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JO 2022 : quatre questions sur le fartage, l'allié indispensable des athlètes

Appliqué sous les semelles de ski, le fart peut à lui seul faire gagner – ou perdre –   une course. Avec la neige fraîche tombée sur Pékin, son rôle est donc primordial.

Article rédigé par Adrien Hémard Dohain, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial à Zhangjiakou
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Guillaume de Nardin, l'un des techniciens de l'équipe de France de ski de fond, à Pékin. (GDN)

"Salut, ça farte ?" Depuis la sortie de Brice de Nice en 2005, tout le monde connaît l'existence du fart grâce à Jean Dujardin. Mais concrètement, qu'est-ce qui se cache derrière ce terme qu'on entend souvent ces jours-ci aux Jeux olympiques ? Franceinfo: sport vous explique pourquoi il s'agit de la meilleure arme des biathlètes et les fondeurs. Encore plus après les chutes de neige naturelle ces dernières heures à Pékin, qui modifient radicalement les conditions de glisse, comme ont pu le constater les Bleus en snowboard cross.

Le fartage, c'est quoi ?

Concrètement, le fartage est un produit déposé sous la semelle du ski. Guillaume de Nardin, un des techniciens de l'équipe de France de ski de fond, explique qu'il y a "deux sortes de fartage, celui qui fait glisser le ski vers l'avant et celui qui l'empêche de reculer". Son collègue Vincent Meilleur prend la suite : "Ce traitement de surface de la semelle fait accélérer le ski. On utilise des produits sous des formes solide, avec une cire, liquide, ou en poudre". Entraîneur du groupe sprint des fondeurs, Cyril Burdet poursuit : "C'est comme le travail sur une formule 1 pour améliorer les pourcentages de force de friction. Un skieur avec un matériel un peu plus performant force un peu moins et peut utiliser cette force supplémentaire pour faire la différence."

 

"Cela vient compléter le rôle du poids de l'athlète et des zones de pression du ski", ajoute Guillaume de Nardin. Le fartage possède pour cela un ultime allié : la structure de la semelle du ski. Invisible ou presque à l'œil nu, il s'agit d'une sorte de labyrinthe creusé pour évacuer l'eau sous le ski, et ainsi accélérer encore la glisse. "La semelle est dessinée comme un pneu par une structureuse. On a différentes structures en fonction des conditions de neige. Sur de neiges très sèches, comme ici, on chercher à créer de l'eau. Sur de la neige humide, à évacuer l'eau", complète le technicien tricolore.

Peut-on perdre une course à cause du fartage ?

Pour le technicien des fondeurs français, Vincent Meilleur, la réponse est limpide : "Oui, bien sûr. Si vous créez de l'accélération, vous créez de la vitesse. Le ski, c'est tout bêtement glisser sur l'eau de la neige, sur la matière humide. On cherche à créer un maximum d'accélération avec le fartage." Pour cela, il faut pouvoir s'adapter à tout type de neige et de conditions météo. Chaque skieur dispose ainsi d'une vingtaine de paires, pour quatre grands types de neige. "Choisir le bon ski représente 50% du travail", éclaire Guillaume de Nardin. À ses yeux, le matériel et le fartage contribuent "à 70% du résultat. Si le ski glisse un mètre cinquante moins vite que celui des autres coureurs, ça se transforme en plusieurs minutes".

Figure de la délégation française des fondeurs, Maurice Manificat est bien conscient de l'importance du fart dans ses performances : "Le ski en général est bien évidemment soumis à la neige. On évolue sur des terrains différents tous les week-ends, et des neiges différentes, comme tu peux avoir des différences entre deux cols en cyclisme. Chaque athlète a ses préférences. Il n'y a pas que l'effort physique et technique, il y a cette aptitude à dompter le terrain et le matériel et le fartage nous aident".

 Qui décide ? Et comment ?

Capitale pour les sportifs, la décision du fartage appliqué n'est toutefois plus entre leurs mains depuis plusieurs années. "Quand j'ai commencé, on passait du temps à faire les tests avant la course. Maintenant les protocoles ont changé, les skis doivent être prêts une heure avant", raconte le vétéran Maurice Manificat. "Tout est fait pour que les athlètes aient la tête au ski, on a tous un technicien attitré. On connaît nos skis, notre marque. C'est comme un gars qui monte sur un vélo : au bout d'un moment, on sait les appréhender. C'est le technicien qui gère, on fait confiance".

Les skis des fondeurs français, marqués par des étiquettes selon leurs caractéristiques face au froid.  (GDN)

Le fruit de l'inévitable professionnalisation du sport, dont découle une diversification d'un matériel de plus en plus sophistiqué. "Il y a 15 ans, les athlètes avaient beaucoup moins de skis et de produits à mettre sous les skis. Ce développement a obligé à avoir des personnes dédiées, aujourd'hui on est sept", précise Guillaume de Nardin. Souvent, ces techniciens sont d'ailleurs d'anciens athlètes qui n'ont pas percé. Reste qu'il leur revient le jour de la course, quatre heures avant le départ environ, d'opter pour le fartage adéquat.

Et on farte quand, dans tout ça ?

Tout cela se passe en amont de la course, après plusieurs essais sur la piste le matin même de l'épreuve. "On arrive entre quatre et cinq heures de temps avant la course pour appliquer sur nos ski-tests, pour ensuite essayer les farts, les structures pour arriver une heure avant le départ de la course. Là, on met le fart sur le ski des coureurs et c'est à eux de jouer", détaille de Nardin. Tout cela se passe dans des cabanons installés pour l'occasion par l'organisation des JO. À l'intérieur, pas moins de 2,3 tonnes de matériel venu de France en avion, histoire de travailler comme à la maison. "En Europe, on voyage avec un camion aménagé qui se déplie en atelier", ajoute Vincent Meilleur.

Un jour de course, un technicien passe ainsi environ dix heures dans son atelier. "C'est un travail physique, mais ça va. Mon père a travaillé dans la sidérurgie, lui il a eu chaud. Nous on est bien dans nos cabanes en climat tempéré. C'est un travail de connaissances, d'expérience, minutieux, d'anticipation. Il faut gérer plein de paramètres météo. C'est extrêmement passionnant", apprécie Vincent Meilleur. Et une fois que le travail est bien fait, il ne reste plus qu'à le voir porter ses fruits sur la piste… ou non. "Une fois que l'athlète a les skis au pied, on n'est pas forcément plus tranquille parce qu'on veut toujours bien faire, rappelle Guillaume de Nardin, On ne travaille plus mais tant qu'il n'a pas fait un bon résultat, on n'est pas plus relax."

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