Histoire : le scandale des faux orphelins de La Réunion
Notre dossier concerne une histoire méconnue, celle des enfants réunionnais transférés en métropole. C'était dans les années 60 et 70. L'Etat français leur promettait l'accès a l'éducation. Ils n'en sontjamais repartis, malgré les promesses qui leur avait été faites.
Lorsqu'il feuillette son album d'enfance à La Réunion, Jean-Charles Pitou n'a que quelques photos. 1964, c'est l'année où ses parents divorcent. Les enfants sont placés à la DDASS de St-Denis de La Réunion. Quelques jours plus tard, son destin bascule.
On nous a réunis dans le réfectoire. Ils nous ont explique qu'on partirait en Métropole pour apprendre un métier et pour faire de nous des gens bien.
C'était quoi des gens bien.
Pour nous, c'était par ex. être avocat, huissier, médecin. Ils nous ont promis de revenir très souvent pour revoir notre famille. Et depuis, on attend le billet de retour. Ça fait plus de 40 ans.
Au début des années 60, La Réunion est pauvre et surpeuplée. La moitié de la population a moins de 20 ans. Le nouveau député de l'île, Michel Debré, pense tenir la solution: envoyer les enfants réunionnais confiés à la DDASS.
Chers compatriotes, je connais et en Métropole, on connaît vos difficultés.
En 12 ans, celui que les locaux appellent papa Debre va ainsi organiser le départ de 1613 enfants. Jean-Charles se souvient de son arrivée à l'orphelinat religieux dans le Cantal, en 1966.
Quand on est arrivés en France, on avait froid. On pleurait entre nous. On se disait pourquoi on est là. Qu'est-ce qu'on a fait.
Vous n'aviez aucune nouvelle de votre famille.
Pendant 10 ans, non.
Dans les foyers d'accueil du Cantal et de la Creuse, les enfants sont logés, nourris, apprennent à lire et écrire. L'apprentissage se fait à la ferme, où ces jeunes Reunionais sont une main-d'oeuvre gratuite. En 1968, des assistantes sociales donnent l'alerte : tentatives de suicide, mal du pays.
On leur a occulte leur adolescence. A cette époque de la vie, on a besoin de la cellule familiale.
Vous avez essaye de faire quelque chose pour eux.
Oui, j'ai essayé, mais ça n'a pas toujours réussi.
Il demande à la préfecture un avion militaire pour amener les enfants en vacances a La Réunion. En vain. Ce n'est pas prévu par les textes administratifs. Le recrutement des enfants continue. Après les orphelins, la DDASS cible les pauvres, promettant aux parents un bel avenir pour leurs enfants.
Ils ne savaient ni lire ni écrire. Ils se retrouves avec des papiers disant que les enfants allaient apprendre un métier. Ils mettaient une croix. Ils ont cru à la promesse.
En 1975, un haut responsable de la santé accuse Michel Debre de déportation d'enfants, et le système prend fin. Pour ce sociologue, l'erreur de l‘Etat doit être replacèe dans son contexte.
On faisait fi de la psychologie de l'enfance. Ce qui n'excuse pas les souffrances des mineurs. On considérait alors qu'il fallait casser les fratries, déculturaliser les enfants. Le Réunionnais qui arrivait devenait un petit Français comme les autres.
Jean-Charles a retrouvé 3 amis d'un foyer. Aucun n'a revu La Réunion, comme la majorité des enfants déplacés. Jean-Charles est retourné à La Réunion à 20 ans, puis chaque année. A l'aéroport de Saint-Denis il assiste parfois à des retrouvailles.
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