: Reportage Mondiaux de para athlétisme : à Charléty avec les réparateurs de prothèses et de fauteuils d'athlètes, maillons essentiels du parasport
La zone est gardée à l'abri des regards indiscrets. À deux pas de la piste d'entraînement où s'échauffent les athlètes concourant lors des Mondiaux de para athlétisme (8 au 17 juillet), cachée derrière les tribunes du stade Charléty à Paris, une tente blanche recouvrant plusieurs containers de fortune semble perdue au milieu de nulle part. À l'entrée, plusieurs fauteuils sont entreposés dans des états aléatoires, tandis que des représentants des délégations du monde entier jettent un coup d'œil à ce qui se trame à l'intérieur.
C'est ici que se trouve le support technique. Trente personnes sont présentes sur place afin de dépanner, gratuitement, celles et ceux qui auraient un problème avec leur matériel tout au long de l'événement. Une petite table en bois fait office de guichet, sur laquelle plusieurs fiches attendent d'être complétées afin que les mécaniciens puissent s'atteler aux réparations. "Depuis lundi, en deux jours et demi de compétition, nous avons réalisé 167 interventions", explique Quentin Dodin. "Il y a des moments de rush, surtout avant le début des sessions de matinée et de soirée, d'autant que des derniers réglages sont possibles jusque dans la chambre d'appel : pour gonfler les pneus des fauteuils, réajuster les appareillages des lames de course..."
Le jeune homme est orthoprothésiste et l'un des rares, mercredi 12 juillet, à parler français. Car c'est surtout en allemand que les conversations se déroulent. Le support technique des Mondiaux est assuré par une société, Ottobock, originaire de l'autre côté du Rhin. "On se prépare aussi pour les Jeux paralympiques l'an prochain (du 28 août au 8 septembre)", ajoute - en anglais dans le texte - Peter Franzel, le chef de service responsable du déploiement des troupes lors de manifestations sportives.
Un support technique présent lors des Jeux de Paris en 2024
Partenaire officiel des "JP" depuis 1988, l'entreprise assurera la même prestation dans la capitale en 2024. Mais cette fois, les effectifs ne seront plus les mêmes : 158 techniciens seront mobilisés, notamment dans un centre de réparation situé à côté du village des athlètes, à Saint-Denis, ainsi que sur 12 sites accueillant des épreuves.
"On parle de matériel qui peut coûter cher, et il n'y a clairement pas la même couverture sociale et les mêmes mécanismes de financement partout. Pour avoir les meilleurs appareillages et les meilleurs fauteuils, cela va beaucoup varier selon les pays."
Audrey Montauban van Swijndregt, orthoprothésisteà franceinfo: sport
Audrey Montauban van Swijndregt, également orthoprothésiste, prend le relais pour montrer le reste des installations en détails. Atelier de soudure, établi, stock de pièces, machine à poncer... L'espace a été optimisé au maximum pour répondre au plus gros des besoins. "Il s'agit essentiellement, à 90% environ, de réparations touchant des fauteuils", avance-t-elle.
Reste à savoir qui sont les stars du para athlétisme qui sont passées entre leurs mains. "L'Allemand Leon Schäfer, champion et recordman du monde du saut en longueur en catégorie T63 (amputé d'une jambe), est venu", poursuit Quentin Dodin. "Les Français sont bien rôdés, les Japonais ont leurs propres techniciens. Il y a surtout des pays 'moins développés' qui passent nous voir."
Peter Franzel se souvient d'un moment qui l'a marqué, lors de sa première participation au support technique lors des Jeux paralympiques de Pékin, en 2008. "Il y avait un athlète originaire de Mongolie qui s'était arrêté. C'était la première fois de toute son histoire que le pays envoyait un représentant aux Jeux. C'était un archer, il s'appelle Baatarjav Dambadondog. Il avait une prothèse au niveau des membres inférieurs qu'il avait fabriquée lui-même. Il y avait du métal, du plastique... C'était rudimentaire et il souffrait avec. On lui en a fait une totalement neuve en deux jours. Il a rejoint la compétition et il a gagné. Il est revenu nous voir ensuite avec sa médaille d'or, c'était très touchant."
Il n'en reste pas moins que les aléas sont nombreux dans le parasport, et que la qualité du matériel ne fait pas (toujours) tout. Peter Franzel évoque l'exemple de l'athlète belge Peter Genyn, engagé à Tokyo en 2021. Après être passé aux toilettes, deux heures avant sa finale sur 100 mètres en catégorie T51 (tétraplégiques), il se rend compte que deux des trois pneus de son fauteuil de course ont été crevés et son cadre fracturé. Un geste de sabotage manifeste qui a nécessité une réparation compliquée dans un laps de temps très court, avec des pièces d'autres chaises. L'histoire s'était, heureusement, finie là encore avec une médaille d'or au bout.
"Est-ce qu'il existe des différences de prix pouvant aller de un à 10 en fonction des fauteuils ? Oui, c'est une réalité", explique le chef de service. "Mais si vous avez un pneu dégonflé ou crevé, vous pouvez avoir le meilleur fauteuil à 15 ou 20 000 euros et perdre quand même la course." Un bon moyen de rappeler l'aspect déterminant des mécanos qui opèrent dans l'ombre pour que les parasportifs de haut niveau prennent, eux, la pleine lumière.
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