Sept distributeurs se sont engagés lundi, sur pression de l'Elysée, à modérer leurs marges pour les fruits et légumes
"Quand il y a une crise, il faut qu'il y ait un accord de modération de marge pour que le producteur voit son prix augmenter et que le consommateur ne soit pas pénalisé", a justifié le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, à l'issue d'une réunion avec les représentants des sept principaux groupes de distribution présents en France et des agriculteurs.
Le contenu de l'accord
Concrètement, l'accord signé lundi établit qu'en situation de "crise conjoncturelle avérée", quand le prix payé au producteur est "significativement inférieur" à sa moyenne des années précédentes, les distributeurs s'engagent à ne pas augmenter leur marge brute sur le produit concerné. L'idée est que la faiblesse des cours profite aux consommateurs et dope ainsi la demande.
Cette contractualisation obligatoire reposera sur des accords interprofessionnels, l'Etat étant prêt à agir par décret pour deux filières si les discussions n'aboutissent pas d'ici à la fin de l'année : le lait et les fruits et légumes.
Menace d'une nouvelle taxe
Pour le président de la République, il y a "crise" lorsque "le prix payé au producteur est inférieur au coût de production". En 2009, les arboriculteurs ont subi une baisse de 53 % de leurs revenus, les maraîchers de 34 %. D'une manière générale, le revenu moyen agricole a baissé de 34 %.
Faisant pression sur les patrons des sept grands distributeurs hexagonaux, Carrefour, Leclerc, Auchan et Casino en tête, Nicolas Sarkozy les a de nouveau menacés, comme il l'avait fait en avril, d'une taxe additionnelle sur les surfaces commerciales. "Nous ne souhaitons pas l'application de cette taxe, nous souhaitons qu'entre distributeurs et producteurs, vous puissiez négocier des accords de modération de marges", a précisé le chef de l'Etat.
Les grandes surfaces sont très sensibles à l'argument d'une nouvelle taxation: ils payent déjà entre 600 et 700 millions d'euros d'impôts pour leurs surfaces commerciales, selon les chiffres de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), leur organisation professionnelle.
Nicolas Sarkozy entend donner aux agriculteurs français de la visibilité "pas seulement sur les prix mais aussi sur la qualité des produits". "Ce qu'on essaye de faire, c'est de renforcer la compétitivité structurelle de notre agriculture, de mieux la structurer, de mieux organiser ses relations avec la distribution", a-t-il dit. Pour lui, l'intervention de l'Etat sur le sujet est "légitime tant que la confiance n'existe pas totalement" entre les deux parties. "Les affrontements entre les producteurs et la distribution, cela fait des dégâts et cela ne profite à personne", a-t-il ajouté.
L'annonce de l'accord est intervenue à la veille du début de l'examen, par le Sénat, d'une nouvelle loi de modernisation de l'agriculture (LMA) qui incite les agriculteurs et leurs grands clients - distributeurs et industriels - à contractualiser leurs relations commerciales.
Réactions chez les agriculteurs
"Si on veut vraiment franchir un pas déterminant pour sécuriser le revenu des producteurs, y compris du secteur des fruits et légumes, il faut aller plus avant dans la contractualisation", a déclaré de son côté le président de la puissante FNSEA, principal syndicat agricole français, Jean-Michel Lemétayer.
"Le président de la République donne le coup d'envoi d'une nouvelle façon de travailler entre distributeurs et producteurs", s'est félicité Angélique Delahaye, présidente des Légumes de France, une branche de la FNSEA. Elle s'est dite "confiante" tout en voulant rester "vigilante". Bruno Dupont, président de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF, autre branche spécialisée de la FNSEA) a jugé Nicolas Sarkozy "pertinent" lorsque ce dernier a évoqué la prochaine obligation d'établir des contrats pour "rémunérer convenablement les producteurs".
En revanche, les syndicats minoritaires agricoles se montrent critiques: "accord imparfait" ou "inutile", selon la Coordination Rurale. Dans cet accord, "rien ne permet de garantir un prix rémunérateur pour les paysans", a renchéri la Confédération paysanne.
... et chez les distributeurs
"J'étais au départ assez irrité de la manière dont cela se passait, assez perplexe. Mais finalement je me rends compte que ça peut être un bon dispositif", a déclaré Michel-Edouard Leclerc, patron des magasins du même nom. "Le côté contraignant et collectif du dispositif rajoute à la crédibilité", a dit le dirigeant du groupe qui comporte de nombreux magasins franchisés (indépendants pour leur gestion).
Arnaud Mulliez, président d'Auchan France, s'est "réjoui des décisions qui ont été prises pour aider l'agriculture française". "La plupart des décisions qui ont été prises aujourd'hui correspondent déjà à beaucoup de bonnes pratiques qu'Auchan fait dans ses magasins", a-t-il dit.
"Cette réunion est un coup d'envoi d'une nouvelle façon de travailler. Elle est utile et symbolique" a renchéri Serge Papin, président du groupe Système U.
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