JO de Paris 2024 : "Je n'en peux plus"... Des athlètes face au spectre de l'épuisement avant même le début des Jeux

Article rédigé par Anaïs Brosseau
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
La grimpeuse française Capucine Viglione, le 26 mai 2024 à Briançon (Hautes-Alpes). (THIBAUT DURAND / HANS LUCAS / AFP)
De nombreux sportifs ont appris leur sélection à moins d'un mois du début des épreuves. Après avoir tout donné pendant des mois pour être choisis, ils ont dû vite se remobiliser.

"Je n'en peux plus." Ces mots ont été les premiers prononcés, entrecoupés de sanglots, par la grimpeuse Capucine Viglione à son entraîneur lorsqu'il lui a appris qu'elle était qualifiée pour ses premiers Jeux olympiques, à Paris. "Finalement, ça s'est transformé en larmes de joie. C'était un mélange d'émotions, entre fierté et épuisement de cette période de préparation", retrace la spécialiste de l'escalade de vitesse, qui a décroché sa place à l'issue de la dernière compétition qualificative, le 22 juin. Les derniers olympiens tricolores ont appris leur sélection le 8 juillet, moins de trois semaines avant le début des Jeux. L'enjeu majeur est alors devenu leur capacité à se remobiliser pour briller le jour J, après des mois d'efforts et de sacrifices pour gagner leur place. 

S'ils se préparent depuis des années, les athlètes avaient tous un calendrier clair en tête : pour les uns des compétitions précises où ils pouvaient valider leur ticket, pour d'autres des points à grappiller ou des chronos à réaliser, ou encore un niveau de performance à démontrer. Les règles étaient connues dès le départ. Malgré tout, le risque de voir ces sportifs s'épuiser dans cette quête et arriver exsangues aux Jeux reste réel. 

"Pour les JO de Tokyo, j'avais fait toutes les compétitions de qualification. Je suis arrivée là-bas en ne pensant qu'à une chose : rentrer chez moi. J'étais morte. Je n'en pouvais plus. Même si je disais que ça allait, ça n'allait pas du tout."

Marine Boyer, gymnaste

en conférence de presse

Pour les gymnastes, la construction du calendrier de la saison olympique ne diffère pas des autres années, mais l'attente de l'annonce tend les intéressés. Leur dernier test a été organisé le 6 juillet, deux jours seulement avant la date limite de sélection. Dans un sport à haut risque de blessure, il fallait entendre les heureux élus répéter en chœur, lors de leur conférence de presse du 9 juillet, "toucher du bois" pour arriver jusqu'aux JO. "Le but est de tenir jusqu’au bout. On vit à l’instant T. On essaye de gérer le corps et le mental", confiait Coline Devillard, spécialiste du saut de cheval, qui accepte de composer avec les douleurs d'un tibia fissuré mi-mai.

Un programme sur mesure

Après sa douloureuse expérience tokyoïte, Marine Boyer, sélectionnée pour ses troisièmes JO, a repris le travail de préparation mentale et privilégie aujourd'hui son bien-être. "Avant le changement de staff, si on avait mal, on ne le disait pas, de peur de ne pas faire partie de l'équipe", glisse la capitaine des Bleues. Avec un encadrement "plus à l'écoute", la gymnaste a ainsi pu être exemptée des championnats de France, début juin, pour préserver un corps douloureux.

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Le surfeur Joan Duru, qui a obtenu sa qualification de haute lutte en mars, a choisi de ne pas suivre ses camarades de l'équipe olympique sur l'étape du circuit mondial en Afrique du Sud, début juillet. "J'ai voulu m'éviter un nouveau voyage", justifie le Tricolore, qui s'est expatrié deux fois trois semaines à Tahiti pour appréhender la vague de Teahupo'o.

"Je suis rentré me ressourcer deux semaines en famille pour ne pas me cramer. Je préfère rester à la maison et m'entraîner pour mon gros objectif."

Joan Duru, surfeur de l'équipe de France

en conférence de presse

Préserver l'athlète en adaptant son programme, telle est la ligne de conduite de nombre d'entraîneurs. Les nageurs de l'équipe de France ont pris l'habitude depuis trois ans de tout jouer sur les championnats nationaux pour participer à la compétition internationale de l'année. Une pression du tout ou rien, en gardant dans un coin de la tête que l'enjeu majeur ne se trouve pas sur ce premier rendez-vous. "Je n'étais pas totalement préparée pour les 'France' [mi-juin]. Au niveau des épaules, j'avais beaucoup de douleurs, le corps n'était pas encore relâché, retrace la nageuse Béryl Gastaldello, qualifiée aux Jeux sur trois épreuves individuelles. C'était voulu, pour que ça coûte le moins possible et faire une préparation complète en vue des Jeux olympiques." 

Un dernier bloc de travail

A plus ou moins un mois de l'échéance, quelle que soit leur discipline, les olympiens ont le plus souvent replacé un bloc d'entraînement après l'annonce de la sélection. "D'abord, on prend vraiment le temps de se reposer. Il ne s'agit pas de se remettre à l'entraînement tout de suite, car il faut accepter que l'on est fatigué et que cela va redémarrer, pose le directeur de la haute performance de l'équipe de France d'escalade, Damien You. Ensuite, on fait des ajustements, mais pas sur des choses fondamentales, car on n'a pas le temps. C'est de l'affûtage, de petits réglages." 

L'athlète Corentin Le Clézio ne s'est accordé que deux jours de repos après une semaine de folie, où il a d'abord validé les minima olympiques sur le 800 m, le 22 juin, puis gagné sa place en décrochant le bronze national le 30 juin. Deux journées de détente passées allongé dans le canapé de ses parents à regarder le Tour de France, recevoir des amis et récupérer de la fatigue accumulée. "J'ai profité de ma famille et vécu des moments hors athlé. C'était juste ce qu'il fallait pour être ressourcé avant d'attaquer la prépa."

Après une journée de voyage, le 3 juillet, le demi-fondeur de 24 ans se trouvait de nouveau à Saint-Moritz (Suisse) pour un ultime stage en altitude, avant une préparation terminale à partir du 12 juillet au Luxembourg et son arrivée à l'Insep le 30 juillet. Objectif : faire remonter la forme à son maximum pour le 7 août, date des séries du 800 m.

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