: Reportage Cyclisme aux JO de Paris 2024 : l'euphorie s'est emparée de la Butte Montmartre, devenue col alpin le temps d'une journée
Quand le romantisme de Montmartre rencontre celui de la petite Reine, mieux vaut avoir le cœur bien accroché. Samedi 3 août, à l'occasion de la course en ligne masculine, le cyclisme s'est offert le privilège inédit d'escalader la plus célèbre des buttes. Non pas une, non pas deux, mais bien trois fois, dans le circuit final tracé en plein Paris.
Habituée aux foules de touristes, mais aussi prise d'assaut à chaque fête de la musique ou des vendanges, la butte Montmartre a l'habitude de voir ses étroites rues pittoresques noires de monde. Jamais, toutefois, elles ne l'ont été autant que pour célébrer le cyclisme, et le sacre historique du Belge Remco Evenepoel, devant les Français Valentin Madouas et Christophe Laporte.
Des airs d'Alpe d'Huez
Depuis l'annonce du parcours, on s'attendait à ce que cette triple ascension de la rue Lepic, en direction du Sacré Coeur, soit un temps fort des JO. Cochée sur le calendrier, elle a dépassé de loin tout ce qu'on imaginait de plus fou. Après un début d'été assez calme, les commerçants de la butte ont vu arriver les vagues de touristes dès la veille, notamment Néerlandais."On vient prendre nos repères pour demain", confiait ainsi l'un d'eux, "On veut trouver le meilleur endroit pour voir Van Der Poel gagner."
Comme pour une étape du Tour de France, ils étaient ainsi des dizaines à venir prendre leur marque. La seule différence étant qu'aucun camping-car n'était autorisé à se garer sur le bord de la route, évidemment. Ces premières vagues n'étaient pourtant rien par rapport au tsunami qui s'apprêtait à déferler dès les premières heures de la matinée, samedi. Alors que l'organisation installait les bannières Paris 2024 et les panneaux kilométriques, les premiers fans s'accoudaient aux barrières à peine posées.
En bas de la rue Lepic, on croisait ainsi Michel, Québécois expatrié à Paris, en place dès 10h15 : "Je me suis mis ici parce que je voulais une belle perspective pour prendre des photos et une chance de passer à la TV avec mon drapeau québécois". Un peu plus loin, Bart, l'un des innombrables Belges présents, habitué des plus grandes courses, annonçait : "Aujourd’hui, ça va ressembler au Tour des Flandres avec cette belle côte pavée. Donc c’est taillé pour un Belge."
Le sacre de Remco Evenepoel quelques heures plus tard lui donnera raison. En attendant, l'heure est aux cyclo-touristes, nombreux à défier la rue Lepic (1 km à 6,5% de moyenne, sur des pavés). La montre affiche moins de 11h, la course n'est pas encore partie, mais le public déjà en place s'enflamme pour chaque courageux venu défier la pente. L'occasion d'attester de la difficulté des lieux, entre les passages à 9% et des pavés certes loin de ceux de Roubaix, mais tout de même inhospitaliers.
"Je ne vais quand même pas me faire doubler par un triathlète", taquine ainsi un retraité sur son vélo, répondant par une attaque contrée par ledit triathlète, puis chahuté par quelques Belges déjà bien bruyants."On est parti à 4h30 de Belgique ce matin, on s'est vite installé dans cette rue Lepic où va se jouer la course", raconte justement Kévin, maillot de l'équipe belge de football sur les épaules, et bière à la main.
"C'est tellement beau que c'est une course à voir à la TV, mais on voulait voir nos idoles de près, vivre le moment à fond."
Kévin, supporter belgeà franceinfo: sport
Après un crochet par la mythique place du Tertre, où les caricaturistes ont, pour une fois, laissé place aux cyclotouristes qui tentent de se frayer un chemin entre les promeneurs, on débouche sur l'amorce de la descente, au pied des marches du Sacré-Coeur. Pour le moment, la vie normale y suit encore son court, avec le flot ininterrompu de touristes qui posent devant la vue sur Paris.
Le sacré choeur du public belge
Les heures passent et, peu à peu, la foule grossit. Barbès, Pigalle, le Moulin Rouge... La marée humaine déferle sur le pied de la butte. A mesure qu'on approche de la rue Lepic, point névralgique, la foule se densifie et le moindre pas en avant relève du défi. Les trottoirs débordent, et l'ambiance devient quelque peu anxiogène pour une partie du public, qui rebrousse chemin pendant que d'autres escaladent le moindre promontoire.
Des touristes, pas au courant du passage de la course, demandent le chemin de la place du Tertre avant de vite comprendre qu'il faudra revenir le lendemain. Dans les ruelles de Montmartre, tout le monde cherche un plan B, pour voir la course en échappant à cette foule plus dense que le virage des Hollandais de l'Alpe d'Huez. Ces derniers ont notamment investi les marches du Sacré-Coeur.
Arrivé au pied de l'escalier iconique, le spectacle est ahurissant : un mur de plusieurs milliers de personnes surplombe Paris. Les Belges chantent à la gloire de Remco Evenepoel et Wout Van Aert, les Néerlandais scandent le nom de Mathieu Van der Poel, les Français ceux de Julian Alaphilippe et Valentin Madouas, mais aussi de Thibaut Pinot et Léon Marchand.
Les téléphones sont de sortie pour immortaliser le moment, mais le réseau sature et personne ne sait vraiment ce qu'il se passe sur la course. Au premier passage, une énorme clameur accompagne Ben Healy, alors en tête, suivi de près par Valentin Madouas, alors que Wout Van Aert et Mathieu Van der Poel se marquent de près. Pendant dix-neuf minutes, le défilé continue ainsi. Les coureurs détachés sont célébrés comme des héros.
Très vite, revoilà la tête de course, composée du duo Remco Evenepoel et Valentin Madouas. La butte tremble. D'un coup, le clan belge exulte. Un chanceux qui a encore du réseau annonce aux autres l'attaque décisive de Remco Evenepoel. "On est chez nous", hurle le clan belge, avec un sacré choeur. "Rappelez-vous le Mondial 2018, et l'Euro 2024" répond un Français, chambreur. Quelques minutes plus tard, Remco Evenepoel déboule seul en tête.
Son public décompte en chantant les secondes qui le séparent de Valentin Madouas, distancé mais qui file vers l'argent, suivi de Christophe Laporte, qui ira arracher le bronze sur la ligne. Mais ça, les milliers de spectateurs ne l'apprendront qu'en quittant la Butte qui, le temps d'une journée, était plus proche du Mont Ventoux que de Montmartre.
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