Si le principe des primaires a bien été validé par les ténors socialistes, leur mise en oeuvre est un terrain "miné"
En théorie, la procédure de désignation d'un leader vise à en finir avec la guerre des courants et la bataille des égos.
Mais en pratique, les socialistes pourraient bien continuer à se déchirer sur les questions à trancher notamment, le collège : qui vote ? Les militants, les sympathisants, les Français.
Autres paramètres à déterminer, le calendrier. Faut-il lancer la procédure avant les régionales de mars 2010 ou après ? Qui peut concourir ? Et quid des problèmes techniques et autres risques de fraude ?
Et si l'on considère que parmi les plus ardents promoteurs des primaires, des voix dissonantes, sur fond d'ambition personnelle, se font déjà entendre chez les éléphants du PS, on mesure le chantier qui s'ouvre au parti.
La prudente prise de position de Martine Aubry
Dans son discours d'ouverture de l'université d'été, promettant de rénover le PS "de A à Z, ou plutôt de C comme cumul des mandats à P comme primaires", le premier secrétaire a évoqué un vote "probablement au premier semestre 2011".
Dans son esprit, il s'agit d'ouvrir le scrutin aux militants du PS et aux sympathisants de toute la gauche mais pour adouber le seul candidat du PS. Martine Aubry n'a toutefois pas totalement fermé la porte à l'éventualité d'une compétition entre candidats venus de tous les partis.
Derrière les questions de calendrier, des candidats en embuscade
Parmi les premiers à militer ouvertement pour les primaires ouvertes à gauche en vue de l'élection présidentielle de 2012, avec Arnaud Montebourg, Vincent Peillon souhaite que les militants socialistes soient "saisis très rapidement". Il estime que le candidat de la gauche devrait être désigné "au début du second semestre 2011". "Il ne faut pas faire les primaires contre quelqu'un, il faut le faire pour", a dit Vincent Peillon, qui officiellement ne brigue pas de candidature.
François Hollande, qui lui se prépare à être candidat à la candidature, presse la direction pour fixer les modalités de la procédure le plus rapidement possible afin que "les uns et les autres ne puissent pas brandir leurs idées indéfiniment" en pleine campagne des régionales. L'ex premier secrétaire est par ailleurs pour limiter le choix des prétendants à des candidats socialistes et plaide pour un scrutin à deux tours.
"L'élection présidentielle ce n'est pas un jeu de société. Il ne faut pas qu'un jeu de rôles s'engage à travers la France. C'est quand même pour diriger le pays et battre Nicolas Sarkozy", explique l'ancien premier secrétaire.
L'eurodéputé Stéphane Le Foll et le député Bruno Le Roux, proches de M. Hollande, se sont inquiétés des modalités d'une consultation militante le 1er octobre proposée la veille par la première secrétaire. "S'il s'agit de demander aux militants s'il faut débattre de primaires ouvertes pour désigner le candidat socialiste à la présidentielle, alors on relancera la machine à claques", ont-ils fait valoir.
Laurent Fabius ne dit pas autre chose question "timing" mais vise également Ségolène Royal. "Il faut que le choix ne se fasse pas seulement sur l'habillement ou l'éloquence", a-t-il dit. Il souhaite aussi que la primaire présidentielle ait lieu plutôt à la fin du premier semestre 2011 afin que tous les "grands candidats" puissent concourir.
Proche de Dominique Strauss-Kahn, le député PS du Doubs Pierre Moscovici a estimé mardi que les modalités d'organisation de la primaire présidentielle à gauche ne devaient pas conduire à exclure une éventuelle candidature de l'actuel patron de FMI dont le mandat à la tête du FMI court jusqu'en 2012 et dont un récent sondage, indique qu'il est le candidat PS préféré des Français pour la présidentielle.
M. Moscovici qui n'exclut pas lui-même d'être candidat, a préconisé en conséquence une primaire organisée pas "trop tôt", "entre juin et septembre 2011".
Les partenaires du PS peu enthousiastes par l'idée d'un scrutin multipartite
Particulièrement réservé, Olivier Dartigolles. Pour le porte-parole du PCF, une seule question compte: "Oui ou non, sommes-nous pour la constitution d'un projet à gauche ?" Il met en garde contre une alliance PS-MoDem dont la gauche "ne se relèverait pas".
Au Vieux-Boucau (Landes), à l'université d'été du PCF, la numéro un Marie-George Buffet semble avoir tranché: les primaires, "c'est le chemin de la défaite à gauche".
Côté vert, la secrétaire nationale Cécile Duflot, a appelé plutôt à répondre "à la crise du modèle de civilisation", estimant que "s'inquiéter de questions de tactique et de stratégie" n'était "pas à la hauteur de l'enjeu". "On ne s'en sortira pas par un nouveau meccano électoral", a-t-elle souligné. Mme Duflot était la seule des responsables de gauche (sans compter Mme Buffet retenue au Vieux-Boucau) à ne pas être présente au déjeuner offert par Mme Aubry à "la gauche solidaire". "Non, je ne boude pas", a affirmé la responsable Verts.
