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Un sondage TNS Sofres paru samedi suggère que la burqa n'est pas une priorité des Français

Alors que le gouvernement s'apprêterait à décréter la procédure d'urgence pour faire adopter la loi anti burqa révélait Libération vendredi, une étude de la Sofres montre que les Français sont divisés.1/3 des personnes interrogées sont favorables à l'interdiction totale, 1/3 préfère une interdiction partielle, 1/3 ne souhaite pas d'interdiction.
Article rédigé par France2.fr
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Le port du voile intégral dans une rue de Roubaix (F3NPDCP)

Alors que le gouvernement s'apprêterait à décréter la procédure d'urgence pour faire adopter la loi anti burqa révélait Libération vendredi, une étude de la Sofres montre que les Français sont divisés.

1/3 des personnes interrogées sont favorables à l'interdiction totale, 1/3 préfère une interdiction partielle, 1/3 ne souhaite pas d'interdiction.

Autre enseignement de l'étude, si le sujet de la burqa est jugé important voire prioritaire par 53% des Français, à l'inverse, 45% des personnes interrogées estiment que c'est un sujet secondaire ou dont on ne devrait pas s"occuper.

Côté gouvernement, l'heure n'est cependant plus aux atermoiements. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a tranché en faveur d'un projet gouvernemental plutôt qu'à la proposition parlementaire de Jean-François Copé, souhaitant que la soit votée avant l'été et de peur que le texte ne s'enlise au Parlement.

Calendrier serré
La fenêtre de tir est en effet ténue. Sachant qu'un délai de six semaines entre le passage d'un texte en Conseil des ministres et le début son examen par le Parlement est obligatoire, et que la navette entre l'Assemblée nationale et le Sénat jusqu'à l'adoption en termes identiques du projet de loi -sans compter l'éventuelle réunion de la commission mixte paritaire - prend au moins deux mois, on mesure bien l'impasse.

Et ce, même si le texte est présenté en conseil des ministres dès courant mai comme l'a indiqué Luc Chatel, porte-parole du gouvernement. La seule solution est donc déclencher la procédure d'urgence qui ne nécessite qu'une seule lecture du texte à l'Assemblée et au Sénat avant réunion de la commission mixte paritaire.

Si François Fillon veut lui aussi vite, Matignon interrogé par le journal Libération a répondu que la décision quant aux modalités n'était pas tranchée. Il s'est cependant dit "prêt à prendre des risques juridiques" lors d'une visite dans les Yvelines, en allusion aux réserves émises fin mars par le Conseil d'Etat sur une interdiction de la burqa.

Seule précaution, le gouvernement présentera son texte en Conseil des ministres après avoir consulté les partis et les groupes politiques, et naturellement, les autorités morales et religieuses", indiqué Luc Chatel.

Une précaution opportune tant "la procédure d'urgence" pourrait bien agacer certains élus de la majorité, déjà passablement irrités par la place prise par l'exécutif dans l'agenda parlementaire.

En outre, à droite comme à gauche, les avis sont partagés quant à l'opportunité d'une loi et son périmètre.

Réactions politiques

Pierre Moscovici, député PS, a jugé jeudi que le projet d'interdire totalement dans l'espace public le voile intégral était un "passage en force face à la Constitution" et qu'il s'agissait d'une "loi de stigmatisation" risquant d'être "inapplicable".

Jean-Christophe Cambadélis, député PS de Paris, a fustigé jeudi sur i-Télé le projet gouvernemental sur le voile intégral. "Pour moi, la question de la burqa, du voile intégral, c'est une faute intégrale, c'est un défaut d'appréciation. La France n'est pas aujourd'hui, et heureusement, menacée par une vague islamiste qui se cacherait derrière le voile."

Gérard Collomb, sénateur-maire PS de Lyon, votera contre le projet, a-t-il déclaré jeudi sur LCI. Mercredi, il a estimé sur Public Sénat que la loi "sera inapplicable. Je connais un certain nombre des policiers lyonnais qui me disent aujourd'hui: 'Nous, on va aller dire aux gens sur tel ou tel marché, par exemple à Vénissieux, vous allez enlever votre burqa. Difficile à faire appliquer!'. Lorsque c'était par exemple sur les lieux publics, là évidemment on pouvait faire appliquer. Sur l'espace public, ça, ça devient extrêmement difficile."

