Athlétisme aux JO de Paris 2024 : spectaculaires ou injustes, les nouveaux tours de repêchage divisent

Les athlètes éliminés en séries des épreuves de haies et du 200 au 1 500 m peuvent désormais rejoindre les demi-finales lors d'une course de repêchage.
Article rédigé par Anaïs Brosseau - envoyée spéciale au Stade de France
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 3 min
La joie d'Anaïs Bourgoin, victorieuse de son tour de repêchage sur 800 m, aux JO de Paris, le 3 août 2024. (JEWEL SAMAD / AFP)

Un petit tour et puis s'en va ? Plus maintenant. Pour tous les athlètes des 200, 400, 800 et 1 500 m, mais aussi du 100, 110 et 400 m haies, leur passage aux Jeux olympiques de Paris ne se limitera pas qu'à une seule course. Pour la première fois, des repêchages ont été mis en place. Une nouveauté introduite par World Athletics, la fédération internationale d'athlétisme, et annoncée dès juillet 2022. 

"Les tours de repêchage donneront une plus grande visibilité à notre sport pendant la période des Jeux olympiques et seront soigneusement programmés pour garantir que chaque épreuve du programme olympique conserve sa part d'attention", a justifié Sebastian Coe, le président de World Athletics. Cette innovation comporte l'avantage de renforcer l'attractivité de certaines sessions, notamment du matin, car consacrées habituellement aux séries et aux qualifications des concours. 

"C'est spectaculaire pour le public, car cela ajoute une dramaturgie à la compétition. On l'a vu samedi matin. Le stade était en folie pour le repêchage du 800 m d'Anaïs Bourgoin."

Maryse Ewanjé-Epée, consultante pour France Télévisions

à franceinfo: sport

Depuis quelques années, World Athletics cherche à relancer l'intérêt du public et des téléspectateurs pour ses compétitions par divers moyens, entre ajout d'épreuves (le relais 4x400 m mixte) et changement de règles. "Il y a quelques années, lorsqu'on est passé d'un faux départ excusé à zéro, tout le monde a crié au scandale. Au final, chaque athlète s'est adapté", rappelle Maryse Ewanjé-Epée. 

Les sprinteurs du 100 m et les fondeurs exemptés

Le 100 m n'est pas concerné, car il existe déjà un tour préliminaire. Quant aux distances supérieures au 1 500 m, elles exigent "un temps de récupération trop important pour permettre un format pratique avec une phase supplémentaire", argumente World Athletics. Ce système de repêchage constitue une petite révolution pour les coureurs, qui étaient habitués à rejoindre les demi-finales en terminant parmi les premiers de leur série, ou, à défaut, avec l'un des meilleurs temps des non-qualifiés directs.

Désormais, la qualification automatique en demies ne se joue qu'au classement. En revanche, en repêchage, les règles varient selon les distances. Par exemple, sur le 800 m, les tickets sont attribués aux gagnants des quatre courses de repêchage, ainsi qu'aux auteurs des deux meilleurs temps suivants. Au 1 500 m, uniquement les trois premiers des deux courses de repêchage filent en demies.

"Je n'étais pas pour le repêchage à la base. Et puis finalement, comme je le gagne et que je vais en demies, je me dis que c'est une chance de plus."

Anaïs Bourgoin, qualifiée pour les demi-finales du 800 m

à franceinfo: sport

Surprise de cette modification, sa compatriote Léna Kandissounon, engagée sur la même distance, a échoué à profiter de cette chance supplémentaire. "Lancer ça aux JO, c'est assez dur. Les repêchages, c'est surtout difficile mentalement. C'est le jeu, ce sont les mêmes règles pour tout le monde, mais j'espère que ça va changer pour les prochains championnats", soufflait la Bretonne. De son côté, Maël Gouyette, éliminé à la suite des repêchages du 1 500 m, a pris cette course comme une occasion en plus d'apprendre et de côtoyer le très haut niveau international en vue de Los Angeles 2028.

Une rupture d'équité ?

Avec cette nouvelle règle, des stratégies pourraient naître. Sur des courses tactiques comme le 1 500 m, certains athlètes pourraient être tentés de couper leur effort s'ils ne sont pas présents dans l'emballage final ou s'ils ont été bousculés, histoire de garder des forces pour le repêchage. Avec ce tour en plus, certains coureurs arriveront toutefois en finale avec déjà trois courses dans les jambes, contre deux pour leurs concurrents.

"C'est un vrai handicap pour ceux qui ont deux tours à passer. Pour moi, l'intérêt de l'athlète et l'équité doivent passer avant le spectacle."

Stéphane Diagana, consultant pour France Télévisions

à franceinfo: sport

"Sportivement parlant, il n'y a pas une grande équité, acquiesce Maryse Ewanjé-Epée. Surtout quand on voit que les séries étaient vendredi soir et les repêchages pour les filles du 800 m samedi matin. C'est très rude." Vainqueur de son repêchage du 1 500 m, samedi 3 août le Français Azeddine Habz refusait de se trouver des excuses à l'avance. "J'ai l'habitude d'enchaîner les courses. J'ai vingt-quatre heures pour récupérer, demain est un autre jour", assurait le Tricolore. S'il parvient dimanche à se qualifier pour la finale, Azeddine Habz aura cette fois quarante-huit heures pour souffler avant de jouer la médaille. 

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