JO 2024 : les transports en commun d'Ile-de-France ont-ils relevé le défi de l'accessibilité des spectateurs en situation de handicap ?
Depuis quelques jours, Paris vit au rythme des Jeux olympiques. Des millions de touristes sont attendus tout au long de l'événement, jusqu'au 8 septembre, date de clôture des Jeux paralympiques. Parmi eux, quelque 350 000 visiteurs en situation de handicap. Les organisateurs avaient fait de l'accessibilité de l'événement un point central de leur candidature, promettant de porter une attention particulière aux déplacements des personnes à mobilité réduite, malvoyantes ou malentendantes, dans les transports en commun franciliens. "On partait de loin", a reconnu lundi 22 juillet sur franceinfo le ministre des Transports. "Il y a eu beaucoup d'efforts qui ont été faits au cours des dernières années pour permettre d'être prêts au moment des Jeux", estime Patrice Vergriete, même si "tout n'est pas encore totalement accessible".
"Les choses ont avancé, mais elles sont largement perfectibles", juge Annette Masson, présidente de l'association Tourisme & Handicaps. Un constat partagé par Nicolas Mérille, conseiller national accessibilité pour l'association APF France Handicap, qui s'inquiète d'un "point noir" : le métro. Le réseau parisien, vieux de plus de cent ans, est un obstacle insurmontable pour les personnes à mobilité réduite.
Le métro, une épreuve de taille
A ce jour, 29 stations sont considérées comme entièrement ou partiellement accessibles aux usagers en fauteuil roulant, selon Ile-de-France Mobilités (IDFM), l'autorité en charge de l'organisation des transports dans la région. Soit seulement 9% de la carte du métro. A titre de comparaison, "à Londres, qui dispose pourtant d'un réseau plus vieux et plus profond que le métro parisien, 18% de stations étaient accessibles au moment des Jeux en 2012", rapporte Nicolas Mérille à franceinfo.
Seule la ligne 14, la plus récente, est entièrement accessible. Les autres stations adaptées à l'accueil des personnes en fauteuil sont celles mises en service mi-juin sur le prolongement de la ligne 11. Mais encore faut-il que les ascenseurs ne soient pas en panne. Annette Masson déplore la lenteur des interventions de maintenance, qui rendent parfois l'accès aux quais impossible pendant "plusieurs jours". Dans l'ensemble des stations et gares de transports en commun d'Ile-de-France, un peu plus de 9% des ascenseurs étaient hors service dans l'après-midi du 2 août, selon les données en temps réel d'IDFM sur l'état du matériel, agrégées par franceinfo.
Dans le métro, l'échéance des Jeux a contribué à accélérer la généralisation de l'accessibilité sonore et visuelle du métro pour faciliter les déplacements des usagers présentant une déficience visuelle ou auditive. Toutes les stations sont "dotées d'annonces visuelles sur les temps d'attente" et "95% [sont munies] d'annonces sonores sur les temps d’attente sur les quais", selon la RATP. En revanche, seules 66% des rames de métro sont équipées d'annonces sonores et 48% d'un "affichage visuel dynamique" pour indiquer les prochaines stations. Des systèmes sonores provisoires doivent être progressivement installés dans les plus vieux trains, en attendant leur remplacement par des modèles conformes aux normes d'accessibilité, écrit Le Parisien. Mais après les Jeux.
Du côté des Transilien et des RER, quelque "240 gares" du réseau ferré sont accessibles en Ile-de-France lors des Jeux, a affirmé Laurent Probst, directeur général d'Ile-de-France Mobilités, lors d'un point presse le 19 juillet, grâce à un investissement de deux milliards d'euros depuis 2015. Un progrès notable, même si la moitié des gares de la région demeurent inadaptées aux personnes à mobilité réduite, d'après les données de l'autorité, et la majorité des arrêts considérés comme accessibles nécessitent une réservation préalable auprès du service Assist'enGare.
Les organisateurs vantent par ailleurs l'accessibilité à "100%" des lignes de RER A et B, qui desservent de nombreux sites au cours de la compétition. Le système mis en place sur ces lignes demande cependant de prévenir en avance les agents en station pour qu'ils déploient une rampe mobile entre la rame et le quai, à la montée et à la descente des voyageurs.
