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JO 2021 : pourquoi les deux sauteurs en hauteur Gianmarco Tamberi et Mutaz Essa Barshim se sont-ils partagé l'or olympique ?

L'Italien et le Qatari se sont mis d'accord pour arrêter le concours après avoir franchi la même barre de 2,37 m. Une première pour l'or en athlétisme aux Jeux olympiques depuis 1908, mais du déjà-vu dans plusieurs autres disciplines.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Les sauteurs en hauteur Gianmarco Tamberi (à gauche) et Mutaz Essa Barshim posent avec leur médaille d'or à l'issue de la finale olympique, le 2 août 2021, à Tokyo. (PICTURE ALLIANCE / PICTURE ALLIANCE)

"On peut avoir deux médailles d'or ?" Ne cherchez plus la phrase de ces Jeux olympiques de Tokyo, elle est sortie de la bouche du Qatari Mutaz Essa Barshim au moment où un juge est venu demander aux deux derniers sauteurs encore en lice s'ils souhaitaient participer à un barrage pour se départager. Nous sommes dimanche 1er août, il est 22 heures passées à Tokyo, et seuls l'Italien Tamberi et le Qatari Barshim peuvent rêver d'or olympique.

Le Qatari et l'Italien ont passé toutes les barres jusqu'à 2,37 m avant d'échouer à trois reprises à 2,39 m.
Athlétisme : Mutaz Barshim et Gianmarco Tamberi co-champions olympiques du saut en hauteur Le Qatari et l'Italien ont passé toutes les barres jusqu'à 2,37 m avant d'échouer à trois reprises à 2,39 m.

La suite de l'histoire est (déjà) entrée dans la légende. Barshim, en conférence de presse : "Je l’ai regardé, il m’a regardé, et on a su. On savait que c’était réglé, qu’il n'y avait aucun besoin de continuer. Je me souviens qu'on en avait parlé une fois, il y a des années et qu'on s’était dit : 'Oh, imagine…' Et c’est arrivé." Les deux sauteurs sont amis, le Qatari a même invité l'Italien à son mariage, lequel s'est fendu d'une tribune à sa gloire sur le site spécialisé Spikes (article en anglais). Après la grave blessure de l'Italien lors du meeting de Monaco en 2016, quelques jours avant le début des Jeux olympiques, le Qatari fait le siège de la chambre d'hôtel de son ami. "On a parlé. J'ai pleuré en face de lui. Il m'a apaisé. Il m'a dit ce qu'il fallait dire."

Une centaine de médailles partagées aux Jeux

Un beau roman d'amitié que permet le règlement du saut en hauteur. Ouvrons-le page 185 : "S'il s'agit de la première plage, un saut de barrage entre les athlètes sera appliqué en application de la règle 26.9 des règles techniques (...). Si aucun saut de barrage n'est effectué, y compris lorsque les athlètes concernés à un moment donné décident de ne plus sauter, l'égalité pour la première place sera maintenue." Et voilà comment on obtient la première médaille d'or olympique d'athlétisme partagée depuis 113 ans, la précédente remontant aux Jeux de 1908 et un concours homérique de saut à la perche entre les Américains Edward Cook et Alfred Gilbert.

N'en déplaise au biathlète français Martin Fourcade, qui est resté sur sa faim, ou au sauteur russe Ilya Ivanyuk, qui a râlé devant les micros : "Pardonnez-moi, ce n'est peut-être pas sympa de le dire, mais ce n'est pas juste. Ils auraient dû être forcés à sauter encore, parce que vous ne pouvez pas faire ça par rapport aux autres athlètes. Les organisateurs auraient dû faire quelque chose."

C'est d'ailleurs souvent dans les épreuves de saut que sont partagées les médailles (mais parfois au terme de barrages n'ayant pas permis de départager les athlètes). Rien qu'à Londres, en 2012, on trouvait trois médailles de bronze au concours de la hauteur, dont le Qatari Barshim, déjà. Aux Jeux d'été, des médailles ont déjà été partagées à 115 reprises, incluant notamment les égalités dans les épreuves chronométrées, ou les notes égales dans les épreuves soumises au jugement humain.

L'égalité la plus surréaliste s'est déroulée lors des Jeux de Barcelone, en 1992, quand la Canadienne Sylvie Fréchette a été repêchée en natation synchronisée après une faute de frappe d'une juge, qui l'avait condamnée à la médaille d'argent. La réhabilitation avait été signée sur tapis vert, un an et demi après la compétition et le recours du clan canadien. Par ailleurs, à Los Angeles, en 1984il y a eu pas moins de cinq médailles distribuées lors du concours masculin du saut de cheval, avec quatre gymnastes crédités de 19,825 points.  

Dans ces deux derniers cas, il n'était donc pas question d'un "arrangement" entre deux athlètes pour partager la première marche du podium. "C'est au-delà du sport", a encore déclaré Barshim, dimanche après son concours. "C'est le message que nous voulons envoyer à la jeune génération." Les organisateurs, eux, l'ont reçu 5 sur 5 depuis longtemps, note le Wall Street Journal (article en anglais) : aux Jeux d'hiver de Sotchi, en 2014, ils avaient prévu une cinquantaine de médailles en rab pour parer à cette éventualité.

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