Richard Descoings, un homme de réformes... et de controverses
Le directeur de Sciences Po, décédé mardi, a reçu l'hommage de ses élèves et de la classe politique. Mais ces dernières années, son action au sein de l'IEP et sa mission sur la réforme des lycées ont été critiquées.
Les hommages sont unanimes, les compliments pleuvent. Richard Descoings, le directeur de Sciences Po Paris, retrouvé mort mardi dans un hôtel new-yorkais, a "révolutionné l'éducation". Il était un "grand serviteur de l'Etat". A Sciences Po et dans les lycées, il a en effet bouleversé le paysage éducatif français, ce qui lui a valu de violentes critiques.
Son dernier coup d'éclat remonte à décembre 2011. Il supprime l'emblématique épreuve de culture générale du concours d'entrée de Sciences Po, jugée discriminante. Il impose au passage davantage d'épreuves orales et une sélection sur dossier, afin de recruter des étudiants aux profils plus variés. Des intellectuels dénoncent alors, dans une tribune collective, "l’obsession de l’égalité et la hantise de la discrimination", qui selon eux "tournent à la psychose". Des étudiants lui reprochent même de "liquéfier" Sciences Po, en supprimant l'épreuve de culture générale.
Une manière de diriger jugée "autocratique"
Pourtant, Richard Descoings a toujours dirigé l'école de la rue Saint-Guillaume avec un mot d'ordre : diversité. En seize ans à la tête de Sciences Po, il a multiplié les réformes en ce sens : ouverture très contestée de places réservées aux lycéens de ZEP en 2001, qualifiés de "boat people de Sciences Po", aux étudiants étrangers (40% du total actuel), création de six campus en province, hausse des droits d'inscription compensées par des bourses... L'"esprit visionnaire", honoré mercredi, a beaucoup dérangé, au sein même de l'institution qu'il dirigeait, pour ses idées, mais aussi sa façon de gouverner.
Depuis début 2009, les détracteurs de Richard Descoings lui reprochent d'avoir fait de l'école une "monarchie", dans laquelle "la contestation est illégitime". Sur le blog Sciences Po Divergences, des professeurs réunis derrière Claire Andrieu et Philippe Braud, eux-mêmes enseignants à l'IEP, s'en prennent à "un système autocratique (...) et clientéliste". En résumé, Descoings à la tête de Sciences Po, c'est "bienvenue à la cour du roi Richard", comme l'écrit Mediapart en 2009, qui rassemble les témoignages de nombreux détracteurs.
Un salaire qui fait grincer des dents
Le site d'information révèle aussi, en janvier 2012, la rémunération du directeur de Sciences Po (24 000 euros par mois et 295 000 euros de primes en 2011) et les "superbonus" que touche l'ensemble de la direction de l'école. Le 31 janvier, Descoings répond aux attaques, dans Libération : "Si je trouve que je suis trop payé ? La réponse est non". Il demande au passage à ce que les dirigeants d'universités, qui gagnent entre 4 500 et 6 000 euros par mois environ, soient mieux payés.
Comment "Richie", le directeur adoré de ses élèves, s'est-il attiré les foudres de certains intellectuels et médias ? Il faut peut-être revenir à janvier 2009, quand les premières critiques émergent. Xavier Darcos, alors ministre de l'Education, vient de confier à Richard Descoings une mission de réflexion sur la réforme des lycées. Au terme d'une tournée dans les établissements secondaires de France, il rend les propositions qui sont aujourd'hui appliquées aux classes de seconde et première : améliorer l'orientation, renforcer la voie technologique, rééquilibrer les bacs généraux et développer l'enseignement des langues vivantes. Il ne touche pas au bac, sujet trop sensible.
Cette mission lui vaut d'être pressenti pour remplacer Xavier Darcos au ministère, dans la logique de la politique "d'ouverture" de Nicolas Sarkozy. Une proposition qu'il refuse : "Ça serait ruiner le sens même de ma démarche que de prendre le ministère de l'Education nationale", déclare-t-il sur RMC.
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