Jean-François Copé satisfait
Le chef de file des députés UMP Jean-François Copé plaidait pour une proposition de loi, afin notamment d'accélérer le processus d'adoption du texte. En outre, une proposition de loi évitait le passage devant le Conseil d'Etat. "L'important pour nous, c'était d'obtenir gain de cause sur le périmètre d'interdiction", a-t-on assuré dans l'entourage de Jean-François Copé. Ce dernier s'est donc félicité de l'arbitrage rendu par le président Sarkozy, mercredi matin lors du petit déjeuner de la majorité à l'Elysée, rappelant "qu'à un moment, on avait pourtant tout l'orchestre contre nous", a-t-on ajouté de même source.

Nadine Morano, secrétaire d'Etat UMP à la Famille, a estimé jeudi sur France Info que l'interdiction de la burqa, voulue par le gouvernement, vise à protéger "la dignité de la femme" et s'appliquera également aux étrangères se rendant en France. "Nous avons fait le choix de respecter un principe, celui de la dignité de la femme (...) parce que le voile intégral nie la présence même de la femme dans la sphère publique."

Dominique de Villepin, ancien Premier ministre de Jacques Chirac, a jugé jeudi que la "surenchère sécuritaire" de Nicolas Sarkozy était "terriblement dangereuse" car elle risquait d'entraîner des "provocations", faisant allusion à divers thèmes de société dont celui de la burqa. Appelant à être "à la fois très exigeant et prudent", il a ajouté: "En ce qui concerne notre législation, il ne faut pas le faire sur le coup de la passion, de l'émotion. La décision d'une interdiction générale ne me paraît pas conforme aux besoins, je crois qu'il faut éviter de surréagir dans ce domaine."

Bernard Accoyer, président UMP de l'Assemblée nationale, a souhaité mercredi sur France Info que le gouvernement n'utilise pas la procédure d'urgence lors de l'examen au Parlement du projet de loi visant à une interdiction générale du voile intégral, prônant une procédure "non accélérée", "sereine". "Il faut résoudre cette question, il n'y a pas d'urgence à quelques semaines près. Prenons le temps du débat, recherchons le consensus républicain pour aboutir à ce que cette pratique cesse sur le territoire de la République", a-t-il ajouté, précisant que le président du Sénat Gérard Larcher était "sur la même ligne" que lui.

André Gerin, député PCF du Rhône et président de la mission parlementaire sur le voile intégral, s'est réjoui mercredi sur RTL de la décision du gouvernement de présenter un projet de loi d'interdiction générale qui permettra "une vraie discussion au Parlement": "Je me réjouis que le gouvernement ait pris cette décision de projet de loi dans la continuité de la mission parlementaire (...) J'ai toujours été convaincu que l'on peut interdire dans l'espace public en général le fait d'avoir le visage couvert. Ca ne concerne pas seulement la question du voile intégral. Ca va être quelque chose d'important pour nouer le dialogue avec l'ensemble des musulmans et combattre les dérives communautaristes et intégristes."

Marine Le Pen, vice-présidente du FN, a qualifié jeudi de "nouvelle loi publicitaire" le projet de loi. "Après une série d'annonces sur la sécurité qui n'ont provoqué rien d'autre que l'hilarité générale, Nicolas Sarkozy continue d'amuser la galerie en annonçant aujourd'hui une loi d'interdiction de la burqa (...) Le vote de cette loi n'a qu'un objectif : continuer de mentir aux Français et de leur faire croire que Nicolas Sarkozy est volontariste."

