesure de précaution pour éloigner le public de toute contamination, bien sûr. Reste que l'image de la première relayeuse - une première historique - arpentant, seule ou presque, les routes grecques pour véhiculer les valeurs de l'olympisme restera dans les mémoires. Un message qui sonne encore plus creux dès le lendemain, alors que le relais est interrompu en raison d'une trop forte affluence de spectateurs à Sparte...
Épisodes trois et quatre il y a quelques jours : un des deux vice-présidents du Comité olympique japonais, Kozo Tashima, est testé positif au nouveau coronavirus. Peu après, le directeur exécutif du comité d'organisation Toshiro Muto décide - la mort dans l'âme - de prononcer le huis clos pour le "grand départ" de la flamme, prévu le 26 mars dans la région de Fukushima. Où quand les Jeux de la reconstruction pour la ville-préfecture tournent, pour le moment, au vinaigre.
L'épidémie de Covid-19 est-elle bien gérée sur l'archipel ?
C'est la problématique centrale, évidemment celle autour de laquelle gravitent toutes les autres interrogations. Le Japon pourra-t-il assurer la sécurité sanitaire aux athlètes, officiels, médias et spectateurs qui prévoient de se rendre à Tokyo cet été ?
Au regard des chiffres officiels de ces derniers jours, l'archipel constituerait presque un ilôt de sûreté face au Covid-19. Environ 1 500 cas signalés, dont près de la moitié sur le paquebot de croisière Diamond Princess, et une augmentation du nombre de personnes testées positives qui tourne autour de 10 par jour. Le tout sans confinement comparable à la France (9 130 cas signalés et 264 décès au soir du 18 mars).
Comment ces chiffres sont-ils si bas ? Plusieurs éléments sont mis en avant : la détection rapide des foyers, des mesures anticipées (fermeture de toutes les écoles dès le début du mois de mars), une mise à l'isolement quasi-systématique... Sans oublier une discipline et une hygiène à toute épreuve. L'hebdomadaire Le Point rapportait par exemple la présence de gel hydroalcoolique à l'entrée de tous les magasins. Pas de quoi refroidir les ardeurs des fans amenés à investir en masse les quartiers de Ginza ou Shinjuku en juillet, a priori. Mais plusieurs milliers de citoyens alertent sur un probable biais statistique des autorités japonaises : les tests ne sont pas systématiques et pour beaucoup, il existerait des "cas cachés"...
Le gouvernement dispose toujours d'un arsenal législatif qui peut lui permettre d'activer "l'état d'urgence" si la situation venait à déraper. Dont, là encore, on ignore l'efficacité.
Shinzo Abe risque gros
Il est très clairement le visage de Tokyo-2020. Il y a quatre ans, lorsqu'il apparaissait grimé en Mario pendant la cérémonie de clôture des Jeux de Rio, Shinzo Abe avait bien entamé son processus de personnalisation de l'événement. Ces JO d'été, 56 ans après les derniers sur l'archipel, ce sont les siens et ceux de personne d'autre.
En 2013, deux ans à peine après l'accident nucléaire de Fukushima, le patron du parti libéral-démocrate tentait désespérément de mettre le passé sous le tapis tandis qu'il ficelait le dossier de candidature pour faire de Tokyo la ville-hôte des Jeux. Un pari réussi, à ceci près que la justice enquête toujours sur des soupçons de corruption quant à l'obtention de votes de la part de plusieurs membres du CIO... Une première tâche d'huile.
À l'heure actuelle, Shinzo Abe est en pleine lumière et voit sa cote de popularité remonter dans l'opinion, avec une hausse de près de huit points, à 49,7% d'intentions favorables cette semaine. Des signaux positifs pour le Premier ministre nippon mais qui pourraient tourner au véritable désaveu en cas de report des JO, voire pire... Alors il courbe l'échine et espère un endiguement rapide de l'épidémie. Il en va de sa survie en politique, glisse-t-on du côté des observateurs japonais.
Le Japon fait le forcing pour les Jeux car il a énormément à perdre
Ces dernières heures, le CIO est sous le feu des projecteurs. Les athlètes sont les premiers en colère et s'inquiètent des conditions de préparation tandis que l'institution de Lausanne "compte ses gros sous" en refusant de prononcer le mot "report", et encore moins celui "d'annulation". Mais s'il est un autre acteur - majeur - qu'il ne faudrait pas oublier dans l'équation, c'est bien le Japon.
L'organisation des Jeux, au vue des efforts financiers consentis (environ 11,5 milliards d'euros), est vital pour le pays. Pas besoin d'être en responsabilité au sommet de l'État pour le comprendre. Le ralentissement économique mondial actuel ne rassure pas mais l'archipel compte sur son événement pour relever la tête. Si les Jeux olympiques n'avaient pas lieu, ce serait près d'1,5 point de PIB qui s'envolerait, selon des économistes de la holding financière Nomura.
En plus des puissances publiques, énormément d'entreprises nippones ont participé aux opérations de sponsoring. Mais le principal secteur affecté serait sans aucun doute le tourisme : si l'accueil des étrangers progresse très fortement ces dernières années, les relations tendues avec ses voisins sud-coréens et chinois - avant même l'arrivée du nouveau coronavirus qui n'a fait qu'accentuer la situation - font craindre une baisse de l'activité économique.
Quid des assurances ? Patrick Vadja, consultant senior chez Siaci - Saint-Honoré, expliquait il y a quelques semaines à France TV Sport : “Si les Japonais avaient voulu assurer leur événement à 100 %, ils auraient acheté au bas mot 3 à 4 milliards, un montant qui n’existe pas sur le marché mondial de l’assurance annulation (...). Le maximum que j’ai vu pour des JO entre 1992 et 2014, était de 220 millions. Ce "premier risque" est très nettement en dessous de la réalité du coronavirus.” Une réalité qui, tout un pays l'espère, ne rattrapera pas l'organisation du plus grand événement sportif mondial.
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