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JO 2021 - Athlétisme : "Le bilan est mauvais, voire très mauvais", estime Stéphane Diagana

Avec une médaille d’argent, l'équipe de France d’athlétisme a signé son pire bilan depuis les Jeux olympiques de Sydney en 2000.

France Télévisions - Rédaction Sport
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Wilhem Belocian (blessé), Pierre-Ambroise Bosse et Renaud Lavillenie (blessé) n'ont pas pu décrocher de médaille à Tokyo. (AFP)

L'argent n'a pas fait leur bonheur. Arrachée au courage, la belle médaille de Kevin Mayer en décathlon est bien le seul rayon de soleil de l'athlétisme tricolore à Tokyo. Dans la capitale japonaise, les Bleus n'ont pas pesé lourd sur la piste du stade olympique. À l'heure des comptes, il s'agit même du pire bilan tricolore depuis le zéro pointé des JO de Sydney en 2000. À trois ans d'accueillir les athlètes du monde entier aux Jeux de Paris 2024, ce bilan interroge forcément. Consultant France Télévisions, Stéphane Diagana fait le point sur ces résultats décevants.

Le bilan des Bleus : "C'est un échec à relativiser mais à prendre au sérieux"

"Le bilan est mauvais, voire très mauvais, on ne peut pas dire autre chose. Avant les Jeux je disais qu'un bon bilan serait de trois médailles, vu notre équipe, quatre médailles ça aurait été très bien. C'était l'objectif raisonnable, ni trop ambitieux, ni trop pessimiste. On avait une demi-douzaine de chances de médailles, mais on sait que sur une grande compétition, toutes les chances ne se concrétisent pas. Parmi ces chances, Renaud Lavillenie et Kevin Mayer étaient au dessus. On les attendait vraiment. Kevin a quand même décroché l'argent, et Renaud s'est malheureusement blessé.

2 jours très intensifs pour Kevin Mayer : une douleur au dos, l’abandon trop proche, mais il n’a pas lâché et il finit vice-champion olympique ! Son décathlon a basculé au javelot avec 63m69, où il est remonté 2ème au classement.
La journée en or de Kevin Mayer 2 jours très intensifs pour Kevin Mayer : une douleur au dos, l’abandon trop proche, mais il n’a pas lâché et il finit vice-champion olympique ! Son décathlon a basculé au javelot avec 63m69, où il est remonté 2ème au classement.

Ensuite on pouvait espérer pour Yohan Diniz, même s'il n'avait pas marché depuis longtemps dans une discipline aléatoire (le 50 km marche). Côté lancer, Alexandre Tavernier, Mélina Robert-Michon et Quentin Bigot pouvaient aussi en ramener une ou deux. Le reste, ça aurait été des bonnes surprises, mais on n'en a pas eues, contrairement à Rio en 2016 où a connu de la réussite sur plusieurs médailles comme Dimitri Bascou (110 m haies), Christophe Lemaître (200 m) pour un millième ou Mahiedine Mekhissi (3000 m steeple) après disqualification. Ça ne veut pas dire que c'est de la chance, mais il faut parfois une conjonction de facteurs qui font que les athlètes sont au rendez-vous.

"Je suis un peu déçu, je venais pour une médaille" a réagi Quentin Bigot après sa 5e place sur la finale du lancer du marteau.
Athlétisme (H) - Quentin Bigot : "Je suis un peu déçu, je venais pour une médaille" a réagi Quentin Bigot après sa 5e place sur la finale du lancer du marteau.

À Rio on l'a eue. Résultat : on a eu 6 médailles en 2016, ce qui ne reflétait pas la vraie valeur de l'équipe de France. Mais une médaille à Tokyo, ça ne la reflète pas non plus. La vraie valeur des Bleus se situe entre 3 et 4 médailles depuis des années. C'est un échec à relativiser mais à prendre au sérieux. Il ne faut pas être alarmiste mais il y a une réalité : on a des athlètes qui ont apporté beaucoup de médailles ces dernières années comme Lemaître, Mekhissi, Diniz, Lavillenie, qui vont passer le relais. Or, on n'a pas une relève à la hauteur de ceux qui partent aujourd'hui."

