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Pas vraiment les Jeux du fair-play

L’esprit sportif et olympique a été malmené à plusieurs reprises dans ces Jeux Olympiques de Londres. De la lutte au canoë-kayak en passant par la boxe et le cyclisme sur piste, sans oublier le basket, l'attitude de certains ne doit pas servir de modèle pour les plus jeunes.
Article rédigé par Grégory Jouin
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6 min
 

La tricherie dans le sport a toujours existé. Les exemples regorgent d’athlètes ayant truqué, biaisé, joué avec les règles, simulé... Parmi les plus célèbres, on pourra citer pêle-mêle: la poire du cycliste belge Michel Pollentier pour déjouer un contrôle anti-dopage sur le Tour de France 1978, les fausses tâches de sang utilisées par un joueur des Harlequins en H Cup afin d’être remplacé par un coéquipier plus frais, ou encore l’essence frelatée permettant à Nelson Piquet (Brabham) de battre Alain Prost (Renault) pour le titre F1 en 1983. Sans oublier les nombreuses affaires de dopage. On ne parle pas ici des "mains" de Maradona ou Henry qui découlent de situations de jeu et sont le fruit de réflexes, pas d’une intention préméditée.

Sur ces Jeux, force est de constater que l’esprit olympique fluctue grandement en fonction des épreuves. Et que les sanctions ne tombent pas systématiquement pour lutter contre ce fléau. Le premier cas des joueuses de badminton exclues n'a pas servi d'exemple, puisqu'il n'a pas été suivi par la même stricte application. Maintenant, il faut quand même distinguer ce qui est condamnable moralement –mais pas illégal- et ce qui relève de la tricherie proprement dite, certains arrangements avec les règles n’en faisant évidemment pas partie.

Badminton

Huit joueuses (4 paires du double dames), accusées de "ne pas avoir fait tout leur possible pour gagner" des matches de poule, ont été exclues du tournoi olympique. La sanction concerne quatre paires, une représentant la Chine, une l'Indonésie et deux la Corée du sud. Les joueuses exclues ont été accusées d'avoir délibérément voulu perdre un match pour faciliter leur progression dans le tournoi et affronter des adversaires moins redoutables lors des quarts de finale mercredi.

Conclusion: elles ont joué avec le règlement, elles en payent le prix. Perdre sans donner l’impression de tout faire est une chose, mais s’incliner sans jouer les points (en laissant passer les volants), ça se voit trop pour rester impuni par le CIO. La délégation chinoise a d’ailleurs condamné l’attitude des joueuses qui a nuit au pays.

Basket

Mêmes causes mais conséquences différentes pour les basketteurs espagnols. Dans leur dernier match de poule contre le Brésil, les Ibères ont le choix entre gagner, et se trouver sur le chemin des Etats-Unis, ou perdre, et affronter la France en quarts de finale. Etant devant au score, ils ont décidé d'encaisser un terrible (31-16) dans le dernier quart-temps pour s'incliner (88-82).

Conclusion: comme les joueuses de badminton, les basketteurs ont joué avec le système de poule. Mais contrairement au "bad", c'est une habitude dans les "sports co". Tout le monde calcule, mais cela ne donne pas une bonne image de ces compétiteurs qui tournent le dos volontairement à la performance. Faut-il mettre fin à ce système de deux poules de six ?

Boxe

Deux boxeurs français, Nordine Oubaali et Alexis Vastine, ont été les grandes victimes des juges de la boxe qui ont déclaré leurs adversaires vainqueurs alors que de l’avis (quasi) général, les Bleus avaient dominé leurs combats. En moins de 69 kg, Vastine a nettement pris l’avantage dans les deux premiers rounds avant de faire jeu égal au troisième. Pourtant, les deux rivaux ont obtenu le même nombre de points et il a fallu les départager sur décision. Incroyable mais vrai, le Normand, déjà volé en demi-finale à Pékin (en 2008), était éliminé. Oubaali (-52 kg), de son côté, a remporté deux rounds sur trois, faisant match nul avec son adversaire dans le troisième round. Il est tombé de haut quand les juges ont offert la victoire sur un plateau à son challenger.

