Gilles Kepel invité du Soir 3
On va rester dans la région avec notre invité, Gilles Kepel, spécialiste de l'islam, qui est retourné sur le terrain pour "Passion Arabe", sorti cette semaine chez Gallimard. Un périple post-révolution en Tunisie, en Egypte, mais aussi en Syrie et en Arabie Saoudite, tenu comme un journal. Que reste-t-il des aspirations démocratiques jaillies en 2010.
G. Kepel : C'est un bilan très contrasté. Au moment où les tyrans sont tombés, d'immenses aspirations de liberté, de justice sociale sont apparues. Aujourd'hui, il y a quelques restrictions, mais on peut s'exprimer beaucoup plus qu'autrefois. En revanche, la justice sociale ne s'est absolument pas produite. En Tunisie et en Egypte, on a de plus en plus de déshérités, qui rejoignent pour certains d'entre eux les rangs salafistes. Et les révolutions sont largement prises en otage du grand conflit qui se construit au lendemain de ces révolutions, à savoir le conflit irano-arabe, et le conflit entre les sunnites et les chiites. Aujourd'hui, Israël est objectivement allié à l'Arabie saoudite et au Qatar contre l'lran. Le grand enjeu, c'est ce qui se passe en Syrie, où Israël joue un jeu particulier, bombardant le Hezbollah et faisant le jeu de l'opposition syrienne.
P. Loison : Les gens qui ne regardent voient ces fameux à qui on demande de remettre le voile, la difficulté, la mainmise des extrémistes islamistes. Que peut-on leur dire pour les rassurer.
G. Kepel : Il y a eu trois grandes phases. La première, c'était la chute des despotes. La deuxième, après les enthousiasmes du départ, ce sont les partis structurés, islamistes, comme les Frères musulmans, qui ont mis leur appareil au service de la conquête du pouvoir. Troisième phase, ils se trouvent au pouvoir mais ils ne peuvent pas assurer économiquement.
Il y a donc une réaction, des gens qui descendent dans la rue aujourd'hui en Egypte. Ennahda est en chute libre en termes de popularité. Et il y a maintenant des partis laïcs, de société civile, qui réclament des gouvernements plus équilibrés, et d'autre part des mouvements salafistes qui essayent de tirer parti des angoissés des déshérités pour demander un durcissement de la situation.
P. Loison : C'est ce mélange qui est passionnant et qui constitue votre ouvrage.
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