Quelles perspectives pour 2024 ? "On a des jeunes talentueux"

"C'est un problème. Même si on a de bonnes raisons de se réjouir sur la saison, en regardant chez les jeunes, il y a quand même un trou qui s'annonce jusqu'en 2022. On a des jeunes talentueux comme Ethan Cormon et Margot Chevrier à la perche. D'ici Paris, ils pourront prétendre au podium, peut-être. En haies, on a Sasha Zhoya qui aura 22 ans à Paris, ce n'est pas impossible même si ce sera peut-être un peu juste. En 100 m, on pourra suivre Jeff Erius. Mais tout ces jeunes, il ne faudra pas leur mettre trop de pression.

On pourra compter sur eux s'ils sont bien accompagnés, entourés. Mais il ne faudra pas trop en attendre non plus car ça va arriver tôt 2024. Le vrai problème, c'est qu'il nous manque une génération d'athlètes qui auraient entre 27 et 30 ans à Paris et qui seraient au top niveau. Pour Djilali Bedrani (3000 m steeple) ce n'est pas perdu, Rénelle Lamote (800 m) a un peu progressé, elle aura l'âge qu'il faut, mais elle devra passer un cap."

La Française Rénelle lamotte n'ira pas en finale. Cinquième de sa demi-finale en 1.59.40 elle est éliminée. Une course dominée par l'Américaine Athing Mu en 1.58.07.
Athlétisme : Rénelle Lamotte éliminée en demi-finale du 800 m La Française Rénelle lamotte n'ira pas en finale. Cinquième de sa demi-finale en 1.59.40 elle est éliminée. Une course dominée par l'Américaine Athing Mu en 1.58.07.

Que changer d'ici aux JO de Paris ? "On devrait resserrer la sélection"

"On peut toujours changer des choses, sans doute dans l'accompagnement, dans la préparation des athlètes avant l'échéance déjà. On doit mieux les accompagner qu'on ne l'a fait là pour Tokyo. Ensuite, je pense qu'on devrait resserrer la sélection. De ce que j'ai observé, je crois qu'elle était trop élargie (63 athlètes). C'est important de considérer ça. Le but n'est pas d'empêcher des personnes d'aller aux Jeux, mais d'avoir un noyau dur d'athlètes engagés dans une logique de très haute performance.

Là, on se retrouve avec des relais, par exemple, où certains relayeurs ne sont pas qualifiés en individuels. Si on relevait les conditions d'invitation, ça tirerait tout le monde vers le haut, ça rendrait service aux athlètes pour les pousser à aller encore plus vite. Ce n'est qu'un exemple mais il faut recréer une culture de la haute performance. En athlétisme, la détection n'existe pas vraiment, dans le sens où elle n'est pas structurée, organisée sur le territoire avec des batteries de tests par la fédération. Elle se fait par un système de compétitions assez sélectif assez tôt. Si en juniors vous n'avez pas percé, comme il faut mener les études de front, vous sortez de la route vers le haut niveau.

Certains, s'ils pouvaient continuer à bien s'entraîner, arriveraient peut-être à maturité physique à 20, 21 ans. C'est un vrai problème qui concerne d'autres fédérations : on perd 30 % entre les cadets et juniors, et des juniors aux espoirs. Le réservoir pour le haut niveau est assez étroit. La structuration des compétitions fait que ça exclut assez fortement à l'âge de cadet, junior. C'est systémique et l'athlé en souffre beaucoup. On perd des talents en chemin. Moi j'ai eu une maturité tardive, je suis rentré à l'Insep sur le tard, je suis passé prêt d'être un profil qui passe à la trappe."

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