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Le désarroi des policiers

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Article rédigé par franceinfo
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Les dirigeants d'Ivry n'ont pas souhaité s'exprimer.

Un document rare avec des témoignages de policiers. Des policiers en détresse qui ont craqué. Impossible pour eux de continuer à exercer leur profession : un quotidien trop dur, trop violent, un manque de respect. Un chiffre illustre ce désarroi : le taux de suicide dans la profession est supérieur de 36 % à la moyenne nationale. Notre équipe a pu se rendre dans un centre unique en France, un sas de décompression pour des hommes perdus.

C'est ainsi 4 fois par jour. L'appel obligatoire.

Dominique, Laurent.

Présent.

Ils sont tous policiers mais sans uniforme de service. Ils sont loin de leur commissariat. Tous ont craqué. Trop de souffrances. CRS, grades ou simples flics, ils sont en convalescence. Pour Jérôme et les 50 autres, la journée commence par une marche.

Vous êtes là depuis quand.

Depuis deux semaines.

Pourquoi.

On va dire une petite addiction.

Dépression, alcoolisme. De plus en plus de policiers appellent à l'aide ce centre unique en France géré par une association de policiers. Chaque semaine, ça commence par cette réunion pour les nouveaux. Ils sont ici pour un à deux mois.

Cette réunion a été élaborée pour vous rappeler les règles de vie.

Vous savez pourquoi vous êtes venu. Il vous faut aller de l'avant. Je suis là pour dépression. J'ai fait une tentative de suicide. Après c'était impossible de gérer la situation. J'étais dépassé. On est qu'un No de matricule aux yeux de la hiérarchie.

Autour de la table, tout sort. En pleine réunion, un des nouveaux arrivants s'eclipse.

Dans un premier temps, ça va être une catastrophe. Il ne faut pas hésiter à en parler. Et il est normal d'avoir ces réactions-là. Et vous allez vous en sortir. On vous accompagne dans cette démarche.

Pour rebondir, ils vont participer à de nombreuses activités. Pas question de rester isolé. Laurent décide d'aller à la salle de sports. Une façon de retrouver une image de soi positive.

Vous avez vu le médecin.

Oui.

Apte pour faire ce métier, Laurent pensait l'être. Mais il y a de moins en moins d'effectifs, des quotas à atteindre. Au bout de 6 ans de métier, il s'effondre.

Je ne m'attendais pas au poids de la hiérarchie. Ça écrase.

Vous vous sentez détruit.

En quelque sorte oui.

Terence aussi se dit détruit par l'alcool. Depuis qu'il est là, il fait 6 heures de sport parjour.

Ça me permet de me défouler. Ça évite aussi les somnifères.

Ce qu'ils ont tous à l'intérieur, ce sont les interventions, les décès annoncés aux familles, les collègues blessés ou tués.

On garde tout pour soi. C'est un peu difficile de discuter entre nous. Il y a une certaine fierté. Il faut être le plus fort, le plus compétent. Il ne faut pas se montrer sensible.

Vous l'êtes quand même.

On l'est. Un peu comme les clowns. Quand on les voit, c'est marrant, mais ils sont tristes a l'intérieur.

Vous êtes fort, mais dedans, c'est pas toujours facile.

On essaye d'être fort en apparence. Mon but était de boire jusqu'à en crever. Ce serait arrivé de toute façon.

En plus des activités, tous sont suivis médicalement. Terence prend des médicaments pour le sevrage. Après deux semaines de cure, il commence à aller mieux. Jérôme aussi redresse la tête. Un travail étouffant qui l'isole de sa famille. Il ne gérait plus rien. Pour avancer, ce grand gaillard, gardien de la paix, s'est lancé dans la création. Dans cet atelier, chacun cherche un moyen d'expression. Un prétexte pour faire ressortir les malaises. Jérôme a pris la plume et c'est une première pour lui.

Collègue, tu es un homme ou une femme à part entière. Tu n'es pas qu'un simple "bleu", pas qu'un simple matricule. Tu es un être humain, malgré ce que l'on peut penser de toi. Bon courage. Ta fierté sera d'avoir demandé de l'aide. Ici, personne ne te jugera. Nous sommes tous dans le même cas. Ici, on t'aidera et on te soignera. Tu penseras enfin à toi. Les insultes qu'on nous fait, parfois la population. C'est pas comme ça qu'on doit être vus. On des hommes, comme tout le monde. On ne fait que notre métier. Je ne me balade pas avec mes enfants dans la ville où je travaille, pour éviter que je sois reconnu et que je me fasse insulter dans la rue. C'est déjà arrivé.

Le soir venu, les activités sont terminées, mais tous ont dans la tête un moment qu'ils redoutent : leur sortie. Pour Jérôme et Térence, c'est dans un mois et demi.

Je ne sais pas comment ça va se passer. Est-ce qu'on va me voir différemment? On verra bien. De toute manière, il ne faudra pas revenir.

Ici, on est cocoonés. J'ai peur. comment je vais réagir en sortant. D'être seul, ça me fait peur.

Vous pensez la même chose.

Oui.

Malgré leur peur et leurs blessures, aucun d'entre eux ne souhaite arrêter ce métier, qu'ils ont choisi, un jour, par vocation.

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