Paralympiques 2024 : comment des sportifs français en situation de handicap ont été conduits vers les Jeux de Paris en un temps record
"J’ai commencé le parataekwondo il y a cinq ans, je ne faisais aucun sport. Aujourd’hui, remporter une médaille à Paris, c’est vraiment merveilleux !" Les mots de Djelika Diallo, médaillée d'argent en catégorie K44 (-65 kg) lors des Jeux paralympiques le vendredi 30 août, illustrent l'ascension fulgurante que peuvent connaître certain(e)s sportif(ve)s en situation de handicap.
Repérée lors d'une journée du sport scolaire dans son école à Epinay-sur-Seine à 14 ans, rien ne prédestinait la native de Stains (Seine-Saint-Denis), atteinte depuis sa naissance d'une paralysie du plexus brachial (un réseau nerveux situé à la base du cou), à briller au plus haut niveau. Mais force est de constater qu'à Paris, elle est loin d'être la seule à avoir la même trajectoire.
Neuf Français aux Jeux grâce à La Relève
Si les fédérations sportives organisent leurs propres détections, le programme pour repérer les futurs talents paralympiques lancé en 2019 par le Comité paralympique et sportif français (CPSF), intitulé La Relève, a joué le rôle d'accélérateur de particules.
"La première étape est d'accompagner une personne motivée par la compétition en fonction de sa situation de handicap, détaille Jean Minier, directeur des sports du CPSF. Une fois cela exposé, on conseille les nombreux sports existants, que l'on confronte aux envies de la personne, son passé sportif, son âge, sa zone géographique... puis elle évolue sous les yeux des recruteurs, qui ont un œil encore plus fin sur la catégorie dans laquelle elle est susceptible d'atterrir. On expérimente ce modèle sur des personnes de 20-35 ans, mais ça pourrait s'appliquer à plus grande échelle avec plus de moyens."
En cinq éditions, plus de 800 personnes ont été reçues lors des entretiens et 250 ont participé aux épreuves test. Cet été, ils sont neuf à participer aux Jeux paralympiques, dont cinq faisant partie de la toute jeune équipe de France de volley assis.
"Dès qu'on a eu la délégation ministérielle en 2017, on savait qu'on avait les Jeux en 2024, explique Chrystel Bernou, cheffe de projet à la Fédération française de volley-ball. Il fallait en profiter pour faire du développement." Un peu de lobbying, aussi. Car les fédérations sportives s'arrachent parfois les mêmes profils.
Le défi d'une détection précoce
"Il faut vendre les qualités de son sport. Le volley assis, c'est un sport collectif, sans contact avec l'adversaire, qui est également très inclusif, ajoute Chrystel Bernou. On peut jouer avec d'autres personnes en situation de handicap, mais aussi des valides, en mixité hommes-femmes. C'est ce qui fait sa force et qui attire du monde."
"La Relève nous a bien aidés, reconnaît Eric Le Leuch, qui encadre les Bleus du paracanoë. Nos adversaires, notamment britanniques, font cela depuis des années. Ils orientent et proposent aux sportifs de performer dans des sports avec les handicaps qui correspondent. Ils le font même dès les centres de rééducation."
C'est dans un de ces centres qu'Eléa Charvet a vu s'ouvrir les portes du monde paralympique. Il y a un peu plus de trois ans, après un accident de scooter, la jeune femme engagée en pirogue VL3 (athlètes avec une fonction complète du tronc et une fonction partielle des jambes) à Paris devient amputée fémorale de la jambe gauche. "C'était très compliqué, j'avais 18 ans, j'étais super jeune, je voulais rester dans mon coin", se souvient-elle. Elle fait alors la connaissance de l'association Comme les autres, qui propose un accompagnement social dynamisé par le sport et les sensations fortes. "La kiné qui m'aidait dans ma rééducation faisait partie de cette structure, elle m'a incité à y aller alors que j'étais très réticente. Aujourd'hui je peux le dire, ça compte parmi les meilleurs choix de ma vie."
Sous l'impulsion de l'association, la native de Bayonne découvre "le nouveau monde qui [lui] appartient après le handicap" et est conduite à aller plus loin, en passant les tests du programme La Relève en 2023. Elle s'essaie au paracanoë sur un ergomètre spécifique et marque déjà les esprits.
"Là on m'a dit : 'Si tu t'entraînes correctement, tu as les capacités d'aller loin', précise celle qui va rentrer en école de kiné après les Jeux. La première année, tout était fun, c'était une fraîcheur dans ma petite vie. La deuxième année, je suis entrée en équipe de France. J'ai découvert les compétitions internationales, j'ai pris conscience de ce qu'était le haut niveau et qu'en fait, ça déconnait zéro ! Je me suis dit que j'étais probablement en train de vivre mon rêve, mais c'était impossible de me rendre compte..."
Abel Aber, lui, ne veut pas "faire tout un truc" de ces Jeux à la maison. L'imposant gaillard de 38 ans, engagé lui aussi en pirogue VL3 à compter de vendredi 6 septembre, sait d'où il vient. C'est la boxe qui avait toujours eu les faveurs du Vosgien, amputé de la jambe droite en 2003 après un accident de la route, au point de réaliser plusieurs combats contre des valides grâce à sa prothèse. Jusqu'à la découverte de la pirogue, un peu par hasard, en 2019.
"Le CPSF évoquait une grosse ambition pour Paris 2024. Je me suis retrouvé dans ce discours, car j'ai longtemps été très réfractaire à une certaine vision du parasport. Il y avait souvent cette dimension d'accompagnement, de cohésion sociale, mais pas de recherche de performance."
Abel Aber, membre de l'équipe de France de paracanoëà franceinfo: sport
"J'ai participé à la détection, un référent de la Fédération française de canöe-kayak m'a orienté vers le sprint 200 m sur un ergomètre, se souvient Abel Aber. J'ai envoyé comme une brute, ça leur a plu ! Ensuite, j'ai fait mes armes pour atteindre le top 8 mondial. Je suis aujourd'hui trois fois champion de France et vice-champion d’Europe."
Dans le bassin de Vaires-sur-Marne, il voudra continuer à étoffer son palmarès avec la première médaille paralympique de sa carrière. Et il pourrait marcher sur les traces d'Erika Sauzeau, passée elle aussi par La Relève et qui ne connaissait rien à sa discipline deux ans avant de décrocher le bronze à Tokyo en para-aviron, en 2021. "Ce n'est pas du tout un sport que j'aurais choisi par moi-même, parce que je ne faisais que des sports en fauteuil, expliquait-elle à franceinfo: sport en 2022. Je faisais du basket et je découvrais le tennis. En plus, je suis très sensible au froid... Et en fait j'ai accroché tout de suite. Comme quoi, parfois, il faut aller découvrir ! On peut se révéler dans un sport et y trouver un intérêt.”
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