Cinq ans de prison avec sursis pour la mort de sa femme atteinte d'Alzheimer
CRETEIL - Ils "s'aimaient" mais la maladie "détruisait" leur couple. Un retraité de 79 ans était jugé depuis mardi devant la cour d'assises du Val-de-Marne pour avoir frappé à mort son épouse, qui souffrait d'Alzheimer.
"5 juin, elle a pris la fuite comme d’habitude. Comportement de folle. Idées destructives. Elle ne voit ni mon amour ni mon désir." Tout est consigné, les disputes et les moments de paix : huit ans du quotidien d'un couple, Gabriel Armandou et Paulette, malade d’Alzheimer. Leurs dernières années.
"9 avril, nouvelle dispute pour ses draps qui devaient être changés. Comme d’habitude, elle fait la tête et ne veut rien savoir. Ne veut ni manger ni faire la cuisine, glisse ses clés dans la boîte aux lettres. Retrouvée assise sur un banc." Gabriel Armandou fait front face à la maladie qui transforme petit à petit Paulette. Jusqu’à cette soirée du 13 septembre 2008 : à bout de patience, dans un accès de colère, le mari frappe sa femme à mort.
Jugé mardi 19 et mercredi 20 juin devant la cour d'assises du Val-de-Marne, à Créteil, pour avoir volontairement commis sur sa femme des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, Gabriel Armandou a été condamné à cinq ans de prison avec sursis. L'avocat général avait requis six ans de prison contre ce retraité de 79 ans. Il encourait vingt ans de réclusion.
"J'ai craqué"
Quand les pompiers arrivent chez lui le soir du 13 septembre 2008, Paulette gît inanimée, presque nue, sur le sol de la salle de séjour. Elle a le visage tuméfié, de nombreuses traces de coups sur le corps. Un manche à balai taché de sang est retrouvé sur les lieux. Le mari reconnaît les faits. "J'ai craqué", dit-il.
Quatre ans plus tard, sur le banc des accusés, Gabriel Armandou essaye encore de comprendre : "Ma femme est morte et je l'aimais", lâche-t-il dans un sanglot à la fin de la première journée de son procès. "Il n'y a pas un jour où, assis dans mon fauteuil, je ne la revois pas par terre. Et c'est moi qui l'ai fait."
"On voulait se débrouiller seuls"
Tous deux s'étaient rencontrés à la fin des années 1950 au volant d'une voiture. Lui était moniteur d'auto-école. Elle, son élève. Ils s'étaient promis de ne jamais laisser l'autre finir ses jours dans une institution.
"On voulait se débrouiller seuls", précise-t-il. "Elle serait morte en prison", continue son fils Jean-Philippe lors du procès. "Vous voulez dire en maison ?", reprend la présidente de la cour. Il acquiesce. Pour le couple Armandou, c'était à la vie, à la mort, pour le meilleur et pour le pire. "Gabriel Armandou avait fait la promesse à sa femme de la soutenir et de l'aider jusqu'à la fin. Il fait partie d'une génération où on ne sollicite pas d'aide extérieure", a déclaré à la presse son avocat.
"Je ne me doutais pas qu'elle pouvait en arriver à être comme ça"
"Je savais qu'elle était malade, mais je ne me doutais pas qu'une personne pouvait en arriver à être comme ça", a soupiré Gabriel Armandou. Il a sous-estimé la maladie, surestimé ses capacités. "C'est une situation dans laquelle se retrouvent beaucoup d'aidants familiaux", souligne Judith Mollard, experte psychologue auprès de France Alzheimer, interrogée par l'AFP. "On sait que les aidants familiaux risquent de se retrouver dans des situations d'épuisement qui peuvent aboutir à des situations dramatiques", met-elle en garde. "Les conjoints sont 24 h/24 avec les malades. Personne n'est surhumain. Il ne faut pas rester seul, la qualité de la relation affective ne suffit pas", ajoute-t-elle.
Selon l'association, 850 000 personnes sont atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une maladie apparentée, mais seule la moitié des patients sont identifiés. France Alzheimer estime qu'en moyenne, un proche d'une personne atteinte de la maladie lui consacre 6h30 par jour.
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