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Révision de la Constitution : les réformes qui passent à la trappe

En présentant quatre projets de révision, le gouvernement traduit plusieurs promesses de campagne de François Hollande. Mais, faute de majorité suffisante, certaines sont abandonnées.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
L'hémicycle du Congrès, qui réunit députés et sénateurs, convoqué pour la dernière fois en juillet 2008, à Versailles (Yvelines). (THOMAS COEX / AFP)

La réforme de la Constitution était en gestation depuis plusieurs semaines, le gouvernement l'a officiellement présentée mercredi 13 mars en Conseil des ministres. Premier constat : elle est nettement moins ambitieuse que prévu. Pour justifier cette reculade, le gouvernement explique que seules les mesures ayant une chance d'être adoptées par 3/5es des parlementaires (555 sur 925) ont été retenues. Elles devraient être votées en Congrès à Versailles durant l'été.

Si certaines promesses de François Hollande sont reprises dans les quatre textes présentés par l'exécutif (suppression de la qualité de membre de droit du Conseil constitutionnel pour les anciens présidents de la République, obligation du dialogue social préalable à toute réforme sur l'emploi, réforme du Conseil supérieur de la magistrature, suppression de la Cour de justice de la République chargée de juger les ministres), d'autres sont donc tout simplement passées à la trappe. Tour d'horizon.

1Le droit de vote des étrangers

C'était l'une des promesses les plus controversées de François Hollande durant la campagne présidentielle. Depuis la victoire de la gauche, la polémique n'est jamais vraiment retombée. En septembre, une pétition de 77 députés socialistes réclamait la mise en œuvre rapide du droit de vote pour les étrangers non-communautaires aux élections municipales. "Le temps presse", écrivaient-ils, dans la perspective du scrutin de 2014, craignant que le gouvernement n'enterre son engagement.

Pourquoi c'est abandonné. La droite y est farouchement opposée. Après la tribune des socialistes, les élus UMP, quasi unanimes, le font savoir bruyamment. Trop vif et trop clivant, le débat en devient gênant pour le gouvernement, qui se voit régulièrement accusé d'accorder trop de temps aux questions sociétales et pas assez aux questions économiques.

L'abandon de la mesure, qui n'avait aucune chance de réunir 3/5es des parlementaires au Congrès, n'est donc pas une surprise. Pour faire bonne figure, la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, a toutefois estimé que la réforme pourrait éventuellement intervenir après 2014.

2Le statut pénal du chef de l'Etat

L'un des textes présentés mercredi par le gouvernement prévoit la fin de l'immunité civile du chef de l'Etat. Mais pas de son immunité pénale, comme le prévoyait pourtant l'engagement 47 du candidat Hollande. Si ce texte est adopté en l'état, il sera possible d'agir en justice contre le président pour lui demander des dommages et intérêts. Mais, pas davantage qu'aujourd'hui, il ne pourra être poursuivi ou convoqué par un juge d'instruction, ne serait-ce que comme témoin.

Pourquoi c'est abandonné. Sur ce point, le recul du gouvernement s'explique aussi par l'incapacité à trouver 555 parlementaires favorables. Outre l'opposition de l'UMP, la réforme du statut pénal du chef de l'Etat est rejetée par les centristes de l'UDI, les radicaux de gauche, les chevènementistes du MRC et même le Front national.

3La suppression du mot "race" de la Constitution

Cette idée ne figurait pas dans le programme initial de François Hollande, qui en avait fait l'annonce surprise lors d'un meeting de campagne.

Pourquoi c'est abandonné. Là encore, l'hostilité de la droite sur ce thème emblématique est à l'origine de la reculade. Pour justifier cette disparition, Najat Vallaud-Belkacem a par ailleurs expliqué que le gouvernement avait voulu "présenter un ensemble cohérent". En laissant, une fois de plus, la porte ouverte à une réforme ultérieure.

4La ratification de la charte des langues régionales

Engagement n°56 de François Hollande pendant la présidentielle, la charte européenne des langues régionales ou minoritaires a été signée par la France en 1999, mais jamais ratifiée.

Pourquoi c'est abandonné. A l'époque, le Conseil constitutionnel avait estimé que l'adoption de cette charte nécessitait une réforme de la Constitution, dont l'article 2 dispose que "la langue de la République est le français". Depuis, la modification constitutionnelle de 2008 a inséré un article reconnaissant que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France". Pas suffisant pour le Conseil d'Etat qui, selon Mediapart (article payant), voit encore "une série de problèmes juridiques qui la rendent impossible à adopter".

Le député breton PS Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois à l'Assemblée nationale et fervent partisan de la ratification de cette charte, ne s'avoue pas vaincu pour autant. "Certes, une majorité sur ce sujet n'est pas acquise, mais je ne reconnais pas au gouvernement le droit de s'exonérer d'une promesse du chef de l'Etat, lance-t-il, interrogé par francetv info. Il va falloir que le gouvernement nous explique quels sont ses arguments juridiques pour ne pas présenter le projet."


Plus généralement, Jean-Jacques Urvoas estime que les quatre textes présentés par l'exécutif constituent "un plancher et non un plafond". "Le débat commence enfin", assure-t-il, avec l'espoir que les députés et sénateurs de la majorité puissent négocier des avancées lors de la discussion parlementaire.

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