Reportage Jeux paralympiques 2024 : à Fontainebleau, le passage de la flamme honore les blessés de l'armée en "reconstruction" grâce au sport

Article rédigé par Paolo Philippe
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le porteur de flamme Alain Akakpo entouré de militaires en treillis, le 27 août 2024 au Centre national des sports de la défense (CNSD) à Fontainebleau (Seine-et-Marne). (PAOLO PHILIPPE / FRANCEINFO)
La flamme paralympique est passée mardi par le Centre national des sports de la défense à Fontainebleau. Un lieu où l'armée accompagne ses nombreux sportifs de haut niveau et soigne ses blessés.

Alain Akakpo lâche la flamme paralympique du regard seulement quelques secondes. Il salue le public, ses frères d'armes et les officiels, réunis mardi 27 août dans la halle Alain-Mimoun du centre national des sports de la défense (CNSD), à Fontainebleau (Seine-et-Marne). Puis l'ancien athlète paralympique, quatrième en 2012 des Jeux paralympiques de Londres en saut en longueur, effectue un tour de piste pour conclure son relais du jour, alors que 12 torches circulent dans toute la France jusqu'à mercredi, avant de rejoindre Paris. Il dépose la flamme dans une petite lanterne et entonne une Marseillaise hautement symbolique, à la veille du début des Jeux paralympiques.

Ce moment "puissant à partager" pour l'instructeur au CNSD raconte un peu le lien entretenu entre l'armée et le sport, qu'il soit olympique ou paralympique. Ancien tireur d'élite, Alain Akakpo a été blessé en exercice à 19 ans, en 2004. Il a perdu son bras droit à cause d'une grenade qui lui a explosé dans la main, puis est passé par des mois difficiles avant de se reconstruire au CNSD, là où l'armée accueille ses nombreux sportifs de haut niveau et soigne ses blessés. Il y est devenu instructeur, tout en entamant une carrière de haut niveau en para-athlétisme. "Au début, je cachais mon handicap, je n'étais pas à l'aise avec le regard des autres et puis le sport m'a permis de me reconstruire, de retrouver un équilibre et me réapproprier mon corps."

Pour les Paralympiques, 28 athlètes issus du CNSD

Deux ans après ses débuts, "au CNSD où tout a commencé et où tout se termine", Alain Akakpo dispute les Jeux paralympiques de Londres. Il remporte ensuite deux titres de champion du monde militaire et plusieurs médailles d'or aux Jeux Invictus, ou Invictus Games en anglais (des Jeux spécifiques pour les soldats blessés), avant de se reconvertir dans le parataekwondo. "Au CNSD, on forme des militaires, on reconstruit des blessés et on accueille des sportifs pour la compétition, et Alain Akakpo représente parfaitement ces trois aspects", salue le général Paul Sanzey, qui dirige le centre.

Alain Akakpo et le major Teddy avant de porter la flamme, le 27 août 2024 au Centre national des sports de la défense (CNSD), à Fontainebleau (Seine-et-Marne). (PAOLO PHILIPPE / FRANCEINFO)

Niché en lisière de la forêt de Fontainebleau, le "centre de référence du sport militaire", comme le qualifie le général Sanzey, regroupe de nombreux sportifs de haut niveau, même si très peu d'entre eux y travaillent réellement. Aux JO, 21 médaillés, dont la judokate Clarisse Agbegnenou ou encore le vice-champion olympique en BMX Sylvain André, ont représenté l'armée et sont issus du CNSD, "l'image du sport militaire", toujours selon le général Sanzey. Pour les Jeux paralympiques, 28 athlètes français sont issus du CNSD. Certains sont porteurs de handicap depuis la naissance, tandis que quelques-uns le sont devenus après un accident. C'est le cas de Thomas Laronce (volley assis) ou de Rémy Boullé (paracanoë-kayak), devenu paraplégique après un accident de parachute à l'entraînement.

"Le sport est une béquille"

Mais le CNSD remplit aussi une autre mission : celle de soigner les blessés physiques ou psychiques de l'armée. Ils sont près de 300 à passer chaque année par le lieu pour retrouver une activité physique, entamer une reconversion ou découvrir un nouveau sport. "Le sport est une béquille pour les blessés, un moyen de se fixer de nouveaux objectifs", explique le capitaine Martin, qui dirige l'unité de reconstruction des militaires blessés. Faire accepter à des soldats, parfois issus des forces spéciales, que la vie continue après une grave blessure n'est pourtant pas simple.

"Quand on est militaire, on vous apprend à être fort, vaillant, mais le jour où je me suis retrouvé avec les jambes paralysées, dans un lit avec un corset, j'avais honte de moi", témoigne Bernard, blessé au Mali en 2016, qui a depuis retrouvé sa mobilité mais souffre de stress post-traumatique après une mission en Afghanistan. Cet ancien militaire de terrain, reconverti à un poste administratif en lien avec l'armée, prépare les Jeux Invictus, où l'aspect compétitif est secondaire et le niveau, bien moins élevé que lors des Jeux paralympiques.

Plusieurs membres de l'équipe militaire, dont Bernard (premier en partant de la gauche), qui représenteront la France en février 2025 lors des Invictus Games, le 27 août 2024 au Centre national des sports de la défense (CNSD) à Fontainebleau (Seine-et-Marne). (PAOLO PHILIPPE / FRANCEINFO)

Pour Bernard comme pour les 18 autres soldats sélectionnés pour les Jeux Invictus, la compétition est un prétexte. "Les Invictus Games, c'est le dernier palier de notre reconstruction. On représente la France, mais on montre aussi qu'on n'est plus au fond du trou et pas finis." A Vancouver (Canada), en février 2025, Bernard disputera les épreuves de basket fauteuil et rugby fauteuil, ainsi que le biathlon et le skeleton en individuel. En attendant, il a passé l'après-midi à regarder les relayeurs se transmettre la flamme dans les allées du CNSD. Parmi eux, le major Teddy, son formateur. Cet instructeur passe son temps à côtoyer des corps abîmés et des têtes déboussolées. "Le plus dur, c'est le premier pas. Pour certains, ça va prendre quelques mois, pour d'autres quelques années. On voit souvent le soldat à travers ses armes, mais il y a d'autres horizons", assure-t-il. Le sport en est un.

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