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La kalachnikov est-elle devenue l'arme favorite des braqueurs ?

En moins de 24 heures, deux fusillades impliquant ces fusils mitrailleurs ont éclaté dans les Bouches-du-Rhône. FTVi se penche sur le trafic de cette arme.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un agent des douanes montre une kalachnikov trouvée dans le coffre d'un véhicule, le 22 novembre 2010, à Marseille (Bouches-du-Rhône). (ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP)

Deux fusillades en moins de 24 heures, deux malfaiteurs tués, un policier entre la vie et la mort… Ces derniers jours, les Bouches-du-Rhône ont été le théâtre de faits divers spectaculaires impliquant l'usage d'au moins deux kalachnikovs, ces fusils mitrailleurs de fabrication soviétique.

Pour le ministre de l'Intérieur Claude Guéant, "il y a une généralisation de la kalachnikov". Quantités en circulation, provenances, réactions des forces de l'ordre, FTVi fait le point sur ce trafic.

Un nombre difficile à estimer

Pour ce commerce clandestin, les seuls indicateurs sont les saisies réalisées par les services de police. Selon les chiffres de la préfecture de police, 3 405 armes dont 384 armes de guerre (catégorie à laquelle appartient la kalachnikov) ont été saisies en France depuis le début de l'année 2011. Dans les Bouches-du-Rhône, la préfecture de police a calculé que ces fusils représentent un quart des 138 armes à feu découvertes depuis début 2011 par la police judiciaire. 

Mais, à Marseille, les syndicats de policiers dénoncent une prolifération. "99 % des braquages et des homicides ont eu comme dénominateur commun une cartouche de 7,62 mm, qui est la balle de kalachnikov”, assure David-Olivier Reverdy, secrétaire régional du syndicat Alliance. Un constat partagé par le délégué départemental Unité SGP Police Force Ouvrière, Diego Martinez : "Il y en a énormément qui circulent." 

Certains se montrent plus mesurés. Le journaliste Jérôme Pierrat, spécialiste du crime organisé, estime qu'"il faut arrêter de fantasmer sur des centaines d'armes". Dans la cité phocéenne, un fonctionnaire de police juge que les récents événements donnent une image déformée de la réalité. "Parce qu'il y en a deux en 24 heures, on a l'impression que c'est fréquent, reconnaît-il, mais c'est assez rare." Et d'ajouter : "Pour les vols à main armée, c'est pas le plus pratique" car ce fusil se dissimule mal. "En fait, c'est une armée inadaptée pour faire le voyou" confirme Jérôme Pierrat, qui souligne la taille de l'engin et son manque de précision.

• L'arme de guerre la plus accessible

"C’est l’arme à la mode, l’arme de prédilection, explique Diego Martinez. Si vous avez une kalach, vous êtes une référence." Selon lui, le fusil imaginé par Mikhaïl Kalachnikov au début des années 60 constitue une arme "très fiable" et "peu onéreuse". Autre avantage, elle est "abondante sur le marché", renchérit David-Olivier Reverdy. Les deux hommes estiment à 500 euros son coût en France. Un chiffre contesté par Jérôme Pierrat, qui estime le prix d'une kalachnikov à 2000 euros. "Une arme de poing, c'est 1500 euros. Je ne vois pas pourquoi la kalachnikov serait trois moins chère" argumente-t-il.

Le trafic de cette arme de guerre trouve naturellement sa source dans les zones de conflits. Pour les deux syndicalistes, celles qui arrivent dans la cité phocéenne proviennent de l'ex-Yougoslavie et des anciens pays du bloc de l'Est. "Ce sont des anciens stocks non-démilitarisés", ajoute David-Olivier Reverdy.

"C'est un trafic de fourmis" décrit Jérôme Pierrat, qui fonctionne en flux tendu. Des ressortissants d'ex-Yougoslavie vivant en France profitent de leur retour au pays pour s'en procurer deux ou trois et les vendre à l'unité. "Il les transporte démontées dans les bagnoles et les bus" raconte le journaliste.

Sur le plateau de France 2, Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat Synergie officiers, souligne qu'il faut également surveiller les zones de conflits en Afrique du Nord.

Patrice Ribeiro : "les cités sont gangrenées" (France 2)

"Ils ne savent même pas les manier"

"Si ce n'était que du grand banditisme, nous serions bien heureux", lance le représentant d'Alliance, remarquant que ces armes ne sont plus seulement l'apanage de malfaiteurs "professionnels". Elles se retrouvent également entre des mains inexpérimentés, ce qui augmente les risques.

"Ils ne savent même pas les manier, abonde Diego Martinez. A Vitrolles, le braqueur a tué son collègue, c'est vous dire la dextérité qu'ils peuvent avoir." Sur ce point, le fonctionnaire de police marseillais interrogé rejoint les deux syndicalistes. "Ce sont des novices. Nous avons eu des situations cocasses, avec des chargeurs qui tombaient."

"Avant, l'accès aux armes de guerre correspondait à une montée en gamme dans le banditisme, analyse Jérôme Pierrat, aujourd’hui, les gens en bas de l’échelle y ont accès et c'est ce qui explique les accidents".

• Ce que réclament les policiers

Pour faire face à ce type d'armes, le syndicat Alliance réclame des moyens plus importants, un assouplissement des règles d'usage des armes et une meilleure coopération entre les pays. "Nous ne sommes pas équipés, il nous faut des véhicules blindés et des gilets pare-balles lourds, et ce n'est pas envisageable", demande David Olivier Reverdy. Il souhaite également que les policiers puissent utiliser leurs armes en dehors de la seule légitime défense et que la coopération internationale soit renforcée pour démanteler les réseaux.

Du côté d'Unité SGP Police Force ouvrière, Diego Martinez refuse la "surenchère". "Je vois mal mes collègues patrouiller dans les rues avec des lance-roquettes et des chars d’assaut", ironise-t-il. Il demande un rééquilibrage des effectifs et davantage de patrouilles sur le terrain "pour faire tomber les réseaux".

Sur le plateau de France 2, Patrice Ribeiro a quant à lui exigé une plus grande fermeté des magistrats vis-à-vis des braqueurs récidivistes.

Patrice Ribeiro : "Pas besoin de changer la législation" (France 2)

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