Cet article date de plus de trois ans.

Cinq questions sur l'incendie du centre de données OVHcloud à Strasbourg

Plusieurs sites internet, comme celui du Centre Pompidou ou du club de rugby ASM Clermont Auvergne, ont été mis hors ligne et des pertes de données sont redoutées.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le centre de données incendié d'OVHcloud, le 10 mars 2021 à Strasbourg (Bas-Rhin). (PATRICK HERTZOG / AFP)

Internet brûle. Un gigantesque incendie a ravagé, mercredi 10 mars, l'un des quatre centres de données de l'entreprise OVHcloud installés à Strasbourg (Bas-Rhin). La destruction de ces serveurs a entraîné la mise hors-ligne de plusieurs sites internet, en France et dans le monde, dont celui du Centre Pompidou ou du club de rugby de Clermont-Ferrand.

Franceinfo fait le point sur ce fait-divers qui rappelle la réalité toute matérielle de nos réseaux de communication virtuels.

1Qu'est-ce qu'OVHcloud ?

Fondée en 1999 sous le nom d'OVH, l'entreprise OVHcloud avait commencé par faire de l'hébergement de sites internet, avant de se lancer dans les services "cloud" (stockage de données externalisé) pendant la décennie 2010. Avec quelques rares autres acteurs, cette société porte les espoirs du cloud européen face aux géants américains et chinois de ce secteur devenu stratégique pour l'économie numérique. Elle avait annoncé lundi se préparer à une éventuelle introduction en Bourse. Le groupe compte 2 450 collaborateurs, dont la moitié en France, et 32 centres de données dans le monde, pour un chiffre d'affaires de 600 millions d'euros en 2019.

2Que s'est-il passé ?

L'incendie s'est déclaré à 00h47 dans l'un des quatre centres de données d'OVHcloud installés dans la zone industrielle de Port du Rhin, à l'est de la capitale alsacienne, non loin de la frontière allemande. Il a mobilisé d'importants moyens de secours, dont 115 sapeurs-pompiers et 44 engins, des fonctionnaires de police et des agents de la sécurité civile, ainsi que des moyens opérationnels allemands.

"Le feu s'est rapidement propagé dans le bâtiment. On a mis en place un important dispositif hydraulique, à l'aide d'un bateau-pompe de grande puissance [qui a prélevé l'eau du Rhin], pour éviter la propagation aux bâtiments attenants", a déclaré à l'AFP Damien Harroué, commandant des opérations de secours. Outre les planchers en bois, ont également brûlé "des matières plastiques, ça génère des fumées importantes et des flammes", a-t-il ajouté. Peu avant 7 heures, la préfecture a annoncé que le feu était "circonscrit", saluant la "forte mobilisation" des soldats du feu.

Des investigations ont été lancées pour découvrir l'origine du sinistre. Selon une source proche du dossier citée par l'AFP, "les premiers éléments de l'enquête (...) font penser à un départ de feu accidentel""L'enquête a été confiée à la sûreté départementale du Bas-Rhin", a-t-on ajouté.

3Quels sont les dégâts matériels ?

L'incendie n'a fait aucun blessé, mais les dégâts matériels sont importants. Selon le bilan dressé par OVH, les flammes ont détruit le centre de données SBG2, épicentre de la catastrophe, et endommagé un tiers du centre voisin, SBG1. Les deux autres centres de données n'ont pas été touchés, simplement débranchés par précaution.

Les sapeurs-pompiers ont réalisé des tests de pollution dans l'atmosphère, qui ont permis d'écarter tout risque de contamination. Le site d'OVHcloud, installé sur une parcelle anciennement occupée par ArcelorMittal, n'est pas classé Seveso, contrairement à d'autres sites de la zone industrielle.

4Des données ont-elles été définitivement perdues ?

L'incendie et la coupure de courant qui l'a accompagné ont eu des répercussions bien au-delà des frontières françaises, affectant selon OVH de "12 000 à 16 000 clients". Jeudi, plusieurs sites internet sont toujours hors ligne. OVHcloud a toutefois indiqué ne pas être encore en mesure de confirmer d'éventuelles pertes définitives, arguant que, en fonction des sauvegardes, "il existe autant de possibilités que de clients".

Les clients contactés par franceinfo sont eux aussi dans le flou, dans l'attente du redémarrage des serveurs. "Les dégâts, pour l'instant, on n'en sait rien. A moyen terme, nous n'avons plus de site internet, explique Aurélien Perrin, directeur de la communication et du développement de l'ASM Rugby. Nous espérons un rétablissement pour la fin de la semaine, même si ce n'est pas catastrophique parce que nous n'avons pas de matchs cette semaine et que les joueurs sont en vacances". L'une des fonctions importantes du site, la billetterie, est de toute façon inutile en cette période de Covid-19.

Fondateur de Final Fantasy Ring, un site d'information sur le studio de jeux vidéos Square Enix, Bastien Péan attend également d'être fixé. "Mon site est sur le bâtiment SBG1, j'ai donc deux chances sur trois d'avoir une bonne surprise", explique-t-il. Ce site, qu'il a lancé adolescent et qui ne lui rapporte aucun revenu, ne disposait pas d'une sauvegarde récente. "C'est potentiellement un an de travail qui est détruit, mais la faute est de mon côté : OVH propose des systèmes de 'backup' automatique, pour lesquels je n'ai pas opté", resitue-t-il.

Sur Twitter, le jeu de survie en ligne Rust a annoncé que certains joueurs devraient recommencer leur partie à zéro : leurs progressions étaient stockées dans les serveurs touchés et "ne pourront pas être restaurées"

Des sauvegardes, le conseil départemental des Hautes-Pyrénées en avait fait régulièrement. "Nous avons eu une interruption de quelques heures mais notre prestataire a ensuite fait héberger notre site dans un autre centre de données", géré par une autre entreprise qu'OVH, explique-t-on au département. Seules les mises à jour de la journée de mardi ont été perdues.

5Comment réagit OVH ?

Sur son site, comme sur Twitter, l'entreprise a énormément communiqué depuis le début de l'incident, notamment par l'intermédiaire de son PDG, Octave Klaba. Dans un message publié sur le réseau social, ce dernier a présenté ses excuses aux clients touchés, indiquant que la journée de mercredi "avait été la pire de ces 22 dernières années". "Il n'y a pas de mots assez forts pour dire à quel point je suis désolé", a-t-il assuré.

Pour répondre à la crise, l'entreprise dit avoir réservé, gratuitement"des infrastructures sur [ses] autres datacentres pour les clients impactés". Octave Klaba précise sur Twitter qu'OVHcloud prévoit de rédémarrer les centres SBG1 et SBG4 le 15 mars et SBG3, le 19. Jeudi matin, des travaux de nettoyage et de sécurisation ont débuté sur le site.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.