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Reportage Insécurité, crise de l'eau, inflation… A Mayotte, début d'une grève illimitée dans la fonction publique pour dénoncer "des conditions de vie extrêmement difficiles"

Article rédigé par Robin Prudent - envoyé spécial à Mayotte
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des manifestants à Mamoudzou (Mayotte), lundi 9 octobre 2023. (ROBIN PRUDENT / FRANCEINFO)
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées à Mamoudzou pour réclamer des mesures immédiates contre les multiples crises que traverse l'île.

"En un mot, la situation est chaotique." Au milieu de la marée de drapeaux multicolores qui recouvre la place de la République de Mamoudzou, le chef-lieu de Mayotte, une professeure de collège résume les conditions de vie "extrêmement difficiles" décrites par l'intersyndicale dans son appel à manifester, lundi 9 octobre. Coût de la vie de plus en plus élevé, insécurité, dégradation des services publics, manque d'eau… Plusieurs centaines de personnes se sont réunies, dans la matinée, pour demander des comptes à l'Etat et lancer une grève illimitée sur l'île.

>> Crise de l'eau à Mayotte : quelles sont les différentes causes de la pénurie qui frappe le département ?

Les agents de la fonction publique du 101e département français réclament une augmentation "significative" du taux d'indexation des salaires, une meilleure protection des agents sur leur lieu de travail et la sécurisation des trajets pour s'y rendre, ainsi que l'accès gratuit à de l'eau potable pour tous.

Des écoles sous tension

"Aujourd'hui, c'est la crise de l'eau. Mais ce n'est que la dernière crise en date qui vient s'ajouter à toutes les autres", explique Stéphane Massot, professeur de mathématiques au collège REP+ de Ouangani, dans le centre ouest de Grande-Terre. Comme lui, de nombreux fonctionnaires de l'Education nationale manifestent en raison des difficultés rencontrées dans les établissements scolaires de Mayotte depuis la rentrée, alors que la pénurie d'eau potable touche l'île. Certaines écoles ont dû fermer leurs portes plusieurs jours en raison de l'absence d'eau dans les robinets.

Mais cette crise de l'eau est loin d'être la seule préoccupation des manifestants. "Notre taux d'encadrement des élèves est dérisoire par rapport aux enjeux", poursuit Stéphane Massot, drapeau Snes-FSU dans le dos. Près des trois quarts des jeunes Mahorais ont des difficultés de lecture contre 10% au niveau national, selon un rapport du Sénat. "Nous sommes en REP+ mais nous avons 30 élèves par classe", s'indigne le professeur.

"Nous sommes dans un cercle vicieux. De plus en plus d'agents partent de Mayotte et de moins en moins de nouveaux agents arrivent."

Stéphane Massot, professeur à Ouangani

à franceinfo

Dans ces conditions, difficile d'attirer de nouveaux agents de la fonction publique sur l'île. "Il faut déjà qu'on évite que trop d'agents quittent Mayotte", s'inquiète le secrétaire départemental du Snes-FSU, Henri Nouri. Une préoccupation partagée par les agents hospitaliers de l'île. "Beaucoup de nos collègues venus de métropole s'en vont. Ils démissionnent et ils partent", explique une infirmière. "Il y a des départs quotidiens", confirme Madjidi Mouayad, aide-soignant et secrétaire général Sud Santé.

"On n'est pas en sécurité au travail"

Avec leurs blouses blanches siglées "CHM", les soignants du Centre hospitalier de Mayotte (CHM) sont également venus en nombre à la mobilisation de l'intersyndicale. Pour eux, l'insécurité est la première des difficultés. "On a le droit à des caillassages très fréquemment", explique une infirmière. "On est menacés en permanence. On n'est pas en sécurité au travail", renchérit l'une de ses collègues, agente du service hospitalier depuis 24 ans dans un dispensaire du sud de l'île.

Plusieurs soignants de l'hôpital ont été blessés ces derniers mois par des jets de pierres contre des bus. Des escortes organisées par les forces de l'ordre ont été mises en place afin d'assurer la sécurité de ces déplacements, rappelle Mayotte La 1ère. "Mais les jeunes avaient encore plus envie de caillasser la police, alors [les policiers] ont arrêté. Et on les comprend ! Ils ne sont pas là pour escorter des bus de soignants", déplore une infirmière.

Dans ces conditions, le spectre d'une grève générale, comme celle qui avait paralysé l'île en 2018, plane plus que jamais au-dessus du département. Un responsable syndical prévient déjà : "On en a les moyens !"

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