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Alphand:une déception bleue "latente"

Luc Alphand, consultant pour Francetv Sport, est revenu sur la descente masculine. S'il salue la perfomance de Matthias Mayer, le vainqueur, il regrette la performance d'ensemble des descendeurs tricolores. Analyse.
Article rédigé par franceinfo
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Le skieur français Adrien Theaux

Du beau ski

"On a eu droit à un ski technique. Il y a eu du spectacle, des belles images et des beaux champions. Les trois médaillés ont réalisé une course superbe. Christof Innerhofer pouvait le faire, il a su se surpasser le Jour J. Le vainqueur ? Matthias Mayer est le jeune Autrichien qui monte. Je l’avais mis sur mon podium dans mes pronos. Qu’il gagne, c’est énorme. Il a supporté la pression. Il était parmi les quatre Autrichiens, c’était le benjamin. Mais il n’a pas craqué. Il est là et a ruiné les deux favoris, Svindal et Miller. Ces deux là n'ont eu besoin de personne pour perdre. Ils étaient chacun leur propre ennemi et ils ont perdu. Mais la course était belle."

Le Bleu en berne

"La déception elle existe. Elle réside dans l’impression laissée par le clan français. La blessure de Brice Roger a mis un coup au moral, elle a affecté le groupe. Hier (samedi, ndlr) déjà, on se disait que ça n’allait pas être facile. Mais il n’y a pas que du négatif. Il y a eu de bons moments. Adrien Théaux a été vite dans les parties techniques, c'est de bon augure avant le Super G. Johan Clarey est sorti trop vite donc on ne sait pas trop quoi penser. David Poisson et Guillermo Fayed n’ont pas été aidés par le tirage. Au lieu de partir entre le dossard 23 et 30, ils auraient été avantagés à partir entre le 1 et le 7 : meilleure luminosité et meilleure piste. Avec un meilleur dossard, ils auraient pu faire mieux. L’exemple c’est l’Américain Travis Ganong (5e, ndlr). Il est parti avec le dossard 7 a fait une très belle course. C’est lui la surprise de cette course. La déception, elle, est à chercher du côté de Théaux. Clarey lui a attaqué et s’est mis dehors, ça peut arriver, c’est la course."

Une course compacte

"Le podium est très serré. Il se joue en un dixième. C’est étonnant. Théaux qui termine 18e est à un peu plus d’une seconde (1’’66). C’est très compact pour une descente qui était quand même assez technique. J’ai été impressionné par ça. Sur une descente aussi physique et exigeante techniquement, je pensais que les écarts auraient été plus importants."

Miller, contre-performance et vengeance dans l’air

"C’est super compliqué le ski alpin. Bode Miller avait survolé les entraînements, mais cela n’offre aucune garantie. A Lillehammer (JO 1994), j’avais remporté le dernier entraînement de la descente avec une demi-seconde d’avance sur l’Américain Tommy Moe. Et le lendemain, il était devenu champion olympique (Luc Alphand avait terminé 8e, ndlr). Bode Miller, lui, a fait la course le mauvais jour. Son ski à l’entraînement sur le sommet, c’est magique. Innerhofer a réalisé les mêmes prouesses au même endroit ce dimanche. C’est à montrer dans les écoles. Mais l’Américain n’a pas réussi à le reproduire. Il s’est un peu désuni après le haut, il en a trop fait. Il était à 102% alors qu’être à 99% suffisait. Il a perdu du temps dans une partie où il est habituellement très fort, entre le trampoline jump et la bosse de l’ours. 

Dans cette portion, il y a sept courbes où il a tendu les lignes et a pris du retard. Il s’est bloqué et a perdu de la vitesse, un handicap qu’il a traîné jusqu’en bas. Mais avec ça, il termine 8e à cinq dixièmes, c’est rien. Les fautes qu’il a commises aujourd’hui, il les avait évitées samedi, c’est la complexité du ski alpin d’être présent le jour J. Pour Bolt, un 100m , c’est plus simple. Dans le ski alpin, il y a tellement de paramètres extérieurs à maîtriser. C’est un effort de deux minutes où on est à la limite, de l’accrochage ou de l’accident, comme Brice Roger. Une petite faute et la course est foutue. Mais pour lui, ça ne change rien pour la suite. Lui, comme Svindal, sont verts et connaissant le caractère de Bode, son envie va être décuplée. Il y a de la vengeance dans l’air. Surtout après cette contre-performance."

Un Norvégien sur le podium, mais pas celui qu’on attendait

"Kjetil Jansrud n’est pas le premier venu non  plus. Il a fait un podium en Coupe du monde cette saison (2e à Val Gardena, ndlr), trois en Super G dont une victoire (chez lui à Kvitjell, ndlr en 2013, ndlr) dans sa carrière. Il est vice-champion olympique de géant en titre. Aksel Lund Svindal, lui, a fait la même course que Bode : bon sur le haut, moyen sur le milieu et pas assez rapide pour finir. Il est au niveau de ce qu’il sait faire dans la discipline. Jansrud est parti plus tôt aussi – même si ce n’est pas le seul argument – et il a bien skié. C’est lui qui a fait la descente la plus complète."

Ambiance : "les Jeux sont faits pour la télé"

"Le site de la descente a été verrouillé par la sécurité, les gens ont mis beaucoup de temps pour arriver. Ça explique le quart d’heure de délai, parce qu’au niveau du ski, je ne vois pas pourquoi on aurait retardé. Mais c’est la descente. On a eu un beau profil de course. L’arrivée ? Il y a un dernier saut et on ne voit que ça, mais il y a des écrans géants. Si on va à l’arrivée, c’est pour vivre une ambiance. Seulement 80% des billets ont été vendus, les tribunes n’étaient pas tout à fait pleines. Et puis le Russe est comme ça, un peu froid. Ce n’est pas celui qui va gueuler.

Ce sont toujours les mêmes qu’on entend, les Suisses, les Norvégiens, les Canadiens, les Américains… En dessous de nous, un petit groupe d’Américains ont mis une super ambiance. Et ils n’étaient que 15. Plus généralement, c’est l’ambiance générale qu’il n’existe pas non plus. Personne dans les rues, dans les bars, peu de monde sur les sites. On se rend compte d’un truc très vrai, les Jeux sont faits pour la télévision. Les seules exceptions ont été Vancouver (JO 2010) et Lillehammer (JO 1994). Sur l’alpin à Sestrières en 2006, l’organisation avait réduit la tribune à 3000 places, c’était une volonté."

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