"Là, j’ai une barrette... si je ne bouge pas" : dans ce village sans réseau mobile, il n'y a pas que les téléphones qui s'échauffent
Quand un projet d'antenne se heurte aux contraintes géographiques et au refus de certains habitants, la résolution d'une zone blanche devient un casse-tête insoluble. C'est le cas à Saint-Cyr-la-Campagne, dans l'Eure.
En 2017, plusieurs centaines de communes seraient encore sans réseau, malgré les engagements des opérateurs mobiles. Des mairies luttent pour obtenir l'installation d'un pylône, première étape avant l'antenne. Aux contraintes techniques et géographiques, peut s'ajouter le refus d'une partie des habitants. C'est le cas à Saint-Cyr-la-Campagne, un village de l’Eure, en Normandie.
Un peu de réseau ? Tout dépend... du ciel
Saint-Cyr-la-Campagne, 417 habitants, son église du XIIe siècle, ses maisons à colombages, ses vallées verdoyantes et son réseau inexistant. Le premier adjoint à la municipalité, José Da Silva Neto, le confirme : "Là, on n’a rien". C'est que tout dépend aussi de la météo et de la saison.
Les arbres en feuilles freinent le passage d’émission. Quand il n’y a plus de feuilles, ça passe mieux.
José Da Silva Neto, premier adjoint de Saint-Cyr-la-Campagneà franceinfo
Avec des arbres dénudés, par beau temps et en grimpant en haut du village, il est possible d’apercevoir une petite barre de réseau sur son téléphone portable. D'ailleurs, quand José Da Silva Neto arrive chez lui, sur les hauteurs du village, il se précipite vers l'endroit idéal. C'est sur un radiateur de son salon qu'il dépose son smartphone. "C’est sa place réservée. J’ai une chance sur deux pour que ça passe. Là, j’ai une barrette, si je ne bouge pas", dit-il.
Figures imposées et coups de fil anonymes
L’histoire du pylône désiré tient dans un épais dossier que le premier adjoint au maire ouvre pour nous. Depuis deux ans, il tente de dénicher un terrain pour accueillir le fameux mât haut de 35 mètres qui pourrait accueillir une antenne de téléphonie mobile. C'est un vrai casse-tête, constate José Da Silva Neto, après avoir recensé huit emplacements. Au final, aucun n'a fait l’affaire, tellement les contraintes s'empilent. Il faut un terrain constructible, proche du réseau électrique, pas trop éloigné de la route, mais pas trop près des maisons, ni trop visible. Un endroit lui a paru idéal, en lisière de forêt. Tout était prêt, raconte l'élu. "Un petit chemin était prévu pour camoufler l’antenne un peu plus loin, à une cinquantaine de mètres." Le propriétaire avait donné son accord pour la vente de la parcelle, mais il a reçu des appels anonymes. "Il nous a fait comprendre qu’il ne pouvait plus vendre, pour éviter les problèmes", se désole le chasseur du terrain parfait.
Quand des habitants freinent des quatre fers
Le fameux pylône n’est pas le bienvenu pour tout le monde. Françoise n’en a pas besoin et pourtant, dit cette habitante de Saint-Cyr-la-Campagne : "Je suis moderne". "Je n’ai pas de portable, je n'ai pas d’internet, je n'ai pas d’ordinateur... Je n'ai rien ! On n’en a pas besoin ! Avec tout ce qui se passe avec internet, vous avez vu, les blogs, maintenant on trifouille partout... ça me gêne."
Un peu plus haut, dans le village, une banderole est déployée pour dire "Non à l’antenne". Karima et sa famille l’ont installée, invoquant une possible dépréciation de la valeur de leur maison et les risques pour la santé. "Avoir une antenne 24 heures sur 24 qui va dégager je ne sais combien de volts, ça ne va pas nous faire du bien", estime-t-elle.
La dernière solution sera-t-elle la bonne ?
La municipalité normande insiste et vient de repérer un nouveau terrain, près de la mairie et en face du cimetière. Sa proposition a été envoyée au Conseil départemental, mais ses espoirs, une fois de plus, pourraient être déçus, à cause d'une caractéristique du terrain, pentu... Ce dénivelé pourrait lui mettre des bâtons dans les roues. Malgré tout, le premier adjoint y croit, en s'appuyant sur les 80% des habitants qui attendraient avec impatience, dit-il, le fameux pylône.
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