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La justice française se déclare compétente pour juger Facebook

Facebook a été assigné par un internaute qui se plaint d'avoir vu son compte censuré après la publication d'une photo de "L'Origine du monde", le tableau de Gustave Courbet représentant un sexe féminin.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le tableau "L'Origine du monde", de Gustave Courbet, est conservé au musée d'Orsay à Paris, depuis 1995. (MUSEE D'ORSAY / WIKIMEDIA COMMONS)

Le statut de Facebook n'a pas influencé la justice. Le tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré, jeudi 5 mars, compétent pour juger le réseau social américain dans un conflit l'opposant à un internaute. Le géant du net prétendait n'avoir de compte à rendre qu'à la justice américaine. Voici ce qu'il faut savoir pour comprendre cette affaire. 

Le problème avec "L'Origine du monde"

Le géant américain est assigné en justice par un professeur des écoles, père de trois enfants, qui reproche à Facebook d'avoir bloqué en 2011 son compte où il avait posté une photo du tableau de Gustave Courbet, L'Origine du monde, représentant un sexe féminin. Une représentation que le réseau social considère comme une simple représentation de la nudité, interdite par Facebook, et non comme une œuvre. La photo du tableau de Courbet renvoyait à un lien vers le site de la chaîne Arte

Le plaignant a vu son compte désactivé par "une censure aveugle" la veille de son anniversaire, a dénoncé l'avocat de l'instituteur, lors de l'audience du 22 janvier. Il estime en conséquence avoir subi un préjudice, d’autant que ses mails de réclamation sont restés sans réponse. L'homme "s’est senti associé à une personne qui ne serait pas digne de considération ou qui aurait des mœurs ou des pratiques interdites par la loi", a ajouté l’avocat rappelant que son client, "homme droit, cultivé et très attaché à la transmission du savoir."

Les arguments juridiques de Facebook 

Lors de l'audience de janvier, l'avocate de Facebook a contesté la compétence du tribunal français pour juger cette affaire en expliquant que l'internaute avait accepté, en s'inscrivant sur le site, les conditions générales d'utilisation qui prévoient la seule compétence d'un tribunal américain pour trancher les litiges.

Me Caroline Lyannaz a également réfuté l'idée que le réseau social puisse relever du droit de la consommation français car, a-t-elle fait valoir, "le service est gratuit" et c'est l'internaute qui prend l'initiative d'ouvrir un compte.

La réponse de l'avocat de l'internaute

"Si je comprends bien et si l'on suit votre logique, aucun des 22 millions d'usagers de Facebook en France ne pourra jamais saisir une juridiction française civile en cas de litige", avait dénoncé l'avocat de l'internaute, Me Stéphane Cottineau, en évoquant "une clause abusive".

Ce qu'en dit la justice

Comme le défenseur de l'internaute, le tribunal juge notamment "abusive" cette clause exclusive de compétence, obligatoirement signée par tous les utilisateurs de Facebook. Cette dernière désigne un tribunal de l'Etat de Californie, où siège l'entreprise, comme étant le seul habilité à trancher les litiges.

Interrogé par l'AFP, l'avocat de  l'utilisateur banni de Facebook s'est félicité de cette "vraie victoire" : "C'est une première manche gagnée par David contre Goliath. Compte-tenu de l'aura du TGI [tribunal de grande instance] de Paris, cette décision va faire jurisprudence pour les autres réseaux sociaux et autres géants du net qui utilisent l'implantation à l'étranger de leur siège social, principalement aux Etats-Unis, pour tenter d'échapper à la loi française".

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