Vendredi, Jean-Luc Mélenchon, président du Parti de gauche, a redit son hostilité à des primaires ouvertes, une méthode qu'il juge "contre-productive". "Ce n'est pas parce que les socialistes pensent avoir trouvé la poudre de perlimpinpin pour régler leurs problèmes que pour autant c'est une poudre efficace", a-t-il déclaré. "C'est une machine à diviser, une machine à niveler". Dans L'Humanité, il propose de mettre en avant "l'offre politique de l'autre gauche" en constituant une plate-forme commune conduisant à des candidatures uniques aux régionales de 2010, à la présidentielle et aux législatives de 2012.
Seul satisfait des primaires ouvertes, le président du PRG Jean-Michel Baylet, faisait valoir que son parti avait été le premier en 2006 à déposer une proposition de loi en ce sens. Mais à une condition: que des candidats non socialistes puissent également concourir. "S'il s'agit de désigner le candidat socialiste, alors c'est pas la peine de nous inviter", a-t-il prévenu.
Et le MoDem ?
A ce stade des discussions, la formation centriste se tient en retrait des "primaires ouvertes". "Ces primaires sont faites pour régler la question du leader au PS. Elles ne concernent donc pas le centre", explique Marielle de Sarnez quand on lui demande si François Bayrou devrait figurer parmi les candidats à ces "primaires ouvertes".
"Et puis, en France, l'élection présidentielle est à deux tours, ce qui n'est le cas ni aux Etats-Unis ni en Italie, pays de référence pour les promoteurs de cette idée", ajoute la députée européenne. "On peut donc soutenir l'idée que la meilleure confrontation démocratique avec les Français reste le premier tour."
Sur la question d'éventuelles alliances avec le PS et le pôle Europe-Ecologie en vue des régionales de 2010, Marielle de Sarnez est avant tout pragmatique. Elle se dit "personnellement" favorable à ce que le Modem "affirme d'abord (son) identité et (son) autonomie" et "participe ensuite à des rassemblements plus larges". "Personne ne peut gouverner seul, pas plus une région qu'un pays", poursuit la députée européenne.
"Think tank indépendant, la Fondation Terra Nova entend favoriser la rénovation intellectuelle de la social-démocratie
Engagée en faveur des primaires pour désigner le candidat de la gauche à la présidentielle, la Fondation a édité en août 2008, un essai intitulé " Pour une primaire à la française". Il est le fruit des réflexions d'un groupe de travail, présidé par Olivier Duhamel, et la base même du rapport remis à Martine Aubry par Arnaud Montebourg et Olivier Ferrand, le président de la Fondation.
Cette dernière lance par ailleurs un appel pour une primaire populaire avec l'objectif de 100 000 signataires, un appel qui sera remis aux leaders des partis progressistes.
Les principes de la primaire
Pour surmonter les divisions nées de la primaire, le temps entre la désignation et le début de la campagne présidentielle devrait être suffisant. Idéalement, une primaire en juin 2011 permettrait de se donner l"été selon Terra Nova pour panser les plaies et repartir en septembre pour le combat présidentiel d"avril 2012. Le vote se ferait sur la base d"un scrutin uninominal à deux tours, comme pour la présidentielle.
L"accès à la candidature serait large. L"objectif est que toutes les personnalités légitimes à concourir puissent le faire : les principaux responsables politiques du parti, mais aussi des « outsiders » et des personnalités populaires, la sélection ne devant pas se faire avant, mais pendant la primaire.
Pourrait concourir, toute personne remplissant les conditions d"éligibilité à la présidence de la République, et soutenue par au moins 10% des votants dans l"un des collèges suivants : les parlementaires socialistes, les maires socialistes, les adhérents du Parti socialiste depuis au moins six mois, les membres du conseil national du parti.
La primaire serait ouverte aux sympathisants afin de privilégier l"effet de modernité et de dynamique. Enfin, la clôture de la campagne garantirait la réunification du parti en vue de la campagne présidentielle. Les résultats de la primaire seraient entérinés dans le cadre d"un congrès extraordinaire, constituant un grande rendez-vous symbolique unitaire.
Des écueils à surmonter
Terra Nova l'admet, la primaire ouverte pose des problèmes techniques mais ils peuvent être surmontés. Le plus dur pour la Fondation reste les changements à mener au sein du parti pour mener à bien cette "mini révolution".
Comment éviter le risque de bourrage des urnes en l"absence de listes d"électeurs pré-établies ? Qui prend en charge le coût de la primaire, tant pour leur organisation matérielle que pour la campagne des différents candidats ? Voilà quelques-unes des questions posées.
Mais le point le plus délicat, c'est le problème politique : le rôle des adhérents et donc, in fine, du parti. La Fondation le souligne, une primaire ouverte aux sympathisants priverait les militants de la principale raison de leur engagement au sein d"un parti : la possibilité de choisir, le pouvoir de sélectionner le candidat.
Si l'argument est réel, les exemples étrangers tendent à montrer que les primaires ouvertes ne préfigurent pas la mort, mais la transformation du militantisme et de la vie partisane.
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