Paris 2024 - Petites histoires des Jeux : Luz Long et Jesse Owens, l'amitié qui fit enrager le régime nazi
Un homme blanc qui félicite chaleureusement un homme noir après sa victoire. Tout ce qu'Adolf Hitler et les dignitaires du parti nazi ne voulaient pas voir. Luz Long et Jesse Owens ont matérialisé cette crainte, le 4 août 1936, aux Jeux olympiques de Berlin. Ces derniers étaient censés prouver la supériorité de la race aryenne aux yeux du monde. Mais le talent de l'Américain et l'humanité de l'Allemand ont déjoué ces plans.
Un pied de nez à l'histoire. Un bras d'honneur. On peut appeler ça comme on veut. Jesse Owens et Luz Long ont surtout réalisé un saut pour la postérité et rappelé, en pleine montée du nazisme en Europe à cette époque, que la haine de l'étranger n'avait pas sa place dans un stade, et a fortiori dans le monde. La suite des événements a malheureusement prouvé le contraire. Mais au moins cette haine n'aura pas envahi le sable d'un sautoir. Et c'est déjà une première victoire.
Les odieux du stade
Ce jour-là, le stade entier n'a d'yeux que pour Luz Long, favori du concours et idole de la nation. Hitler lui-même, qui n'entend rien au sport mais qui a suivi les recommandations de ses conseillers, a déclaré que Long était son athlète favori. Issu d'une famille bourgeoise, élevé dans un manoir en Saxe, l'athlète blond aux yeux bleus est rapidement érigé, par ses performances, au rang de modèle à suivre pour le peuple. Et ces Jeux olympiques, véritable outil de propagande pour l'idéologie nazie, sont là pour le rappeler.
Jesse Owens, lui, est un petit-fils d'esclaves, né de parents très pauvres, et confronté très jeune au racisme qui sévit encore aux Etats-Unis en ce début de XXe siècle. Son talent inné pour l'athlétisme lui permet de s'extirper de sa condition et c'est en champion reconnu qu'il débarque à Berlin. La veille de ce fameux 4 août, il s'est déjà imposé dans la finale du 100 m en 10''03, à un centième du record du monde qu'il a lui-même établi quelques semaines plus tôt à Chicago. Première banderille dans l'échine du IIIe Reich.
La seconde sera plus profonde. Alors qu'Owens peine, le lendemain, à se qualifier pour la finale du saut en longueur, Luz Long se rapproche de lui et va même lui conseiller de changer sa course d'élan. Cet apport, aussi fair-play que technique, se révèle déterminant : l'Américain, sur sa dernière tentative, réussit un bond qui le propulse en finale. L'histoire est en marche et les nazis ne pourront pas la faire dérailler. Owens, à égalité avec Long après trois sauts (7,87 m), franchit alors 7,94 m puis 8,06 m à ses deux derniers essais. En lévitation, il remporte la deuxième de ses quatre médailles d'or sur ces Jeux (il gagnera également le 200 m et le relais 4x100 m).
L'Allemagne nazie n'avait pas prévu un tel triomphe. Elle n'avait surtout pas prévu ce qui s'est passé après ce concours du saut en longueur : Long, battu par un rival afro-américain, qui va enlacer le vainqueur et même faire un tour d'honneur avec lui ! Dans les tribunes du parti, on fulmine devant ce spectacle. Hitler refusera de serrer la main du champion noir et le fils de Long, dans la biographie qu'il consacrera plus tard à son père ("Luz Long - eine Sportlerkarriere im Dritten Reich: Sein Leben in Dokumenten und Bildern" ["Luz Long - une carrière dans le sport sous le Troisième Reich"]) écrit même que Rudolf Hess a intimé au sauteur allemand, quelques jours plus tard, "de ne plus jamais embrasser un nègre".
Qu'importent ces injonctions, elles n'empêcheront pas Long et Owens d'entretenir une amitié profonde, sincère et durable. Cette dernière se brise pourtant en 1943, en pleine deuxième guerre mondiale, quand Luz Long est tué au combat lors de l'invasion de la Sicile. Il avait 30 ans. L'Américain, qui a souvent rendu visite au fils de Long à Berlin par la suite, n'aura de cesse de rappeler le souvenir de son ami jusqu'à sa propre mort, en 1980. Ce souvenir, celui du refus du racisme, est symbolisé par la seule photo qui a échappé à la censure de l'époque et qui est devenue mondialement célèbre. Allongés sur la piste du concours, deux hommes sourient. Imperméables à la pression du résultat comme à celle de la haine.
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