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Reportage À Limoges, des nageurs des quatre coins du monde font rimer handicap et compétition à un an des Jeux paralympiques de Paris

Pour la première fois en France, une étape de la Coupe du monde de para natation est organisée ce week-end à Limoges. L’opportunité pour les athlètes de mettre en avant leurs performances et d’habituer le public et les bénévoles aux particularités du parasport.
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
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Les nageurs de haut niveau en situation de handicap prennent d'assaut l'Aquapolis de Limoges à l'occasion de l'étape de Coupe du monde de para natation, le 26 mai 2023. (Clément Mariotti Pons)

Il n'est pas encore neuf heures. Il est l’un des premiers à rejoindre la chambre d’appel, où se réunissent les compétiteurs avant de pénétrer dans l'eau du centre Aquapolis de Limoges. Le bonnet est déjà en place, les lunettes aussi. Dans la première série de la journée, Miguel Angel Navarro Riofrio fait partie des trois nageurs à ouvrir le bal, vendredi 26 mai, de la première World Series de para natation organisée en France.

L'Espagnol souffre d’une amyoplasie musculaire congénitale, c'est-à-dire que ses muscles sont atrophiés et que certaines de ses articulations sont rigides. Malgré son handicap lourd, le jeune homme de 19 ans se bat avec acharnement pour boucler son 100 mètres avec le meilleur temps possible. La fin de sa course, il la vit avec le soutien bruyant et spontané du public déjà présent. Les spectateurs embrassent la cause de celui qu'ils ne connaissent pourtant pas, exaltés à l'idée d'encourager un tel modèle de résilience.

Les officiels surveillent de près que les nageurs touchent bien le mur pour effectuer leur virage, le 26 mai 2023. (Clément Mariotti Pons)

Puis le chrono tombe : 5'11". À peine remonté dans son fauteuil que c'est déjà l'heure du débrief avec son entraîneur. Derrière Miguel Angel, d'autres concurrents prennent place sur le plot de départ. La vague de championnes et champions sera continue tout au long du week-end.

"C'est impressionnant de les voir nager aussi vite. On a l'impression que ça ne change rien par rapport aux compétitions des valides."

Rémi, un élève de l'école Marcel-Proust de Limoges

à franceinfo: sport

Pour l'occasion, l'Aquapolis a enfilé sa plus belle tenue. Les imposantes verrières situées de part et d'autre ainsi que les puits de lumière au niveau du plafond font de l'effet. Mais ce qui attire le regard au moment d'entrer dans le centre aquatique, c'est l'habillage "Coupe du monde". Celui-là même qui permet, au premier coup d'oeil, de comprendre qu'il s'agit d'un rendez-vous important. 

Armelle, institutrice à l’école maternelle Marcel-Proust à Limoges, est impressionnée par le décorum d'une piscine qu'elle a l'habitude de fréquenter. Installée en tribunes avec pas moins de 100 élèves, du CP au CM2, elle lorgne avec envie sur les couloirs de nage juste devant elle. "Cela fait deux ans que l’on travaille sur le handicap avec les enfants, ils sont un peu plus habitués que certains au parasport", explique-t-elle. "On avait vu ensemble des épreuves des Jeux paralympiques à Tokyo et l'an passé, on a aussi organisé une journée handisport avec du basket fauteuil, du cécifoot, de la boccia..." "C'était trop bien !", reprennent en choeur plusieurs élèves. "C'est chouette d'être ici car on voit des nageurs avec des handicaps que l’on n’a pas l’habitude de rencontrer", résume l'un d'entre eux avec timidité, au moment où la locale de l'étape, Léane Morceau - licenciée au CAPO Limoges - fait son apparition dans le bassin. 

En face des gradins, des petites mains s'activent à proximité des plots de départ. Sous le mentorat de Paul Moriceau, chargé de mission au Comité régional handisport de la Nouvelle-Aquitaine, de jeunes bénévoles sont en charge de récupérer les affaires des nageurs dans des boîtes avant la course. D'autres s'occupent des fauteuils roulants et prothèses comme Elise, Lise et Tom. Ce dernier, la dizaine d'années pas encore consommée, est scolarisé à Lille. Pendant trois jours, il va vivre au rythme des épreuves : "J'ai même mis mon maillot, peut-être qu'on pourra aller s'amuser dans le bassin de récupération juste derrière", précise-t-il, prévoyant. "Et si un malvoyant perd ses lunettes dans l'eau, je suis prêt à aller les chercher !"

Les jeunes bénévoles présents à Limoges sont sur le qui-vive alors que les athlètes s'apprêtent à lancer leurs courses, le 26 mai 2023. (Clément Mariotti Pons)


À deux pas, les officiels ont le regard figé sur le détecteur de faux départs tandis que les starters - qui ont en charge le signal sonore lançant les hostilités - sont tout aussi concentrés. Parmi eux, on retrouve Virginie, la mère des nageurs tricolores Alex et Kylian Portal. Présents la veille sur site pour s'entraîner, les deux jeunes hommes, souffrant de déficience visuelle, semblent avoir abandonné leur quiétude et leur sourire pour se mettre dans leur bulle. Dans quelques minutes, ils seront l'un en face de l'autre sur la série du 200 mètres quatre nages avec un autre copain de l'équipe de France, Ugo Didier.

La fratrie Portal rêve de Paris 2024

Pour eux, cette étape de Coupe du monde n'est qu'un point de passage avant les Mondiaux cet été à Manchester (31 juillet au 6 août), surtout pour Alex et Ugo, tous deux quadruples médaillés l'an passé. À seulement 19 et 21 ans, ils sont les nouveaux fers de lance de la para natation tricolore. Leur première expérience paralympique à Tokyo leur a permis de ramener deux breloques chacun. Une reconnaissance internationale qui a modifié de facto leur statut. Pour Kylian, 16 ans, la barre pour atteindre Paris 2024 est plus haute mais pas inatteignable. Le storytelling médiatique autour de la fratrie Portal n'attend que cela. "Je serai hyper content de vivre les Jeux en France avec lui, ce serait unique", confesse l'aîné. "En même temps, peut-être que je serai plus stressé pour lui... Mais bon, ce serait du bon stress."

Les deux frères Portal, Kylian et Alex, prennent la pose après leur session d'entraînement, le 25 mai 2023. (Clément Mariotti Pons)

12h23, la chambre d’appel s’est vidée, les séries du matin viennent de s'achever et le silence a repris ses droits. Enfin pas vraiment puisque juste au-dessus du bassin de 50 mètres, l’organisation a installé le catering des athlètes. Autour d'une bonne assiette, les coachs étrangers échangent sur leurs méthodes de travail. Pour les athlètes, la collation est souvent plus rapide afin d'aller observer un temps de repos avant la reprise des épreuves vers la fin d’après-midi, puis les finales en début de soirée. La bataille ne fait que commencer.

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