À l'heure du "sportwashing", comment remettre en avant l'impact social du sport ?
“À force de parler de sport, on néglige sa pratique. À force de dire qu’il est formidable, on oublie qu’il faut y consacrer de la méthode et des moyens. À force d’en faire un business, on n’en fait qu’un spectacle. À force d’en faire un symbole de réussite, on prépare son échec.”
C'est par cette mise en garde que David Blough débute son essai "Sportwashing : que sont devenues les valeurs du sport ?" (Éditions Rue de l'échiquier), qui sort ce jeudi en librairies. Le directeur général de l'ONG PLAY International, qui utilise le sport comme levier de changement social depuis 20 ans, se sert de son expérience sur le terrain pour tenter d'alerter sur les discours résolument positifs : non, le sport n'est pas nécessairement "l'école de la vie" et oui, il faut le remettre en question, l'interroger sur son rôle social et sociétal.
Dans une première partie, il déconstruit les présupposés positifs et mystiques autour des valeurs du sport avant, dans une deuxième et une troisième partie, de mettre en avant tout ce qu’il a à nous offrir si on l'aborde à contre-courant de ce sens magique.
Comment s'est construite votre volonté d’écrire cet essai ?
David Blough : "J'ai eu deux déclics. Le premier, c'était en rejoignant l'ONG et en faisant une première mission sur le terrain en 2011, en Haïti. Je n'avais pas encore une vision fine de ce que le sport pouvait vraiment apporter à des jeunes, à des groupes d'êtres humains mais quand j'ai vu les activités de l'organisation dans des camps de déplacés, avec des conditions de précarité absolues, je me suis rendu compte à quel point il avait un potentiel d'accompagnement. J'ai trouvé qu'il y avait un vrai décalage entre ma perception de l'époque où je me demandais : "est-ce que ça a du sens de faire du sport dans ce contexte, est-ce que c'est la priorité ?", et le fait de voir par exemple qu'on peut utiliser le sport pour faire de la prévention contre le choléra. On dépasse le cadre de l'utile, on est dans le nécessaire."
Et le deuxième déclic ?
D.B : "Il est intervenu lors de conférences pour parler de l'ONG, de l'impact social du sport. Au fur et à mesure du temps, j'étais de plus en plus frustré d'entendre dans ce type de conférences un discours sur les valeurs du sport. L'idée n'est pas tant de dire que le sport peut ou ne peut pas avoir un impact social, mais on a le sentiment que quand on parle de ces fameuses valeurs, elles sont automatiques, intrinsèques et qu'il suffirait de pratiquer le sport pour qu'il y ait des vertus pour l'ensemble de la société. Je pense, et c'est l'un des fils rouges du livre, que ce discours, cette croyance est un facteur limitant de ce que le sport peut apporter. Puisque s'il suffit de pratiquer, on ne va pas forcément mettre les moyens, on ne va pas penser à l'utiliser pour prendre en charge des jeunes qui souffrent d'autisme ou travailler sur le changement de regard sur le handicap."
Dans votre ouvrage vous dites que “le sport n’est ni bon, ni mauvais en soi, il est tout simplement neutre. On lui associe ce qu’on veut bien lui associer”...
D.B : "Oui, et c'est quelque chose que l'on oublie très souvent."
Vous rappelez également qu'il y a de plus en plus d’affaires dans le monde du sport liées à la corruption, aux paris illégaux, au dopage, à la fraude fiscale… Est-ce qu’on peut dire d’une certaine façon que, pour la partie émergée de l’iceberg c'est-à-dire le monde professionnel, le sport s’est fait "acheter" ?
D.B : "Disons qu'on a l'impression que le sport business s'est approprié ces valeurs dans son discours. Il y a plein d'entreprises qui ont une démarche positive en termes de sport, de RSE... Mais quand on voit ce que génère le sport en matière de business et que l'on compare ça avec ce potentiel non exploité en matière d'impact social, c'est incongru d'avoir un discours comme celui-là. Ça contribue à l'alimenter parce que la force de frappe de ces grandes multinationales en termes de communication ne fait que renforcer cette croyance autour des valeurs du sport."
Est-ce qu’aujourd’hui des associations, des organisations comme la vôtre ont pris le pas sur les politiques publiques et sont les plus à même de comprendre l’impact social du sport ?
D.B : "Oui et je fais ce constat au niveau mondial aussi. Quand l'ONG a été créée il y a 20 ans, il y avait très peu d'acteurs dans le secteur. Aujourd'hui on en recense plus de 3 000, ce sont autant d'organisations privées à but non lucratif qui, au quotidien, essayent d'apporter des réponses en utilisant le sport. Les réponses vont être apportées en termes d'éducation, d'exclusion sociale etc. Donc j'ai le sentiment que ce mouvement là commence à nourrir les politiques publiques, les questionnements et les réflexions progressent en ce sens mais on est encore très loin. Il y a un vrai levier avec les professionnels de l'éducation au sens large : éducateurs, animateurs, entraîneurs, prof des écoles.. Si on arrive à les appuyer et à développer des pratiques, à partager des outils, c'est là qu'on arrivera à un vrai changement et pas uniquement avec un discours. Avec le sport comme moyen et l'éducation comme finalité."
Vous évoquez aussi le rôle éminemment politique du sport au regard de son histoire. Justement, en se projetant un peu dans quatre ans, quelles sont les valeurs que peuvent transmettre les Jeux à Paris, en France, en 2024 ?
D.B : "Nous avons participé à un projet pendant la phase de candidature, l'ONG PLAY a collaboré avec Paris 2024 pour développer tout un programme sur les valeurs de l'olympisme : l'amitié, le respect, l'excellence. L'idée étant non pas de clamer et d'afficher ces valeurs mais plutôt de voir quelles sont les compétences de vie qui permettent de les faire vivre au quotidien : qu'est-ce que le respect pour un enfant de 8 ans ? Comment est-ce qu'il peut se respecter lui-même, respecter les autres... C'est ça qui est important. On a développé un programme pédagogique que l'on a déployé dans plusieurs pays. L'idée, dans la continuité de ce projet-là, est de densifier cette intervention, notamment en France et en particulier en Seine-Saint-Denis. À partir de la rentrée on va programmer des formations pour travailler avec les éducateurs, les professeurs des écoles, l'objectif étant que l'intégralité des acteurs de l'éducation dans ce département, surtout dans des réseaux d'éducation prioritaires, puissent accéder à ces contenus et à ces compétences."
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