Anneaux olympiques sur la tour Eiffel : pourquoi la proposition d'Anne Hidalgo de les garder après les Jeux fait grincer des dents
"C'est une bêtise, les Jeux olympiques ont un début et une fin. Quand c'est terminé, c'est terminé !" Denis, habitant du 7e arrondissement de Paris et voisin de la tour Eiffel, est catégorique concernant la proposition d'Anne Hidalgo de conserver les anneaux olympiques sur la Dame de fer. "Ils n'ont rien à voir avec la tour Eiffel, ça la dénature", peste-t-il en promenant son labrador, lundi 2 septembre. La déclaration très affirmative de la maire de Paris, samedi, a provoqué un début de polémique et de nombreuses réactions, notamment dans la classe politique parisienne.
"En tant que maire de Paris, la décision me revient et j'ai l'accord du CIO", le Comité international olympique, tranche la socialiste dans un entretien à Ouest-France. Pour prolonger la fête olympique et paralympique, elle souhaite voir de nouveaux anneaux, "aussi grands, mais plus légers", prendre place sur le monument "le plus vite possible", en remplacement de ceux installés actuellement, "trop lourds" pour "résister durablement".
Mais la volonté de l'édile convaincra-t-elle les Parisiens ? Une pétition en ligne a été lancée pour s'opposer à cette décision, recueillant plus de 5 000 signatures lundi dans la journée. "Je préfère qu'on garde la vasque, plutôt que les anneaux dont je ne vois pas l'utilité, estime Victor, rencontré au pied de l'édifice et du symbole olympique, sur le chemin d'une épreuve de Cécifoot. "A la base, la tour Eiffel a été installée pour l'Exposition universelle", rappelle-t-il.
"Gardons son caractère universel sans l'associer aux JO."
Victor, habitant du 12e arrondissement de Parisà franceinfo
"La tour Eiffel est déjà un monument exceptionnel. Je suis d'accord pour piétonniser" son parvis, une autre annonce d'Anne Hidalgo, "mais ça ne me semble pas une bonne idée de garder les anneaux, ça peut gêner sur d'autres événements", estime aussi Alexandre, un habitant du 7e qui, de sa fenêtre, a une petite vue sur le monument. "Allez, gardons les anneaux encore un an, et puis mettons-les ailleurs", propose Gérard, en descendant les jardins du Trocadéro pour aller assister à du rugby fauteuil.
Il faut chercher pour trouver des Parisiens ouverts à l'idée d'une tour Eiffel olympique. "Que la tour Eiffel garde la marque du souvenir de ces JO, pourquoi pas, ça ne me semble pas aberrant", réfléchit à voix haute Ronan, en passant à vélo près de la place du Trocadéro. "Elle fait partie de l'histoire de Paris et, désormais, ces Jeux font également partie de l'histoire".
Rachida Dati en appelle au respect des "procédures"
Les doutes des Parisiens rejoignent ceux de nombreux élus qui s'expriment depuis samedi. Rachida Dati, l'une des premières à avoir pris la plume, a réclamé le respect des "procédures" et des "consultations" avant de décider de conserver ou non les anneaux sur le monument phare de l'arrondissement dont elle est maire. La ministre de la Culture du gouvernement démissionnaire, qui ne cache pas son envie de prendre la place d'Anne Hidalgo, rappelle le caractère "temporaire" de l'installation : "La tour Eiffel est un monument protégé, œuvre d'un immense ingénieur et créateur. Le respect de son geste architectural et de son œuvre nécessite, avant d'y apporter toute modification substantielle, une autorisation de travaux et une évaluation de l'impact, conformément au Code du patrimoine."
La tour Eiffel reste, à quelques nuances de peinture près, et hormis les effets des évolutions technologiques, la même que celle érigée par Gustave Eiffel pour l'Exposition universelle de 1889. Elle est inscrite aux monuments historiques depuis 1964. "La tour Eiffel est faite pour se transformer d'une manière temporaire, mais n'a pas vocation à garder d'autres éléments", estime Pierre-Yves Bournazel, conseiller de Paris au sein de l'opposition et soutien d'Edouard Philippe. Nombreux s'inquiètent ainsi de voir les nombreux messages envoyés au monde entier depuis la tour Eiffel brouillés par la présence de ces anneaux.
"Ces Jeux ont été une réussite et une force pour construire de nouveaux projets d'avenir, non pour rester figés en 2024."
Pierre-Yves Bournazel, élu de l'opposition de droite au Conseil de Parisà franceinfo
"La tour Eiffel n'est pas un site publicitaire, mais un emblème patrimonial et historique. Autant nous souhaitons garder la vasque, tout comme le cheval d'argent, mais les anneaux sont voués à aller à Los Angeles", insiste l'élue d'opposition Brigitte Kuster. "Il y a d'autres moyens pour continuer à entretenir la ferveur olympique. On a par exemple des anneaux sur la place de la Bastille", note aussi l'élue LR Nelly Garnier. "Mais le rôle de la tour Eiffel, c'est de rester ce symbole de Paris visité par des millions de touristes chaque année et qui ne viennent pas voir les anneaux olympiques."
"Il faut arrêter d'être un peu dans la com' en permanence. Après le temps des JO, il y a le temps de la vie qui reprend ses droits", s'agace également le LR Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement. "Ce monument existe depuis près de 140 ans. Beaucoup d'événements se sont déroulés à Paris, comme la libération de Paris par exemple, et on n'a rien mis pour autant sur la tour Eiffel. Donc mettre les anneaux olympiques pour célébrer un événement qui a duré six semaines au total, ça me paraît un peu rapide."
"Nous voulons un débat sur l'endroit où les installer"
Même des élus écologistes, qui font partie de la majorité municipale d'Anne Hidalgo, réclament le temps du débat avant de décider de l'avenir de ce symbole olympique. "Les anneaux et la tour Eiffel se suffisent en eux eux-mêmes, ce sont deux symboles très forts. On n'est pas contre garder les anneaux, mais nous voulons un débat pour réfléchir à l'endroit où les installer", explique Frédéric Badina-Serpette, élu écologiste et administrateur de la Société d’exploitation de la tour Eiffel. Avec ses collègues écologistes, ils ont d'ailleurs prévu de mettre le sujet au prochain Conseil d'administration.
"On veut plus d'éléments sur les conséquences qu'engendrerait cette décision. Nous ne sommes pas conservateurs, mais ça ne nous semble pas être le plus urgent."
Frédéric Badina-Serpette, élu écologiste au Conseil de Parisà franceinfo
De son côté, Olivier Berthelot-Eiffel, arrière-arrière-petit-fils de Gustave Eiffel, n'est pas contre l'idée de garder quelques mois supplémentaires les anneaux sur la Dame de fer, mais pas de manière définitive. "La tour Eiffel est un symbole de l'inventivité et de l'ingéniosité française. Elle a plus vocation à porter sur elle la devise républicaine, Liberté, égalité, fraternité, plutôt que la devise olympique, Plus vite, plus haut, plus fort", considère celui qui préside l'Association des descendants de Gustave Eiffel. Il estime que le projet laisse plusieurs interrogations en suspens. "Le CIO, organisation internationale qui a des intérêts privés, est très regardant sur tout ce qui touche à l'olympisme", rappelle-t-il. Laisserait-il cohabiter sur le monument ses anneaux et une marque de soutien à l'Ukraine ou aux victimes du 7 octobre en Israël ? La question ne manquera pas de se poser si Anne Hidalgo va au bout de son projet.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.