Paralympiques 2024 : de la violence de Kaboul au rêve américain, le nageur Abbas Karimi a réussi son pari

Après avoir nagé pour l'équipe des réfugiés à Tokyo en 2021, Abbas Karimi s'épanouit aux Etats-Unis, où il s'entraîne. Médaillé à Paris, le néo-patriote américain veut rendre à son pays d'accueil ce qu'il lui a donné.
Article rédigé par Simon Bardet
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Le natif de Kaboul Abbas Karimi lors des Trials américains, étape de sélection pour les Jeux paralympiques de Paris 2024, le 28 juin 2024. (MICHAEL REAVES / AFP)

Nager vers une vie meilleure. Abbas Karimi a effectué un très long voyage, qui l'a mené d'une piscine de Kaboul où était affiché, sur un mur, un portrait de Michael Phelps, jusqu’au pays de son idole – athlète le plus médaillé de l'histoire des Jeux olympiques –, dont il défend désormais les couleurs. Un parcours qu'il n'aurait, de son propre aveu, "jamais pu imaginer". Le nageur afghan, né sans bras, a décroché sa toute première médaille paralympique, en argent, lors du relais 4x50 m nage libre mixte des Jeux de Paris le 30 aôut. "Cela représente tout pour moi, parce que j'ai travaillé si dur pendant 12 ans pour arriver à ce stade de ma vie et être médaillé olympique. C'était l'un de mes rêves", raconte-t-il dans un anglais parfait, tenue américaine sur le dos.

Avant de nager pour l'or, Abbas Karimi a nagé pour survivre. "J'étais un enfant très turbulent, j’ai fait beaucoup de choses horribles dans ma vie, et la natation m'a apaisé. Chaque plongeon dans une piscine était une renaissance", détaille-t-il. Celui qui a débuté à 12 ans dans une piscine construite par son frère en Afghanistan a fui le pays et les Talibans à 16 ans, direction l'Iran, puis un camp de réfugiés en Turquie pendant quatre ans, avant de finalement atterrir aux Etats-Unis.

"J'ai fait beaucoup de voyages. Des voyages différents, risqués, et ça a été une sacrée aventure. Je n'ai jamais abandonné, et me voilà en train de représenter les Etats-Unis d'Amérique. C'est un honneur pour moi."

Abbas Karimi

à franceinfo: sport

Le vice-champion paralympique du relais aurait pu défendre les couleurs de la Turquie, qui lui avait proposé un passeport. Mais Abbas Karimi visait plus haut. "J'ai refusé, explique-t-il, parce que je ne voulais pas seulement avoir du succès dans le sport, mais aussi dans la vie en général. J'ai senti que la société turque n’acceptait pas mon handicap, alors qu’aux Etats-Unis, personne ne me juge là-dessus. Je cherchais un monde meilleur, pour être plus fort dans tous les domaines. J'ai choisi les Etats-Unis et la plupart de mes rêves et de mes objectifs sont devenus réalité." Le 1er avril 2022, le natif de Kaboul est officiellement devenu citoyen américain, et c'était le contraire d’une mauvaise blague.

Patriotisme et fierté

D'abord dans l'Oregon, et désormais à Fort Lauderdale, en Floride, le nageur a découvert un nouveau monde et une mentalité qui lui siéent parfaitement. Loin de sa première expérience paralympique avec l'équipe des réfugiés aux Jeux de Tokyo en 2021 - une aventure sur laquelle il ne souhaite plus s'étaler, Abbas Karimi a gravi les échelons jusqu'au sommet de la natation mondiale. "Je prépare ces Jeux depuis tellement longtemps. Ça a été beaucoup de sacrifices, en étant loin de ma femme, de ma famille. J'ai payé le prix pour avoir cette médaille, et ça a marché !"

L’enfant afghan rejeté – même par une partie de sa famille – est devenu un adulte américain patriote. Particulièrement fier de défendre la bannière étoilée. "Je suis médaillé olympique, j'ai une vie géniale, mais encore beaucoup de travail à effectuer, assure-t-il. Les Etats-Unis sont une terre d'opportunités. Tant que vous avez faim, que vous voulez avoir du succès, vous savez que vous pouvez y arriver. Tout est possible dans ce pays. J'aime les Etats-Unis d'Amérique, et c'est un honneur pour moi de représenter ce pays."

"Je me sens Américain. Quand je suis arrivé, les Etats-Unis m'ont donné tout ce dont j'avais besoin. Je me suis senti plus soutenu, et je suis devenu meilleur, plus rapide, plus fort."

Abbas Karimi

à franceinfo: sport

Symbole de réussite, Abbas Karimi souhaite véhiculer un message à travers son histoire, lors de laquelle il a fui les talibans alors que les combats faisaient rage pour finalement rejoindre les rangs américains. "C'est l'heure pour moi de leur rendre la pareille, constate-t-il. Et ma façon de le faire, c'est de défendre les couleurs de ce pays et de remporter des médailles."

"Aux gens qui me soutiennent partout dans le monde, qui m'aiment, qui suivent mon voyage depuis des années, qui m'écoutent… Mon message pour eux est de ne jamais abandonner, quelle que soit la situation, quels que soient les obstacles. Il faut toujours continuer à se battre, rester debout, se relever à chaque fois que l'on tombe. Se battre jusqu'à atteindre notre but", encourage-t-il.

La ruée vers l'or à Los Angeles ?

"C'est vous qui choisissez vos objectifs, vos rêves, et en vous battant pour les réaliser, vous réussirez des choses incroyables et deviendrez une personne spéciale sur cette Terre", promet le nageur de 27 ans. S’il a décidé de faire une petite pause après les Jeux paralympiques pour profiter de sa famille, un autre rêve l'anime déjà. Un rendez-vous spécial, dans quatre ans. "Los Angeles, c’est à la maison ! Je pourrai y aller en voiture, s'amuse-t-il. Ça sera génial, et je suis plus affamé que jamais. Mon âge d'or ne fait que commencer."

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