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JO 2024 : pourquoi la visite d'inspection du CIO à Paris ne doit pas empêcher les organisateurs de dormir

La commission d'évaluation du CIO visite la capitale et ses installations en vue d'établir un rapport sur le dossier de candidature parisien aux Jeux de 2024. Sur le papier, ça fait peur. En réalité...

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le coprésident de la candidature de Paris aux JO 2024, Tony Estanguet, pose pour un selfie avec la commission d'évaluation du CIO et des bénévoles, au Stade de France, le 15 mai 2017. (FRANCK FIFE / AFP)

Un selfie au Stade de France. Une promenade dans un Roland-Garros ripoliné. Un apéritif sous les ors du Petit Palais. Le tout en compagnie de Marie-José Pérec, Guy Drut ou Tony Estanguet. Cerise sur le gâteau : un petit-déjeuner avec un Emmanuel Macron à peine rentré de Berlin (Allemagne), mardi 16 mai. Paris 2024 met les petits plats dans les grands pour la commission d'évaluation du CIO qui ausculte chaque candidature. Et pourtant, leur rapport n'aura que peu d'influence au final. Voici pourquoi.

De la poudre de perlimpinpin jetée au visage du CIO

"J'ai participé à de nombreuses visites de commissions d'évaluation, je peux vous dire que c'est toujours le même cérémonial", assure à franceinfo Armand de Rendinger, auteur de nombreux livres sur l'olympisme qui a participé (entre autres) à la candidature de Paris aux Jeux de 2012. "C'est un exercice codifié, il faut surtout ne pas commettre d'erreur protocolaire. On doit par exemple répondre à des dizaines de questions détaillées", poursuit Armand de Rendinger. Michael Payne, ancien directeur marketing du CIO, devenu consultant, raconte avoir fait répéter les politiciens brésiliens des dizaines d'heures en 2009 pour qu'aucune approximation n'entache le sérieux de la candidature de Rio 2016, dont la rigueur était le point faible.

Chaque détail compte. Chicago, candidate pour 2016, s'était émue de passer en premier lors des inspections de 2009, car le fond de l'air est encore frais début avril dans la capitale de l'Illinois. Il y a quelques jours, la fête de victoire d'Emmanuel Macron a eu lieu au Louvre et pas près de la tour Eiffel pour ne pas ravager la pelouse du Champ-de-Mars, à quelques jours de l'inspection du CIO sur ce site destiné à accueillir le tournoi de beach-volley, raconte Le Parisien.

Chaque faux pas peut être exploité par l'adversaire. Lors de la visite des membres du CIO pour Paris 2012, les syndicats de la RATP et la SNCF avaient organisé une grève massive pour défendre les 35 heures dans leur branche. La presse britannique, en pleine défense de la candidature de Londres, n'avait pas manqué de relayer ce couac. Coup de chance : le test des transports en commun parisiens avait eu lieu la veille. 

N'oubliez surtout pas une pincée de glamour : Oprah Winfrey avait dîné avec les inspecteurs du CIO en 2009, Jimmy Kimmel s'y est collé pour défendre les couleurs de Los Angeles la semaine passée. Et une bonne louche de flatterie ne fait pas de mal non plus : à Rio, les organisateurs s'étaient débrouillés pour qu'une foule acclame les inspecteurs lors de leur passage sur la plage de Copacabana.

Une tonalité toujours bienveillante

"Tout le monde a gagné", avait coutume de répéter l'animateur de télévision Jacques Martin dans feu "L'Ecole des fans". Les jugements de la commission d'évaluation du CIO ne se montrent guère plus sévères. En pleine visite parisienne, dimanche, le président de l'instance, Patrick Baumann, a décerné un "10/10" à la fois aux deux dernières villes concurrentes.

Du classique. Les candidatures de Pékin, Paris et Toronto pour organiser les Jeux de 2008 avaient reçu, toutes les trois, le qualificatif "d'excellentes". Pour les Jeux d'hiver de 2018, la commission saluait en 2011 trois projets "d'un niveau extrêmement haut" quand bien même celui d'Annecy, opposé à ceux de Munich et Pyeongchang, était gangrené par les rivalités internes.

En 2005, elle jugeait les dossiers de Paris et Londres, pour les JO de 2012, "de très grande qualité" et ceux de Madrid et New York "de grande qualité". Pourtant, quand la commission avait visité la Grosse Pomme, les organisateurs bataillaient encore avec la mairie pour trouver un emplacement au futur stade olympique, tandis que Londres avait commis un faux pas éthique en proposant des billets d'avion gratuits aux délégations, ainsi que des places de cinéma à prix cassé. Si, si. Un faux pas... reproduit par Tokyo pour sa candidature aux Jeux de 2020, quand les organisateurs ont proposé de prendre en charge les frais de transport des délégations. Ces deux candidatures, même grondées par la commission d'évaluation, l'ont emporté.

Même en 2009, le rapport de la commission avait épinglé en termes choisis Chicaco pour le flou de son financement, Tokyo pour son manque de soutien populaire, Rio pour le chaos logistique et Madrid pour son amateurisme. En conclusion, elle se disait tout de même "grandement impressionnée" par les dossiers proposés.

Une influence toute relative

Après avoir étudié le sérieux de chaque candidature, la commission rend un rapport d'une centaine de pages, distribué à la centaine de membres que compte le CIO. Mais pour quoi faire ? "Très peu de membres du CIO lisent en détail le dossier de la commission d'évaluation, déplore un témoin de plusieurs votes au site SlowSwitch. C'est très décevant, car le but est quand même de les informer du potentiel de chaque site. Je ne sais pas comment ils prennent une décision informée sans avoir lu le rapport..."

Le BidIndex, du site spécialisé GamesBids.com, qui quantifie les chances de chaque candidature essentiellement à partir du rapport, s'est trompé à de nombreuses reprises. En 2009, Rio, bon dernier du point de vue technique, avait ainsi décroché le pompon pour 2016. En 2005, Londres avait soufflé la politesse à Paris pour 2012, grâce au forcing de Tony Blair, qui avait fait le siège de chaque chambre d'hôtel des membres indécis. En 2007, l'entregent de Vladimir Poutine avait eu raison de la supériorité technique de la candidature de Pyeongchang. Les Jeux d'hiver 2014 étaient finalement revenus à Sotchi. "Le rapport est un outil utile, mais sans plus", abonde Arnaud de Rendinger. Ça permet de dire au CIO : 'On a fait le job technique'. Mais les votants prennent leur décision sur d'autres critères, notamment affectifs et politiques."

La vérité (et le moment de vérité) est ailleurs

Entre l'inspection parisienne et la décision finale, en septembre à Lima (Pérou), il y a quatre mois, qui vont paraître quatre siècles aux porteurs du projet Paris 2024. Car c'est dans la dernière ligne droite que tout se joue. Et les obstacles sont nombreux. 

"L'échéance des 11 et 12 juillet à Lausanne est autrement plus importante", insiste Armand de Rendinger. Paris et Los Angeles passeront un nouveau grand oral, mais c'est surtout à cette date que le principe de la double attribution des Jeux 2024 et 2028 pourrait être acté. La candidate non retenue pour 2024 organiserait l'événement quatre ans plus tard, en guise de lot de consolation. L'idée n'enthousiasmait pas les promoteurs de Paris 2024 jusqu'à récemment...

Restera encore le sprint final de mi-septembre à Lima. L'histoire récente a montré que les estimations de voix des différentes équipes se trompaient toujours dans les grandes largeurs. Car bien des votants changent d'avis au dernier moment. En trois jours, le travail de cinq années peut s'écrouler.

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