Cet article date de plus de huit ans.

Selfie avec Jean-Marie Le Pen : que risque-t-on à diffuser sur les réseaux sociaux une photo sans autorisation ?

Jean-Marie Le Pen attaque le danseur Brahim Zaibat, qui a posté une photo de lui sur Facebook. Francetv info a demandé à l'avocat Romain Darrière ce que l'on risque à diffuser une photo prise sans autorisation.

Article rédigé par Marthe Ronteix
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jean-Marie Le Pen attaque le danseur Brahim Zaibat pour ce selfie pris dans un avion, selon l'hebdomaire "Public (BRAHIM ZAIBAT)

Jean-Marie Le Pen n'est pas fan des selfies pris à son insu. Le fondateur du Front national attaque en justice le danseur Brahim Zaibat pour avoir posté un selfie sur Facebook, le 12 décembre, soit la veille du premier tour des élections régionales. Une photo que l'artiste a accompagnée du message : "Mettez-les KO demain en allant tous voter. Pour préserver notre France fraternelle !!!".

L'européduté, qui apparaît endormi dans un avion sur le cliché, accuse le danseur "d'avoir nui à son image et d'avoir contribué pour beaucoup dans la défaite" du FN, d'après l'hebdomadaire people Public. Selon son site, Brahim Zaibat est convoqué le 22 janvier devant la justice. Mais que risque-t-on vraiment à diffuser une photo prise sans autorisation sur les réseaux sociaux ? Francetv info a posé la question à Romain Darrière, avocat spécialisé dans les droits d'internet.

Francetv info : Que risque-t-on à diffuser des photos de personnes sans autorisation sur les réseaux sociaux ?

Romain Darrière : On peut être attaqué en justice pour atteinte au droit à l'image. C'est ce qui est protégé par l'article 9 du Code civil, qui affirme que "chacun a droit au respect de sa vie privée". Pour qu'il y ait une atteinte à ce droit, il faut que l'image soit rendue publique. Si elle reste dans la sphère privée, son auteur ne risque rien. Mais si elle est publiée, peu importe que ce soit dans la presse ou sur internet, l'atteinte est la même aux yeux de la loi.

Pour ce qui est de la condamnation, on ne parle ni d'infraction ni de délit parce que tout se déroule dans un cadre civil. Le plaignant peut seulement réclamer le versement de dommages et intérêts. En général, l'auteur de la photo doit verser entre 4 000 et 5 000 euros en plus du retrait de l'image. Même s'il s'agit d'une personne connue, on va rarement au-delà de 15 000 ou 20 000 euros.

Quels sont les critères à respecter pour ne pas être en tort ? 

Il en existe quatre, mais un seul suffit pour être attaqué en justice. Le plus important : il faut demander l'autorisation de la personne photographiée. Celle-ci doit donner son accord écrit ou oral. Ce qui ne semble pas être le cas pour Jean-Marie Le Pen, qui dort sur la photo.

Ensuite on s'intéresse au contexte de la photo. Si la personne a donné son accord pour la prise de vue, mais que la publication du cliché est accompagnée d'un message malveillant, alors l'article 9 du Code civil peut être invoqué. Il en est de même si la personne apparaît dans une situation qui porte atteinte à sa dignité ou à son intimité. Si la photo est ensuite utilisée dans un contexte commercial ou à but lucratif, dans une publicité par exemple ou pour illustrer une situation dégradante, on est encore dans l'atteinte au droit à l'image. 

Et, dernier élément mais non des moindres, il ne faut pas que le cliché viole la vie privée de la personne concernée, qu'elle soit connue ou non. Par vie privée, on entend le droit à la vie sentimentale et à la vie familiale, au secret relatif à la santé et au secret de la résidence et du domicile.

Ce genre de plainte est-il fréquent ?

Oui, c'est quelque chose qui arrive assez souvent, mais le plaignant ne gagne pas toujours. Récemment, j'ai défendu un dossier dans lequel un policier municipal attaquait la SNCF pour avoir publié des photos de lui sur son site internet. Il avait bien donné son autorisation pour que des clichés soient pris, mais ils ne devaient être diffusés qu'au sein de l'organisation interne de la SNCF. C'est pourquoi il s'est lancé dans une procédure. Mais nous avons perdu dans ce dossier parce que le tribunal a rappelé que toute photo peut être publiée si elle ne fait pas l'objet d'un message malveillant et qu'elle a une visée informative [l'image a été publiée pour illustrer les échanges entre l'Ecole nationale de la sûreté de la SNCF et la police municipale]. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.