Autres réactions
Le Médiateur de la République est contre

Jean-Paul Delevoye s'est déclaré opposé mercredi au principe d'une interdiction générale du port du voile intégral dans l'espace public, désormais envisagé par le gouvernement après l'arbitrage rendu par Nicolas Sarkozy. "J'aime la loi, j'aime pas l'interdiction générale", a dit sur RMC le médiateur, qui est également maire UMP de Bapaume (Pas-de-Calais). "Je pense que le Conseil d'Etat a donné une notion assez intéressante qui consiste à dire qu'il conviendrait dans certains lieux, à certains moments d'interdire le port du voile intégral (...) Je ne sais pas comment on va faire avec les Saoudiennes qui viennent acheter sur les Champs Elysées, par exemple", a ajouté Jean-Paul Delevoye, considéré comme proche de Jacques Chirac.

SOS Racisme déplore un "simplisme populiste"
SOS Racisme s'étonne que le gouvernement propose une loi d'interdiction totale du voile intégral dans l'espace public qui serait "contraire à la Constitution et à la Convention européenne des Droits de l'Homme" et parle de "simplisme populiste", dans un communiqué mercredi. Selon l'association, elle "montre que le débat sur la burqa, bien loin de s'intéresser au sort des femmes qui seraient victimes de cette pratique, est empreint d'une logique populiste contraire aux valeurs du vivre ensemble que chacun prétend pourtant défendre".

Ni Putes ni Soumises salue le projet de loi
"C'est la victoire des femmes, c'est le début d'une nouvelle page pour l'émancipation des femmes des quartiers populaires à qui on va proposer autre chose que l'enfermement ou la mort sociale", a déclaré Sihem Habchi, la présidente de NPNS. Elle incite d'ailleurs les parlementaires "à venir sur le terrain pour voir ce que le renoncement politique a fait dans les quartiers et comment l'islam a été instrumentalisé".

Les différents voiles islamiques

Le voile, dont des femmes musulmanes à travers le monde se couvrent la tête en totalité ou en partie se décline en différentes versions et se retrouve dans de nombreuses traditions, bien au-delà de l'islam. Le port du voile pour les femmes est attesté depuis l'Antiquité, par exemple chez les juifs dans la Bible et chez les Arabes bien avant l'avènement de l'islam.
Dans des champs de fleurs de safran dans le nord-est de l'Iran (AFP - BEHROUZ MEHRI)

Le terme hidjab vient la racine arabe hajaba, qui signifie "cacher", "dérober aux regards", "mettre une distance". Ce voile cache les cheveux, les oreilles et le cou, ne laissant voir que l'ovale du visage. Promu par les Frères musulmans, il est souvent complété par une tunique ou un imperméable. Il s'est généralisé dans le monde musulman, remplaçant les tenues traditionnelles comme le "haïk" en Afrique du Nord, grande pièce de laine ou de coton qui dissimule les formes du corps et voile le visage.

Le voile s'appelle aussi lithâm (cache-nez) ou encore khimâr, terme générique qui désigne tout ce qui couvre la tête: mantille, châle ou écharpe.

La burqa est à l'origine le vêtement traditionnel des tribus pachtounes en Afghanistan. Ce long voile, bleu ou marron, couvre complètement la tête et le corps, un grillage dissimulant les yeux. Cette tenue était devenue aux yeux du monde le symbole du régime des talibans en Afghanistan, qui l'avaient rendue obligatoire. Mais elle est loin d'avoir disparu après leur chute en 2001.

Dans les pays arabes, le niqab, voile intégral complété par une étoffe ne laissant apparaître qu'une fente pour les yeux, s'est répandu sous l'influence de l'islam wahhabite, surtout en milieu urbain. Certaines femmes y ajoutent des lunettes de soleil et des gants, voire un masque.

Le tchador, en Iran, est un vêtement traditionnel porté essentiellement aujourd'hui par les pratiquantes. Il s'agit d'une grande pièce de tissu posée sur la tête, laissant apparaître l'ovale du visage, tenue fermée à l'aide des mains, voire des dents si la femme a besoin d'utiliser ses bras. Le port du tchador n'est pas obligatoire en République islamique. Pour autant, toutes les femmes, qu'elles soient Iraniennes ou étrangères, doivent porter un voile couvrant leurs cheveux.

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