"Silence vaut accord" : pourquoi la nouvelle règle de l'administration est un casse-tête
Le principe, censé simplifier les rapports entre les usagers et l'administration, est assorti de nombreuses exceptions qui nuisent à sa lisibilité.
Simplifier n'est pas chose aisée. Le principe "silence vaut acceptation" est l'une des mesures phares du "choc de simplification" voulu par François Hollande et porté par le secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat, Thierry Mandon. Son principe est simple en apparence : jusqu'à présent, une demande adressée aux administrations publiques restée sans réponse au bout de deux mois était considérée comme rejetée. C'est l'inverse depuis mercredi 12 novembre.
La loi sur la simplification des relations entre l'administration et les citoyens, adoptée il y a un an jour pour jour, prévoit que "le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation". Par exemple, une demande d'inscription à l'université sera considérée comme acceptée si elle n'a pas fait l'objet d'un refus dans les deux mois. Quelques 1 200 actes administratifs sont concernés par cette mesure, recensés dans un document quelque peu indigeste.
Problème : la règle souffre de nombreuses subtilités. Francetv info vous explique pourquoi au final, la réforme risque de compliquer la donne.
Parce que les délais sont très variables
Dès que l'on rentre dans le détail, tout se complique. Car à regarder de plus près le document publié par le gouvernement, le délai dans lequel l'administration est censée donner sa réponse n'est pas toujours de deux mois.
Ainsi, pour une demande de dérogation à la carte scolaire lors de l'inscription d'un élève, l'administration dispose de trois mois pour rendre une réponse. En matière de permis de construire, ce délai est de cinq mois. Bref, pour chaque demande, le délai diffère.
Parce que l'exception est la règle
L'exception confirme la règle, dit l'adage. Dans le cas du principe "silence vaut acceptation", c'est un véritable inventaire à la Prévert. Si vous pensiez pouvoir arrondir vos fins de mois en réclamant de l'argent à l'Etat (en espérant que celui-ci "oublie" de vous répondre), c'est raté. Le principe ne s'applique pas aux demandes présentant un caractère financier, précise la loi.
Autre subtilité : cette nouvelle procédure ne s'applique pour le moment qu'aux administrations d'Etat et à leurs établissements publics. Pour les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale, il faudra attendre un an supplémentaire.
Ce n'est pas tout. Plus de 700 exceptions au principe "silence vaut acceptation" sont recensées. Pour les parcourir, il faut s'armer de courage car elles sont contenues dans une trentaine de décrets publiés au Journal officiel le 1er novembre. Pour toutes ces demandes, l'absence de réponse sous deux mois (ou dans un délai précisé par le décret) restera synonyme de refus.
Parce que la mise en œuvre s'annonce délicate
In fine, cette "simplification" risque d'être particulièrement indigeste au sein même des administrations, qui doivent ingurgiter cette masse de textes réglementaires. Sans compter les nombreux contentieux qui pourraient naître de l'application de ces nouvelles règles. Durant la discussion parlementaire, il y a un an, le député apparenté PS Yves Goasdoué avait mis en garde contre le risque de "se retrouver avec des décisions implicites d'acceptation illégales".
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