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JO de Paris 2024 : pourquoi la billetterie des Jeux olympiques fait autant de déçus

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Un ordinateur affichant la page d'accueil de la billetterie des Jeux de Paris 2024, le 27 mars 2023. (MARIE MAGNIN / HANS LUCAS / AFP)
Comme au mois de février, la deuxième phase de vente des places pour les Jeux parisiens a fait de nombreux mécontents ces derniers jours. Le comité d'organisation pointe une demande bien plus importante que l'offre et met en avant les plus petits prix pratiqués. Mais la grille tarifaire et le mode d'attribution des billets posent question. Explications.

Rebelote. Comme lors de la première phase de vente sur la billetterie en ligne pour les Jeux olympiques de Paris 2024, mi-février, de nombreux amateurs de sport ont été laissés sur la touche ces derniers jours. Surtout s'ils n'ont pas eu la chance d'être tirés au sort pour un créneau dès le lancement de cette deuxième phase, jeudi 11 mai au matin. La faute à une offre bien inférieure à la demande et à des tarifs prohibitifs pour les billets encore disponibles.

"Honteux", estime un (mal)heureux élu, "choquant et aberrant", selon un autre, "peu de places à petits prix", se lamente un troisième. La promesse de Jeux "populaires et accessibles", martelée par les organisateurs ces derniers mois, leur revient comme un boomerang. A juste titre ? Elements de réponse en tentant de remettre en perspective le fonctionnement de la billetterie de Paris 2024 par rapport à celles des précédents JO d'été.

Une grille tarifaire coupée en deux

Selon les chiffres communiqués par le comité d'organisation des Jeux de Paris (Cojo), 8 millions de tickets sont directement proposés au public lors des différentes phases de vente. Parmi eux, un million affiche le prix plancher de 24 euros, quatre millions sont facturés entre 24 et 50 euros, et le reste, plus onéreux, va servir à obtenir le milliard et demi d'euros budgété par l'organisation pour rentrer dans ses frais. En clair : la billetterie représente un tiers du budget du Cojo, une proportion plus élevée qu'aux Jeux de Sydney en 2000 (environ 25%), et largement plus importante que les 3% récoltés pour les JO d'hiver à Albertville, en 1992.

Après la première phase de vente il y a trois mois, qui avait déjà permis d'écouler plus de trois millions de billets, Tony Estanguet avait conscience qu'il allait de nouveau générer de la frustration, car l'offre est très loin de répondre à la demande : "Il n'y en aura pas pour tout le monde", avait-il prévenu dès le mois de mars.

Si le prix moyen des billets s'élève, selon nos calculs, à 110 euros, le prix médian, lui, n'est "que" de 50 euros. Autrement dit : la moitié des spectateurs s'acquitte d'un prix inférieur à 50 euros, et les organisateurs pratiquent des tarifs bien plus élevés sur certaines places (notamment sur les quarts, demies et finales de plusieurs disciplines) pour atteindre leur objectif budgétaire, explique l'économiste François Lévêque sur le site universitaire The Conversation. "C'est comme ça qu'on équilibre les comptes", argue Tony Estanguet. Et si certains billets ne trouvent pas preneur, c'est le contribuable qui héritera de la facture. 

Des petits prix qui se font rares...

Où est passé le million de billets à 24 euros ? Environ la moitié a été préemptée par l'Etat et les collectivités territoriales, notamment la mairie de Paris et le département de Seine-Saint-Denis, pour la billetterie solidaire (bénévoles dans le sport, élèves, personnes en situation de handicap...). Seuls 500 000 billets ont donc été proposés au grand public lors des deux premières sessions de vente... durant lesquelles 4 millions de personnes se sont inscrites. Tout n'est pas perdu pour autant : 3 millions de places doivent encore être mises en vente à l'automne, avant que la plateforme officielle de revente des précieux sésames ouvre au printemps 2024 (avec obligation de revendre au prix d'achat).

... Et des billets globalement (un peu) plus chers que pour les précédents JO

Alexandre Faure, chercheur en sciences urbaines à l'EHESS a sorti sa calculette, au micro de France Culture : les billets des JO de Londres se chiffraient "en moyenne à 60 livres en 2012, ce qui, rapporté à l'inflation aujourd'hui fait 80 livres et rapporté à l'euro, 90 euros. C'est la moyenne des places vendues aujourd'hui à Paris en 2024. Faire des 'Jeux populaires', c'est toujours un slogan." Slogan d'ailleurs martelé par les organisateurs des Jeux de Sydney* ou Londres* avant leurs homologues parisiens.

La comparaison du prix du billet le plus cher pour la cérémonie d'ouverture et de la finale du 100 mètres, depuis 2000, vous donne une idée, certes incomplète, des tarifs en vigueur. Ainsi que le prix plancher, généralement aligné en fonction du niveau de vie dans le pays hôte au moment des Jeux. Pour les Jeux de 2012, un rapport de la London Assembly* (un organisme qui contrôle l'activité du maire de Londres) a établi que le prix moyen payé par les spectateurs ayant assisté à la victoire du régional de l'étape Mo Farah sur 5 000 mètres s'établissait à 382 euros. Très cher, certes, mais les enfants bénéficiaient de tarifs particulièrement attractifs : une livre sterling par âge jusqu'à 16 ans. Un tarif de 16 livres était également proposé aux personnes âgées.

Un mode d'attribution des places contesté (comme toujours)

Depuis qu'on peut acheter des tickets en ligne, aucun système n'a fait l'unanimité. Parmi les critiques faites aux organisateurs de Paris 2024, la quantité importante de billets que les heureux tirés au sort ont pu acheter : jusqu'à 30 billets toutes phases confondues. A Londres en 2012 (les Jeux régulièrement pris en exemple par les organisateurs de la compétition parisienne), les potentiels acheteurs précisaient avant le tirage au sort les épreuves pour lesquelles ils souhaitaient obtenir des places, ce qui permettait de les diriger directement vers ces billets.

Pour Paris, on ne connaît pas encore le quota de places alloué au grand public. Mais, à titre d'exemple (et pour avoir un ordre d'idée), seuls 45% des places du complexe aquatique pour assister aux finales du plongeon en 2012 étaient occupées par des Britanniques, selon le rapport de la London Assembly*. Le reste a été acheté par des spectateurs étrangers ou distribué aux sponsors, journalistes et autres dignitaires. 

La polémique qui agite la France reste d'ailleurs loin du scandale autour des tickets des Jeux de Sydney, en 2000. Dans le système mis en place à l'époque, seuls 1 à 5% des demandeurs avaient pu obtenir l'épreuve de leur choix, soulignaient à l'époque les universitaires Yanni Thamnopoulos et Dimitris Gargalianos, dans une étude publiée en 2002*. Le système d'achat était encore moins à la portée de toutes les bourses : comme pour les Jeux d'Atlanta quatre ans plus tôt, il fallait avancer l'argent avant d'obtenir, éventuellement, les tickets... ou d'être remboursé.

La médaille d'or de la lose revient tout de même aux Jeux d'Athènes, en 2004, où les organisateurs, qui se gargarisaient dans le journal Ekathimerini* de leur politique tarifaire élitiste – "Tous les Grecs ne pourront pas s'offrir toutes les compétitions" – ont dû brader en catastrophe les précieux sésames, faute d'avoir vendu plus d'un tiers des billets à quelques semaines de l'échéance. Ils en avaient même appelé au patriotisme des Grecs pour éviter d'afficher en mondovision des tribunes vides, rapportait à l'époque le New York Times*.

* Ces liens renvoient vers des contenus en anglais

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