Michèle Alliot-Marie a été la cible d'attaques de l'opposition, notamment lors des questions d'actualité à l'Assemblée
Après de nouvelles révélations du Canard Enchaîné le16 février sur une transaction immobilière réalisée par les parents de Michèle Alliot-Marie en Tunisie, l'opposition a réclamé mercredi la démission de la chef de la diplomatie française, notamment par la voix du député vert Noël Mamère.
Martine Aubry a, pour sa part, réclamé des "sanctions".
"Je dis au président de la République: pour ce qui reste du quinquennat, je vous demande de reprendre votre mission qui est de défendre la République et de demander à vos ministres de défendre et de respecter la République", a ajouté la Première secrétaire du PS en déplacement à Clamart sur le thème du logement social.
"Regardez Eric Woerth, on nous a dit que c'est un homme honnête, aujourd'hui on nous explique qu'il est normal de se faire payer ses vacances par un dictateur ou un chef d'entreprise étranger, moi je suis désolée je n'ai jamais eu ces pratiques", a fait valoir Mme Aubry.
Les parents de la ministre des Affaires étrangères ont acheté les parts d'une société civile immobilière à l'homme d'affaires Aziz Miled, lequel avait proposé son privé à la ministre en Tunisie.
Alors que Michèle Alliot-Marie argue que l'affaire relève de la "vie privée" de ses parents", le porte-parole du gouvernement, François Baroin, a indiqué mercredi que la ministre avait tout le soutien de l'équipe gouvernementale", après le Conseil des ministres.
Le président Nicolas Sarkozy a adressé un "message de soutien" manuscrit à Michèle Alliot-Marie durant le Conseil des ministres mercredi, un "geste rare" de la part du chef de l'Etat.
Déjà mise en cause pour avoir profité de l'avion d'un homme d'affaires réputé proche de l'ex-président tunisien Zine Ben Ali, Mme Alliot-Marie a exclu une nouvelle fois de quitter le gouvernement. "Ni vos attaques ni vos injures ne me détourneront de la tâche qui m'incombe", a-t-elle déclaré mercredi devant les députés.
Le quotidien Le Monde, dans l' cinglant de son édition du mercredi 17 février, se demande "jusqu'où faudra-t-il descendre dans la trivialité et l'indignité pour que la ministre française des affaires étrangères comprenne qu'elle porte atteinte à l'autorité des fonctions qu'elle occupe" ? Et de conclure : "cette affaire n'a rien d'illégal. Elle est tout simplement scandaleuse. Et dangereuse."
MAM défend la "vie privée" de ses parents
La chef de la diplomatie française estime ainsi qu'on cherche à l'atteindre à travers son père et sa mère nonagénaires. Elle s'élève contre les "excès" de ces nouvelles attaques. La "vie privée" de ses parents "leur appartient. Les acquisitions qu'ils effectuent pour eux-mêmes ne concernent qu'eux, et personne d'autre", a-t-elle déclaré dans un communiqué.
Pour l'hebdomadaire satirique, la famille Alliot-Marie faisait ainsi "des affaires" avec un proche de l'ex-président Ben Ali "en pleine révolution tunisienne".
Des affaires avec Aziz Miled, le fameux ami du jet
Mise en cause pour ses vacances tunisiennes, trois semaines avant la chute du régime, Michèle Alliot-Marie avait elle-même indiqué avoir voyagé avec ses parents, âgés de 92 et 94 ans, lors de la trêve de fin d'année.
Elle a également reconnu avoir pris place à deux reprises à bord d'un jet privé d'Aziz Miled pour se rendre dans une station balnéaire et faire une excursion avec sa famille, alors que la révolution de jasmin avait débuté.
Aziz Miled est présenté comme l'ami tunisien de la ministre et comme un proche du beau-frère du président déchu. Mme Alliot-Marie a cependant affirmé que cet homme d'affaires tunisien n'était pas proche du clan Ben Ali mais "une victime" de l'entourage de l'ancien président, qui aurait capté des parts de certaines de ses sociétés. Impossible selon Mediapart et , car Aziz Miled est associé à l'un des beaux-frères de Ben Ali, Belhassen Trabelsi, dans sa compagnie aérienne Nouvelair. Sans compter que l'avion emprunté par Michèle Alliot-Marie faisait partie du dispositif de fuite du clan Ben Ali.
Selon le Canard enchaîné, les parents de Michèle Alliot-Marie ont profité du séjour de la ministre pour racheter la totalité des parts d'une société civile immobilière appartenant à Aziz Miled et à son fils Karim et dans laquelle ils possédaient déjà 13 %. Compte tenu des procédures en vigueur en Tunisie, cette opération immobilière a été "forcément préparée de longue date", avance l'hebdomadaire satirique.
Le montant exact de la transaction inscrite dans le registre municipal de Tabarka et dont il publie des extraits n'est pas connu, car seule la valeur nominale des parts y figure, ajoute-t-il. Celle-ci se monte à 755.000 dinars, soit 325.000 euros, mais la somme réellement payée peut-être supérieure, écrit-il.
