JO de Paris 2024 : sport olympique le plus populaire il y a 100 ans, comment le football est-il devenu une discipline de second plan ?
Comme son prédécesseur, Sylvain Ripoll, en 2021, Thierry Henry n'a pas échappé aux maux de tête à l'heure de composer la liste des joueurs français pour le tournoi olympique de foot. La faute au refus de nombreux clubs de libérer leurs joueurs pour la compétition, puisqu'ils n'y sont pas obligés par la Fifa. Une situation qui pèse sur la considération du football aux JO, d'autant que le tournoi olympique masculin ne concerne que des joueurs de moins de 23 ans, avec trois exceptions autorisées par équipe. Difficile ainsi de croire qu'il y a 100 ans, le ballon rond était le sport le plus populaire des Jeux.
Colombes, stade Yves-du-Manoir, 9 juin 1924. 40 000 spectateurs se pressent dans les tribunes pour voir la grande Uruguay remporter la finale du tournoi olympique de football contre la Suisse. Les JO n'ont pourtant pas encore officiellement débuté, mais la compétition de foot se déroule plusieurs semaines en avance. "Beaucoup disent que l'apogée des Jeux de 1924, c'était avant la cérémonie d'ouverture, car le foot attire les foules, alors que l'athlétisme et les cérémonies d'ouverture et de clôture ne se dérouleront pas à guichets fermés comme la finale de foot", explique Michaël Delépine, historien du sport.
Apparu pour la première fois lors des JO de 1900, le tournoi de football est disputé par des équipes nationales à partir de 1908. La popularité du ballon rond croît ensuite après la Première Guerre mondiale. "Dans les années 1920, le tournoi de foot rapportait un tiers, voire plus, des recettes olympiques, explique Paul Dietschy, historien du sport. Dans les archives de la Fifa et du CIO [Comité international olympique], on se rend compte que les organisateurs avaient besoin du foot pour équilibrer les comptes. Il a été question de l'exclure en 1928 car il était vu d'un mauvais œil par les dirigeants du CIO pour son professionnalisme caché, mais les organisateurs néerlandais ont demandé de le garder car ils en avaient besoin pour la billetterie."
La Coupe du monde, concurrente à partir de 1930
Le point de bascule a lieu en 1930, avec la création de la Coupe du monde, qui prend la place des Jeux olympiques comme plus grand tournoi du football mondial. "A l'origine, les dirigeants de la Fifa étaient assez contents d'entrer dans l'olympisme, car ils n'avaient pas l'argent pour organiser leur propre compétition. Mais à partir des années 1920, le rapport de force change, le football est en pleine expansion et les dirigeants de la Fifa voient qu'ils peuvent se réserver l'essentiel des revenus et sont favorables au professionnalisme, alors que le CIO fait la chasse aux faux footballeurs amateurs", poursuit Paul Dietschy.
La Coupe du monde devient alors la compétition de référence, mais l'Uruguay conservera quatre étoiles sur son maillot, considérant que les JO remportés en 1924 et 1928 équivalaient alors à des championnats du monde, en plus des deux "vrais" Mondiaux remportés en 1930 et 1950. Face à la concurrence de ce nouveau tournoi, les nations européennes envoient donc des footballeurs amateurs aux Jeux olympiques et la compétition perd de sa valeur entre 1948 et 1984. Les pays d'Europe de l'Est dominent alors les tournois, puisque les régimes communistes empêchent leurs sportifs d'avoir le statut professionnel, alors même qu'ils vivent du football.
Dans les années 1980, la rivalité entre la Fifa et le CIO s'apaise. "Juan Antonio Samaranch, le président du CIO, est désormais favorable au professionnalisme et, à la tête de la Fifa, Joao Havelange a été membre du CIO. Les deux hommes s'entendent pour faire en sorte que le football reste présent, mais pas trop non plus, pour ne pas dévaloriser les autres compétitions", explique Paul Dietschy. Une nouvelle règle est alors posée : les équipes peuvent désormais être composées de professionnels, mais à condition qu'ils n'aient jamais disputé la Coupe du monde.
L'équipe de France "bis" est alors la première sacrée avec ce nouveau règlement, un mois après la victoire des Bleus A à l'Euro. "Mais ça n'a pas eu de retentissement en France, c'était une médaille parmi d'autres, raconte Guy Lacombe, champion olympique. Alors que j'avais un coéquipier argentin à Toulouse, Alberto Tarantini, qui me disait que si l'Argentine était championne d'Amérique du Sud, puis championne olympique, ça aurait été la fête pendant trois mois. C'est une différence de culture".
Les footballeurs professionnels sont tout de même heureux de pouvoir prétendre aux JO, pour vivre la vie d'un athlète parmi d'autres le temps de quelques semaines. "En 1996, on avait fait une préparation aux Etats-Unis avec tous les autres athlètes français, c'était incroyable en termes de partage, se souvient l'ex-international Olivier Dacourt. Il y a plein de disciplines qu'on ne connaissait pas trop, et quand on voyait tout le travail, les concessions, les sacrifices pour gagner très peu d'argent… C'est là qu'on se rend compte que la majorité des athlètes aiment vraiment leur sport avant tout."
Une échéance importante chez les femmes
Pour vivre ce rêve olympique, quelques grands noms ou talents prometteurs participent ainsi aux JO à partir des années 2000, comme Samuel Eto'o, Lionel Messi ou Neymar. Mais les sélections sont désormais limitées aux joueurs de moins de 23 ans, avec le droit à trois exceptions depuis 1996, tandis que le tournoi de foot féminin, apparu lui aussi à Atlanta, ne pose aucune condition d'âge et permet aux meilleures joueuses du monde d'y prendre part.
"La Fifa veut garder le tournoi masculin, parce qu’il faut rester dans l’arène olympique, sans concurrencer les compétitions mondiales ou continentales. En revanche, le calendrier féminin est décalé, avec des compétitions les années impaires, donc les JO servent à promouvoir le foot féminin. Il y a une meilleure exposition mondiale que lors de la Coupe du monde."
Paul Dietschy, historien spécialiste du sportà franceinfo: sport
Pour Paris 2024, des billets restent à vendre pour les épreuves de football. "Les stades ne seront pas forcément remplis, mais ça reste un moyen plus accessible d'assister au spectacle olympique, car c'est moins cher et souvent déconcentré à travers le pays", complète l'historien. Et tant pis pour le manque de stars, puisque seule l'Espagne oblige ses clubs à libérer leurs joueurs convoqués par le sélectionneur espagnol pour les JO.
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