"Je ne suis pas très inquiet pour les Franciliens qui connaissent le système, mais pour les personnes venues de province ou de l'étranger, ça risque d'être nettement plus compliqué."
Nicolas Mérille, conseiller national accessibilité pour APF France Handicapà franceinfo
Les associations comptent sur la "bienveillance" des milliers d'agents et de volontaires dépêchés sur les quais et dans les gares durant les Jeux, pour aider les personnes en situation de handicap à s'y retrouver et "compenser les manques" d'accessibilité, poursuit Annette Masson.
Des arrêts de bus moins accessibles à mesure que Paris s'éloigne
Les associations louent davantage l'accessibilité du réseau de bus et surtout de tramway, "le mode de transport le plus satisfaisant de tous", salue Nicolas Mérille, car "c'est le plus récent et celui qui offre le plus d'autonomie". L'intégralité des lignes de tramways sont accessibles aux personnes à mobilité réduite. Dans les rames, des dispositifs sonores et des panneaux lumineux indiquent également les prochains arrêts.
Le réseau de bus a aussi fait l'objet d'aménagements, en particulier dans Paris intra-muros, où des travaux ont été réalisés pour que les arrêts soient adaptés aux rampes installées sur les véhicules. Au total, "22 millions d'euros" ont été investis sur "380 chantiers" réalisés depuis 2021, selon le site de la ville. En mars, l'adjointe à la municipalité chargée de ces questions, Lamia El Aaraje, assurait ainsi sur X que "100% des lignes de bus" de la capitale étaient désormais "accessibles". Un chiffre à relativiser car pour qu'une ligne soit déclarée accessible, il suffit qu'au moins 70% de ses arrêts le soient.
En réalité, dans Paris intra-muros, plus de 91% des arrêts sont adaptés aux personnes à mobilité réduite, selon des calculs de franceinfo à partir des données d'IDFM. Cette proportion décroît à mesure qu'on s'éloigne de la capitale : environ 81% des arrêts sont accessibles en petite couronne, et 43% en grande couronne. Comme l’aménagement des arrêts relève des services municipaux de voirie, l'accessibilité varie d'une commune à l'autre. "L'engagement a été pris pour que tous les arrêts de bus de petite et grande couronne concernés par des sites olympiques et paralymiques soient rendus accessibles", souligne Nicolas Mérille, dont l'organisation APF France Handicap a été associée aux groupes de travail sur ces questions. "En revanche, il n'y a aucune assurance sur les autres arrêts", déplore-t-il.
En pratique, une personne en fauteuil roulant risque de rencontrer de grandes difficultés pour entrer dans un bus bondé desservant un site olympique. Sans compter que, dans les zones rouges du périmètre de sécurité, les bus ne sont pas autorisés à circuler et doivent emprunter des déviations, précise la mairie de Paris.
Des navettes et taxis pour compenser les défauts des transports en commun
Pour compléter l'offre de transports pendant les Jeux, 150 navettes desservent huit gares parisiennes et proposent aux personnes en fauteuil de les déposer "au plus près des sites" olympiques, selon les organisateurs. Un millier de taxis adaptés aux personnes handicapées sont désormais en circulation "contre 200 à 250 en 2022", a expliqué à la presse Pierre Cuneo, directeur transports de Paris 2024. Une subvention de 40% du coût de l'achat de ces véhicules a été attribuée aux chauffeurs ou aux compagnies pour y parvenir, indique le ministère de la Transition écologique sur son site. Enfin, des espaces de stationnement au "plus proche de l'entrée des sites" sont aussi prévus pour les voitures personnelles des personnes handicapées, ainsi que des coupe-files.
Ces "systèmes de bus, de taxis accessibles", "il faut qu'on les garde après" les Jeux, a affirmé Emmanuel Macron le 23 juillet, sur France 2 et franceinfo. "Il y a un investissement de la nation qui doit continuer dans la durée", a ajouté le président.
Du côté d'APF France Handicap, "on espère que l'événement va créer une prise de conscience et un électrochoc sur le fait que la vie quotidienne des personnes en situation de handicap, notamment dans les transports, n'est pas du tout la même que celle des personnes valides", rappelle Nicolas Mérille. Avant de mettre en garde : "Il ne faut pas que les Jeux soient vus comme une parenthèse enchantée, car il y a encore énormément à faire."
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