Lamy Chappuis, retour en conquérant
Avec le recul, comment analyse-t-on l’échec de Jason Lamy-Chappuis sur le petit tremplin ?
Fabrice Guy : C’est facile à analyser. C’est un mauvais choix de matériel. Mais ce n’est pas la marque qu’il faut incriminer. C’est assez technique en fin de compte. Le fartage, dont on ne parle pas souvent, est très compliqué. Et très important. Sur une course de ski de fond, c’est 60 à 70% de la performance. Tous les skieurs sont très bien entraînés, mais ce sont le matériel et la tactique de course qui font la différence. Mais mercredi, Jason n’avait aucune chance. Au bout de 2 km, il avait déjà le 40e temps de fond. Il y a eu un gros souci de glisse. C’est une boulette.
Ca veut dire que l’analyse des conditions et la préparation de la course n’ont pas été bonnes?
F B : Non. Deux Français ont réussi à glisser. Après chaque marque a des structures différentes sous le ski. Mais pour le combiné, parfois on rajoute des structures à la main, ce qui augmente les capacités de ski incroyablement. Sauf que là, ça n’a pas fonctionné. C’est mécanique. La structure du ski et celle rajoutée se sont annulées. Il était complètement freiné. Dans la cabine, au bout d’un tour, je ne comprenais pas son classement dans le groupe. J’ai tout de suite pensé au matériel et ça été confirmé.
Se voyant rétrograder au fur et à mesure de la course, a-t-il relâché son effort pour se préserver en vue des autres courses ?
F B : Non il a quand même essayé. Il a le 40e temps au premier tour, le 39e au deuxième tour, puis le 38e ensuite… Il n’avait jamais abandonné, il ne voulait pas le faire. Il s’est fait vraiment très mal. Quand tu ne glisses pas, tes quadriceps souffrent et tu ne prends aucun plaisir sur les skis. Il ne voulait pas perdre son titre sur un abandon. C’était super important, d’autant qu’il a besoin de courses, donc se faire mal quand il n’y a pas la glisse, c’est positif pour la suite. S’il ne l’avait pas fait, il aurait été obligé de faire une intensité (un entraînement, ndlr) le lendemain, tout seul contre le chrono. C’est mieux de le faire avec le dossard et les autres, même si tu n’avances pas.
Quelles sont les solutions pour régler ce problème ?
F B : La marque (Salomon, ndlr) va ressortir d’autres paires de skis. Et les biathlètes vont amener tous les skis d’Alexis Bœuf qui utilisent la même marque et qui ne courra plus. Ses skis ont déjà servi à Cyril Miranda (ski de fond, ndlr) ici. Ce cas de figure est déjà arrivé. Je me rappelle qu’à Vancouver, Jason avait couru avec les skis de Vincent Jay, il y avait déjà eu un échange de skis. Ca veut dire aussi qu’Alexis Bœuf ne fera pas le relais.
Comment Jason vécu cet échec? Est-il touché ?
F B : Je ne l’ai pas croisé. Juste après l’arrivée, il a tout de suite dit qu’il n’était pas bien. Il est comme ça Jason, il est très protecteur avec les gens qui l’entourent, avec sa marque, avec ceux qui préparent les skis. Mais, il a quand même dit à ses entraîneurs que c’était impossible de skier. S’il lit rarement les journaux, il a été choqué par ce qui a été dit : ‘Le porte-drapeau hors-de-forme’. Il n’est absolument pas hors-de-forme. Quand on l’est, on l’est sur les skis, mais aussi en saut. Il n’aurait pas pu terminer 8e croisé Jason. Mais Jason reste Jason, le lendemain il était passé à autre chose. La perte de son titre n’a pas été facile à accepter, encore plus lorsque c’est du à un problème de matériel. Il aurait aimé pouvoir se battre à armes égales. Il aurait peut-être fait une médaille, il aurait pu tomber aussi, on ne sait pas. Ils étaient 22 à un moment donné pour la 3e place. Mais il est reparti en conquérant. Il reste deux épreuves.
Sa zen attitude, son calme risque-t-il d’en prendre un coup ?
F B : Comme il le dit, ça ne reste que du sport. S’il doit perdre, s’il n’est pas sur podium parce que les autres sont meilleurs, il l’acceptera.
Dans ces conditions, la pression va être énorme sur l’épreuve du grand tremplin ?
F B :Cela aurait été plus facile de revenir avec du bronze ou une médaille c’est sur. Maintenant, la pression il l’a. Il ne reste plus qu’une médaille individuelle et il veut absolument en rapporter une. Il sait qu’il est en forme, mais au moment de repartir sur les skis, il pourrait avoir un petit doute.
S’il est mieux, il va falloir quand même aller chercher Frenzel et Watabe qui ont impressionné mercredi dernier.
F B : C’est vrai. Les deux devant font peur. Ils ont emmagasiné de la confiance. Eric Frenzel est champion olympique, il va remporter son deuxième Globe de Cristal, tout ce qui arrive désormais, ce n’est que du bonheur. Mais dès qu’il va remettre le dossard, ça va être un tueur. En saut, on est surpris par les distances qu’il arrive à atteindre, il arrive à monter son niveau à chaque compétition. Il gagne quatre ou cinq mètres grâce à son matériel. ‘Jez’ l’a remarqué. Akito Watabe ? Ca fait un moment que les Japonais courraient après les médailles. Il a fait une course tactique pour une breloque. Il a aidé Frenzel à avancer, mais il savait qu’au sprint Frenzel était meilleur. Mais il tenait sa médaille. Le saut va déterminer tout le reste.
Justement le saut, Jason Lamy-Chappuis l’a plutôt bien négocié (8e, ndlr).
F B : Oui, il a bien sauté. Mais le Grand Tremplin lui convient mieux, car il est très technique. Le Petit Tremplin, c’est d’avantage du travail en force. Sur le Petit, ça manque de compression sur la table, il aime bien se faire écraser pour bondir au bout de la table. Voir ce que ça va donner aux entraînements
Que peut-on espérer de l’épreuve par équipes ?
F B : François (Braud, ndlr) et Maxime (Laheurte, ndlr) sont meilleurs sur le Grand Tremplin, ils ont des gabarits de ‘voleurs’. Se défoncer pour les autres sur un 5km, ils savent le faire. L’interrogation, c’est Sébastien (Lacroix, ndlr). Il a été moyen en saut, puis grippé pour le ski de fond. On attendra beaucoup de Jason sur le Grand Tremplin pour mettre les autres en confiance.
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