Le bobsleigh pas fait pour les casse-cou
Bruno, que manque-t-il au bobsleigh français pour rivaliser avec les meilleurs ?
BT: Je pense qu’on pourrait avoir des résultats bien avant 10 ou 15 ans parce qu’on a aujourd’hui tous les moyens disponibles, tous les ingrédients pour faire une médaille dans une grande compétition. On a déjà ce qui coûte le plus cher, la piste de La Plagne, qui est en parfaite activité. On a les athlètes avec deux équipages de bob à quatre qui sont sélectionnés. Et on a des entraîneurs qui ont du savoir faire. La preuve, certains ont été choisis par des sélections étrangères : Bruno Mingeon (médaillé de bronze de bob à quatre aux JO 1998 et champion du monde en 1999, NDLR) s’est expatrié à Monaco, et Eric Alard (quatre participations aux JO à son actif, et une médaille d’argent en bob à deux) qui entraîne la Suisse. Ce qu’il manque, c’est une volonté politique, de la part de la Fédération et du Ministère. Et puis des moyens, le nerf de la guerre étant l’argent.
Le bobsleigh aurait-il aussi besoin d’une tête d’affiche ?
BT: Effectivement. On était dans ce cas- là il y a quelques années avec Bruno, Eric ou moi-même. Mais, pour que nous arrivions à un moment à ce niveau là, il a fallu de l’investissement financier dans les équipages. On a cette capacité à retrouver ça aujourd’hui avec les hommes en place, sauf qu’on ne peut pas demander de gagner un titre olympique avant d’investir et de faire du développement.
Qu’enviez-vous aux Allemands ?
BT: On peut leur emprunter aujourd’hui essentiellement le matériel. L’Allemagne, mais encore plus la Russie ou les Etats-Unis aujourd’hui, ont un temps d’avance sur ce point. Le bobsleigh est un sport mécanique qui demande de la recherche et du développement. On a cette industrie de pointe en France mais il faut l’utiliser.
Comment s’effectue la préparation physique d’un bobeur ?
BT: Elle se passe en France, un peu partout l’été, avant l’entraînement classique qui se déroule à La Plagne. Pour la compétition, on part sur le circuit international. Ce sont des stages d’une semaine. Il y a beaucoup de déplacements. La saison sportive dure d’octobre à début mars. En avril-mai, les bobeurs font du foncier, du renforcement musculaire. En juin-juillet, c’est plus spécifique : on va pousser le bobsleigh sur des rails. On commence à travailler la partie technique de l’arraché, de la poussée et de l’embarquement. En août-septembre enfin, on entre dans le vif du sujet avec la composition des équipages, la routine d’embarquement, la préparation physique spécifique orientée vers le travail de l’athlète. Des sprints très courts, de la biométrie. Les pousseurs sont ainsi souvent issus de l’athlétisme. On va également continuer à travailler le développement du matériel, l’aérodynamisme. Tous les facteurs qui mènent à la performance.
Y-a-t-il une préparation mentale ?
BT: Oui, on fait de la sophrologie. Descendre une piste, c’est aussi la reconnaître, lire les virages pour adopter une trajectoire. Il s’agit d’une prévisualisation et d’une mémorisation des trajectoires. Quand on rentre à 140 km/h dans un virage, il faut savoir quoi faire exactement, le faire avec les informations qu’on a à l’instant t, mais le faire également avec les repères pris au niveau du pilotage. C’est l’amalgame de tout ça qui compte afin que ça devienne des automatismes et des adaptations permanentes. Quand un virage est moins bien abordé, les pousseurs le savent même s’ils ont leur tête rentrée à l’arrière. Le fait d’être fluide, d’aller de l’avant, de n’avoir aucune indication latérale, permet de sentir que la descente est efficace.
Que vient chercher un bobeur dans son sport ?
BT: Il faut forcément aimer les sensations fortes, la vitesse. Par contre, il faut être réfléchi. Ce ne sont pas des casse-cou tout simplement parce que l’action qu’on a en pilotage à 140km/h doit être mesurée, modelée en fonction de la trajectoire qu’on veut prendre. Il faut que ce soit fait dans la sérénité. Sinon, c’est la chute assurée et la mise en danger de la vie d’autrui.
Il y a depuis longtemps du bob à deux et à quatre. Pourquoi pas à trois ou cinq ?
BT: L’histoire du bob est marrante. Bobsleigh, ça veut dire balancer (to bob, en anglais) et traîneau (sleigh). Ce sont des Anglais qui ont créé ce sport à Saint-Moritz, en Suisse. A la fin du XIXe siècle, la jet-set voulait s’amuser. Les inventeurs ont pris des traîneaux, ont mis un bout de carénage, et c’est devenu un bob. Il y a eu au début du bob à trois, quatre, cinq, et même à huit. Puis la FIBB, créée par un Français en 1923, a régulé la pratique de la discipline. Le bob à quatre est arrivé en 1924, dès les premiers JO. Le bob à deux a suivi en 1932.
Pourquoi le bob a quatre surpasse médiatiquement le bob à deux ?
BT: Parce que c’est plus impressionnant. Il y a quatre athlètes qui embarquent donc c’est vraiment spectaculaire. Et puis ça reflète le vrai niveau d’une nation. En général, les pilotes et les pousseurs de bob à deux font aussi du bob à quatre. Actuellement, la France a deux équipages en bob à quatre. Celui de Loïc Costerg, qui se situe entre le 15e et la 20e place mondiale, tourne en Coupe du monde. Celui de Thibaut Godefroy, qui est environ 25e mondial, est engagé en Coupe d’Europe, le niveau en dessous. Il est moins concerné par les compétitions internationales parce que ça coûte cher.
Qui domine le bobsleigh en ce moment ?
BT: Les Russes, les Canadiens, les Américains. Les Allemands sont un petit peu en retrait. Les Suisses et les Lettons sont présents. Les Lettons sont forts parce qu’ils sont les héritiers de ce qui se faisait dans l’ancien bloc de l’Est. Ils bénéficient des infrastructures. Pour ces JO, la finale se déroule en deux temps. Il y a quatre manches, deux samedi soir et deux dimanche midi, et on va additionner le temps des quatre manches. Ca veut dire qu’on ne peut pas se louper une seule fois. Et seuls les 20 meilleurs équipages vont disputer la dernière manche. Ce qui est important, c’est de rester constants sur les quatre manches. On n’a pas le droit à l’erreur.
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