Lionel Finance : une culture différente
"Lionel Finance, combien de temps faudra-t-il avant de voir un Russe champion olympique de ski alpin ?
Il faudra au minimum deux Olympiades. On part de zéro, il n’y a pas de secret. Ces Jeux en Russie vont donner un coup de pouce mais ça prendra du temps. La question, c’est : « Que va faire la Fédération » ? Aura-t-elle les moyens de pérenniser cela, de ne pas casser la dynamique et de faire en sorte que le financement perdure, comme ça se fait en France. La question se pose en Russie car il y a eu un gros soutien depuis quatre ans. Il n’est pas certain que ça continue une fois les jeux terminés".
"Comme la France après 1973"
Que manque-t-il aux skieurs russes ?
"Korrochilov se situe entre la 15e et la 20e place mondiale, mais ça ne suffit pas. Il possède une toute petite chance de médaille dans un bon jour. Mais il faut gagner. Avoir des champions, ça aide. Il faut se rappeler qu’on a vécu la même situation en France après 1973, la fin de la grande période du ski français. Il a fallu 15 ans pour revenir et la médaille de Picard aux JO de Calgary en 1988. Et encore, la France avait une histoire avec le ski alpin. En Russie, le ski de fond et le biathlon se sont d'abord développés au sein des forces armées. Ils ont bénéficié de l’expertise russe en matière de physiologie. Pas le ski alpin".
Concrètement, quels sont les problèmes ?
"Les moyens sont consacrés au haut niveau et c’est bien, mais je vois trois gros problèmes. D’abord, il n’y a pas de tradition de ski alpin en Russie. Ensuite, l’étendue du pays est telle que des filles sont contraintes de s’entraîner dans l’extrême est du pays, dans des régions très éloignées de Moscou. Du Kamtchatka à la capitale russe, c’est pareil que de faire Paris-Los Angeles. Du coup, ce n’est pas évident de donner des axes de politique sportive. Certains oligarques régionaux mettent des moyens comme à Sakhaline, en Sibérie, ou dans le Nord à Mourmansk, mais les conditions sont très médiocres. Les stations ne sont vraiment pas terribles. En France, en Suisse ou en Autriche, nous sommes des privilégiés".
"Ca se développe dans les régions"
Est-ce que la situation russe ressemble à d’autres cas dans le monde ?
"Oui, j’ai vécu ça au Canada quand je m’en occupais. Il y avait deux pôles, un à l’ouest avec Calgary et Vancouver, l’autre à l’est autour de Toronto et du Québec. Mais il y avait de belles installations sportives. Aux Etats-Unis, des moyens considérables avaient été mis dans l’optique des JO de 2002 à Salt Lake City. Cet argent avait permis de pérenniser le projet dans le temps. En Russie, ça se développe dans les régions puis ensuite au niveau fédéral. Les juniors ont un groupe basé en Autriche. Les athlètes vont à l’école et skient. Ce n’est pas évident de quitter son domicile quatre mois. Le groupe des 15-17 ans, avec qui on a commencé à bosser il y a quatre ans, promet beaucoup. Mais il faut franchir les paliers au fur et à mesure avec trois étapes progressives : d’abord la Far East Cup, une compétition que les Russes disputent avec des concurrents asiatiques parce que c’est plus près pour les athlètes qui s’entraînent en Sibérie, puis la Coupe d’Europe qui permet de monter en puissance, avant de tenter sa chance la Coupe du monde".
La mentalité russe est-elle difficile à appréhender ?
"C’est sûr que c’est une culture différente. Les filles ont besoin d’observer avant de donner leur confiance. Mais c’est un bonheur de travailler avec elles. Cependant, un autre problème existe, les quotas de journée : l’accès pour les athlètes aux stations de ski est limité à 90 jours dans une période de six mois. Ce sont des contraintes inhérentes à la société russe. Il conviendrait d’avoir davantage de marges de manœuvre car certains stages sont reportés, annulés. Il y a une structuration importante à effectuer, mais c’est compliqué à mettre en place. La solution pourrait venir d’un Centre National d’entraînement à Sotch".
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