La ministre des Affaires étrangères est sur la sellette depuis ses déclarations très critiquées du 11 janvier à l'Assemblée nationale. Trois jours avant la chute de Zine Ben Ali, elle avait suggéré que la France mette son savoir-faire en matière de maintien de l'ordre au service du régime tunisien. On sait aujourd'hui que le 12 janvier, elle a donné son accord à l'exportation vers la Tunisie de grenades lacrymogènes, finalement stoppée par les douaniers à l'aéroport de Roissy le jour même où le président tunisien s'enfuyait en Arabie saoudite.
Alliot-Marie avait téléphoné à Ben Ali lors de ses vacances en Tunisie
MAM a eu "un bref entretien téléphonique" avec le président tunisien Ben Ali durant ses vacances controversées fin 2010 en Tunisie, a indiqué mercredi le cabinet de la chef de la diplomatie. Une information divulguée mardi par Mediapart.
Début février, elle avait pourtant affirmé n'avoir eu "aucun contact privilégié" avec Ben Ali avant sa fuite.
Le père de Michèle Alliot-Marie s'explique
Dans un communiqué publié mardi soir, le père de la ministre des Affaires étrangères, Bernard Marie, assume l'entière responsabilité de la transaction.
"À l'occasion des vacances de Noël, j'ai proposé à ma fille que nous nous rendions en Tunisie, plutôt qu'en Dordogne comme nous l'avions initialement prévu", dit-il, précisant avoir réglé lui-même la note de l'hôtel détenu par Aziz Miled, qui l'avait convaincu par téléphone d'y passer ses vacances. Le Quai d'Orsay n'a pas produit jusqu'ici les notes d'hôtel, la chef de la diplomatie jugeant inconvenant de réclamer à ses parents, "qui ont 92 ans, de produire les factures".
Bernard Marie ajoute que l'achat de la SCI, propriétaire d'un appartement en construction, était engagé depuis l'été. "Ce séjour à Tabarka à Noël m'a donné l'occasion de faire certifier les signatures de mon épouse et de moi-même sur l'acte de cession de parts sociales", dit-il.
Un peu plus tôt sur Europe 1, il précisait : Aziz Miled "m'avait dit 'voilà, je fais opération (...) vous devriez prendre une option sur un truc comme ça, comme ça prendra de la valeur en 2012 quand ça sera construit, vous pourrez faire une bonne affaire'".
Les réactions
"Je ne sais rien de cette affaire, je n'ai même pas lu l'article (...) je ne peux rien vous dire d'autre, je n'ai pas la capacité de réagir à chaud sur tous les sujets", a assuré le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé. "La lassitude vient du sentiment de harcèlement. Pour nous tous, c'est lourd à vivre, parce que derrière tout ça, ce sont des attaques personnelles, des blessures", a-t-il ajouté.
"Elle s'est exprimée très largement, je n'ai pas à y revenir, je découvre les choses dans la presse ce matin", a affirmé de son côté le président du groupe UMP à l'Assemblée, Christian Jacob.
"Beaucoup de Français aussi font des transactions en Tunisie. Il n'y a rien d'illégal sur ce sujet", a commenté la ministre UMP chargée de l'Apprentissage et de la formation professionnelle, Nadine Morano.
Pour le patron des députés PS, Jean-Marc Ayrault, si les ministres Michèle Alliot-Marie et Patrick Ollier, son compagnon, avaient "le sens de l'Etat et de l'intérêt de la France, ils démissionneraient", ajoutant que s'ils ne le font pas c'est à Nicolas Sarkozy de "crever l'abcès".
Pour le président du Modem, François Bayrou, il est urgent que soit "rétablie en France une vie publique saine" après l'affaire des vacances tunisiennes de Michèle Alliot-Marie. Les Français "n'en peuvent plus des mélanges perpétuels" entre affaires privées et politique, a-t-il estimé mercredi aux Quatre Vérités sur France 2.
L'eurodéputée écologiste Eva Joly a demandé la démission de la ministre, jugeant sa parole "discréditée" par sa proximité avec "les milieux d'affaires liés à Ben Ali".
Les recommandations de Sarkozy
Le Premier ministre, François Fillon, avait réaffirmé le 8 février son soutien à Michèle Alliot-Marie avant de révéler lui-même avoir séjourné en Egypte aux frais des autorités lors de son séjour de fin d'année dans ce pays.
Selon le Canard enchaîné, François Fillon est un "récidiviste" car il avait déjà effectué un séjour privé - prolongeant une visite officielle - avec sa famille en Egypte, aux frais du gouvernement, en 2008.
Le président Nicolas Sarkozy avait lui aussi pris la défense de sa ministre, affirmant que "pas un centime d'argent public n'a été détourné", mais reconnu que "ce n'était pas la meilleure idée que d'aller en Tunisie" à cette période.
Depuis la répétition de ces polémiques liées aux invitations par des autorités étrangères, le chef de l'Etat a demandé à ses ministres de privilégier désormais la France pour passer leurs vacances. Tout voyage à l'invitation d'autorités étrangères devra obtenir l'aval de l'Elysée.
A voir : "Pendant les émeutes, le clan MAM était en affaires avec le clan Ben Ali", titre le Canard enchaîné du 16 février.
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