Présidentielle : rendez-nous l'élan de 2007 !
Les Français s'ennuient, les journalistes râlent et le taux d'abstention pourrait frôler les 30% d'inscrits. Pourquoi l'élection de 2012 peine-t-elle à déclencher le même engouement qu'en 2007 ? Chronique.
La campagne, ça vous gaaaagne ! Pas franchement. A en croire les sondages publiés ces dernières semaines, la bataille présidentielle ne passionne pas les Français. En tout cas, elle les déçoit. La faute à la crise. La faute aux candidats, qui jouent au plus sérieux, au plus "normal", et endossent tant qu’ils peuvent l’austère costume présidentiel. La faute aux sondages qui n’en finissent pas de dire peu ou prou la même chose. A J-15, FTVi rappelle les ingrédients qui avaient fait de 2007 une élection très suivie et au taux de participation record (près de 84% au 1er tour).
On veut des débats qui polarisent
En 2002, la campagne s’était jouée sur la sécurité. En 2007, c’est sur le travail que s’était concentrée l’attention. Sur le fameux "travaillez plus pour gagner plus" notamment. Et 2012 ? Rien. Aucun thème ne semble accrocher, comme l’explique le politologue Pascal Perrineau, interviewé par Le Parisien : "Depuis novembre, on passe d’un thème à l’autre : le logement, la fiscalité, la croissance, le modèle allemand, l’insécurité… On a une espèce de campagne flottante." De plus, la grande majorité des candidats s’accorde même sur l’essentiel : l’austérité.
Si les méthodes divergent, François Hollande, Nicolas Sarkozy, François Bayrou ou Marine Le Pen promettent tous de faire rentrer les finances publiques dans le rang. En face, les équipes concurrentes et les journalistes sortent leurs calculatrices à la moindre proposition.
Forcément, ça limite l'originalité et l'imagination. Et l’espoir, comme le confiait Frédéric Dabi, directeur du département Opinion de l'Ifop, à FTVi : "On parle davantage de propositions argumentées, chiffrées, et plus personne ne rase gratis. Les grands mots d’ordre, "vivement demain", "changer la vie" ne sont plus d’actualité. Seul un tiers des Français estime que la campagne apporte des solutions, un tiers qu’elle suscite l’espoir."
On veut des candidats flamboyants
Comme en 1995, l’élection présidentielle de 2007 a vu s’affronter pour les deux partis principaux des candidats tout neufs, du moins jamais passés par l’Elysée. Ils avaient ému, émerveillé, agacé et suscité si ce n’est l’adhésion, au moins l’intérêt des Français et même au-delà.
"A la fin de la campagne présidentielle, il n'y avait presque plus de photojournalistes et plus que des photographes people, confiait même à Libération Jean-Luc Luyssen, photographe pour l’agence Gamma. Les principaux candidats n’accordaient leurs exclusivités qu’à des photographes people ou presque. Par exemple, pour le second tour, Royal n’a autorisé qu’un seul photographe à assister à la préparation du discours et de la soirée : celui de Elle, qui fait aussi Cannes !"
En 2012, c’est la course au sérieux. Nicolas Sarkozy se tient loin de tout ce qui pourrait rappeler sa période bling-bling. François Hollande a même joué la carte du "candidat normal". Jamais extravagant, François Bayrou se définit par sa constance, Marine Le Pen prend de son côté garde à ne pas réveiller les vieux démons de son père, tandis qu’Eva Joly se cherche encore. Seul Jean-Luc Mélenchon fait le show, mais il tente déjà de contenir l’effet culte de la personnalité, comme le raconte RTL.
"A gauche, la procédure des primaires, puis la sélection claire de Hollande avaient créé une grande attente. Elle est un peu déçue et laisse de la place au vote protestataire pour Mélenchon. A droite, Sarkozy est engoncé dans son bilan de président sortant et Bayrou donne l’impression d’être seul et un peu usé", résume Pascal Perrineau.
Pas moyen non plus de jouer les nostalgiques. Même l’inépuisable Arlette Laguiller ou l’ex-petit nouveau Olivier Besancenot ont été remplacés par de sombres inconnus qui peinent à crever l’écran.
On veut du suspense
2007, c’était après 2002. Après le "séisme" de l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. L’élection était, de fait, marquée par une tension et une attention particulières. C’était aussi après 2005 et les émeutes en banlieue, un électorat que tous les candidats avaient redécouvert et cherché à mobiliser. Il y avait aussi le troisième homme : François Bayrou, surgissant du centre et propre à entretenir le suspense.
En 2012, rien de tout cela. Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon, chacun potentiel "troisième arrivant", laissent peu de doute quant au report des voix qu'ils auront rassemblées. Le conseiller régional PS François Kalfon file même une métaphore sportive dans un billet publié par le site internet du Nouvel Obs : "En 2007, quand chacun se faisait le spécialiste fantasque de la 'triangulation', (…) en 2012 on assiste à un – ennuyeux ? – 'catenaccio', ce style de jeu italien caractérisé par une défense à outrance." D’autant plus que les sondages varient peu. Au premier tour, Nicolas Sarkozy et François Hollande sont à touche-touche, mais au second, le candidat socialiste l’emporterait d’au moins 6 points.
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