Conclusion: les deux Français ont surtout subi les dysfonctionnements du monde de la boxe amateur où les influences sont nombreuses. En clair, ceux qui financent décident, et la France ne pèse d’aucun poids dans ce maelstrom où les décisions sont parfois prises en coulisses. Maintenant, si l’injustice semble flagrante, il paraît délicat de sanctionner des juges pour un décompte de points mauvais. Si Vastine et Oubaali peuvent avoir énormément de regrets, c’est surtout la boxe amateur dans son ensemble qui doit se remettre en question.

Canoë-kayak

Lors de l'épreuve du deux de couple poids léger masculin, le départ réussit à beaucoup, sauf au bateau britannique. Mal parti, il finit par lever la main pour signaler un problème technique, le siège du deuxième rameur étant, semble-t-il, sorti de son chariot. Résultat: une réparation de quelques minutes avec un tournevis, et un nouveau départ pour une médaille d'argent. Les Français, bien partis au 1er départ, finissent 4e, et posent une réclamation, qui sera rejetée, les Britanniques ayant signalé l'incident dans les premiers 100m et la casse ayant été vérifiée par des juges.

Conclusion: difficile de juger de la véracité des faits, et de remettre en cause l'examen des juges. Reste que Julien Desprès, consultant France Télévisions et champion du monde en quatre de couple, estime quasi-impossible la sortie du siège de son chariot, et encore moins qu'un tournevis puisse le réparer en quelques minutes.

Cyclisme sur piste

Philip Hindes, le démarreur britannique de la vitesse par équipes, a avoué avoir triché en tombant volontairement pendant les qualifications du tournoi, après avoir pris un mauvais départ. Le jeune coureur (19 ans) s'est exprimé après la finale remportée haut la main par le trio britannique face à la France, encore deuxième, comme en 2008. "Ma roue avant a glissé et je n'ai pas pris un départ optimal", a déclaré Hindes, qui a intégré la sélection britannique en 2011. "Quand un incident de ce genre survient, on a vite fait de perdre du temps".
Le coureur a évoqué, avec sincérité ou naïveté, un plan préparé: "On en avait discuté avant et on avait dit qu'il fallait tomber si ça se présentait. Je l'ai fait exprès pour obtenir un autre départ." Interrogée, l'Union cycliste internationale (UCI) ne s'est pas exprimée sur le fond de l'affaire. Elle a toutefois confirmé le résultat de la compétition.

Conclusion: même s’il était difficile de disqualifier le relais britannique après la finale (il était impossible de refaire toutes les courses), la tricherie est bien réelle. Le pistard anglais s’est sciemment jeté au sol afin de repartir dans de meilleures conditions. Il n’a pas fait d’erreur mais s’est montré malhonnête, jouant avec le règlement de façon honteuse et moralement condamnable. Les joueuses de badminton ont été exclues, les pistards auraient dû subir le même sort.

Lutte

Melonin Noumonvi n’a vraiment pas eu de réussite. Le Français a été battu en quarts de finale par l'Egyptien Karam  Mohamed Gaber Ebrahim d'un fil. Face au champion du monde de la catégorie, il avait placé un superbe soulèvement mais non comptabilisé car juste après le gong. Pour quelques centièmes de seconde, il passait à côté de l'exploit. D’abord non accepté, son mouvement a ensuite été validé –à sa demande- par l’arbitrage vidéo, avant d’être rejeté –après demande adverse- après un dernier visionnage qui a permis de diagnostiquer le (très) léger retard du geste français. Même si sur le coup, la décision n’a pas été bien prise par le clan tricolore, la règle veut qu’on prenne en compte la fin du mouvement et pas le début. Voilà comment on perd une médaille à portée de main.

Conclusion: pas grand-chose à dire si ce n’est : "dommage" pour le lutteur français. Mais il n’y a eu aucune tricherie malgré le flou entourant la fin du combat.

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