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Pourquoi l'affaire des prothèses Ceraver n'est pas comparable au scandale PIP

Des implants articulaires du laboratoire Ceraver font l'objet d'une enquête de l'Agence nationale de sécurité du médicament : elles n'ont pas bénéficié des normes européennes.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Le siège du laboratoire Ceraver, à Roissy-en-France (Val-d'Oise), le 2 mai 2013. (MARTIN BUREAU / AFP)

Alors que l'affaire des prothèses PIP est actuellement jugée à Marseille (Bouches-du-Rhône), un nouveau cas de dispositifs médicaux (DM) fait scandale. Le Parisien révèle, jeudi 2 mai, que l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) enquête sur des prothèses articulaires du laboratoire Ceraver, l'un des plus importants fabricants français. La raison ? Près de 650 d'entre elles ont été implantées alors qu'elles ne bénéficient pas des normes européennes.

Le laboratoire est également inquiété pour avoir implanté, en juin 2011, des fémurs à quatre patients alors que le dispositif n'avait pas reçu les autorisations nécessaires.

Cette affaire soulève une fois de plus des doutes sur la qualité des dispositifs médicaux – prothèses mammaires, articulaires, pacemakers… Pourtant, elle n'est pas comparable au scandale PIP. Voici pourquoi.

Pas d'explantation recommandée

En décembre 2011, le retrait des prothèses mammaires PIP  "à titre préventif et sans caractère d'urgence" est recommandé, même en l'absence de signes de détérioration de l'implant. Cette décision intervient après que des cas de cancer ont été détectés chez plusieurs patientes.

Dans le cas de l'affaire Ceraver, le ton est tout à fait différent. "Aucune information ne nous permet de recommander l'explantation de ces prothèses", a insisté la ministre de la Santé, Marisol Touraine. "Il faut faire attention à ne pas affoler les patients", a-t-elle fait valoir. Et d'ajouter : "A ce jour, nous n'avons aucun élément nous permettant de dire qu'il y a un risque pour la santé du fait de l'implantation de ces prothèses." La ministre a toutefois ouvert une enquête.

De son côté, le PDG de Ceraver, Daniel Blanquaert, affiche une certaine sérénité. "Nous aurons bientôt une explication d'une grande clarté, nous devons répondre à l'ANSM. (...) Il n'y a aucun risque sanitaire", a-t-il insisté sur Europe 1 

Pas de mensonge sur la composition

Jean-Claude Mas, le fondateur de l'entreprise PIP, comparaît pour "tromperie aggravée" et "escroquerie". Il est notamment accusé d'avoir utilisé, pour le gel de ses prothèses, du silicone industriel à usage non médical. Dans la liste des ingrédients, du Baysilone, une huile de silicone utilisée entre autres comme additif pour carburants, du Silopren ou encore du Rhodorsil, qui servent dans l'industrie du caoutchouc, comme l'a détaillé francetv info.

Dans le cas du laboratoire Ceraver, l'ANSM enquête car la société aurait mis sur le marché une prothèse déjà existante qu'elle a modifiée sans en informer son organisme certificateur. Ce dernier est chargé de délivrer le sigle CE, pourtant obligatoire pour commercialiser un produit et assurer qu'il est en conformité avec les directives européennes. En clair, Ceraver a apposé le fameux sigle sur des produits qui n'avaient pas été contrôlés. "Il s'agit d'une non-conformité administrative", a expliqué François Hébert, le directeur-général adjoint de l'ANSM.

"On est en faute mais, pour nous, les modifications apportées aux prothèses étaient mineures et ne justifiaient pas de nouvelle certification, ce qui prend un à deux ans", se défend Daniel Blanquaert. "Le marquage CE ne dépend pas de l'avis d'un industriel", répond à francetv info Olivier Jallabert, président la société Amplitude, numéro 1 français des implants pour la chirurgie des articulations. "Sur des dispositifs médicaux de classe III et implantables, c'est-à-dire les plus sensibles et les plus dangereux [comme les prothèses de hanche ou de genou], la moindre modification d'un produit nécessite de renouveler la procédure de marquage, explique-t-il. Cela peut prendre deux ou trois ans, et ça coûte cher d'attendre autant." D'après lui, "mettre un produit sur le marché deux ans avant la concurrence, ça permet de prendre des parts de marché".

Ceraver, "une entreprise sérieuse"

Un responsable de l'Association des fabricants importateurs distributeurs européens d'implants orthopédiques et traumatologiques (Afideo) explique, à titre personnel, à francetv info qu'il connaît bien le laboratoire Ceraver et que c'est "une entreprise sérieuse", en faisant valoir que c'est le numéro 2 français du secteur.

Rien à voir avec la société PIP. Jean-Claude Mas n'a pas de formation scientifique. "J'ai une orientation un peu chimiste", dit-il lors de son procès pour se défendre. Sans compter que le laboratoire recrutait via un système de cooptation aléatoire. Un soudeur avait ainsi raconté à la police comment il était devenu directeur du directoire de l'entreprise, un pâtissier assistant de production, une esthéticienne trésorière, ou encore un cuisinier technicien, puis contrôleur qualité.

Pour autant, Ceraver n'est pas à l'abri de tout reproche. Pour le président d'Amplitude, "le plus grave, c'est de faire des essais sur l'homme sans en avoir l'autorisation". "On ne peut pas utiliser les gens comme des cobayes", assène-t-il. En effet, Ceraver est également visé par une enquête de l'ANSM pour l'implantation sur quatre patients d'une prothèse au revêtement anti-adhérence bactérienne sans l'accord des autorités. Le laboratoire se défend en rappelant que ce revêtement "a fait l'objet de nombreux essais en culture cellulaire et de nombreuses implantations sur l'animal, qui ont permis de démontrer son efficacité", mettant en avant le travail mené depuis vingt ans avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

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