Pourquoi la révolte gronde à Mayotte
Depuis le 30 mars, Mayotte est en état de grève générale pour demander l'égalité réelle avec la métropole. L'île, qui est devenue le 101e département français en 2011, est dans une situation socio-économique difficile.
Depuis deux semaines, une grève générale paralyse Mayotte, 101e département français situé au large de Madagascar. Les revendications des syndicats sont claires : ils veulent l'égalité avec la métropole en matière d'emploi, de retraites ou encore de prestations sociales. Francetv info revient sur les raisons de ce mouvement de ras-le-bol général.
Des retards dans l'alignement avec la métropole
Depuis le 31 mars 2011, Mayotte est devenu le 101e département français. Un changement de statut censé s'accompagner d'une harmonisation avec les droits métropolitains. Mais, dans son rapport de janvier 2016, intitulé "Une réforme mal préparée, des actions prioritaires à conduire", la Cour des comptes a révélé que ces chantiers avaient pris "d'importants retards".
Dans le domaine juridique, l'application du Code du travail national, qui aurait dû se substituer à celui de Mayotte, n'est toujours pas entré en vigueur et figure parmi les revendications des grévistes. Par exemple, la durée du travail hebdomadaire sur l'île est de 39 heures, contre 35 heures en France métropolitaine.
Sur les questions de propriété foncière, l'administration a également pris du retard. Depuis la départementalisation, la transition vers le droit français se heurte aux coutumes locales en la matière. Par exemple, certains Mahorais qui occupent des logements sans titre de propriété découvrent qu'ils ne sont pas propriétaires selon le droit qui s'applique en métropole. Ils apprennent également qu'ils doivent s'acquitter de taxes. L'identification des personnes devant payer les taxes représente d'ailleurs un important chantier pour l'administration.
Ce dernier point est à relier aux incertitudes en matière d’état civil, d’adressage et d’évaluation des valeurs locatives "qui font peser sur l'île le risque d'un contentieux fiscal de masse", selon le rapport de janvier 2016.
Pour la Cour des comptes, le jeune conseil départemental n'a pas été suffisamment préparé pour prendre en charge ses nouvelles compétences (RSA, revenu de fonds de solidarité pour le logement, formation des assistants maternels...).
Une situation économique préoccupante
Entre 2005 et 2011, Mayotte a enregistré une augmentation de 65% de son PIB, à la faveur d'une croissance de 8,7% sur la même période. Mais ces chiffres sont à relativiser très largement. Le PIB par habitant du département est très inférieur à celui des autres DOM.
Sur le plan du chômage aussi, Mayotte est à la traîne et pointe à la dernière place des DOM, avec un taux de 36,6%.
Un chômage qui touche particulièrement les non-diplômés et les jeunes. Parmi les plus de 15 ans, un habitant sur trois n'est jamais allé à l'école. Pour ceux qui ont la chance d'être scolarisés, le niveau est très faible. A titre d'exemple, les acquis en français pour 67% des élèves de CE1 et 75% des élèves de CM2 sont jugés "insuffisants ou fragiles" (contre 21% et 26% en métropole).
Une pression démographique de plus en plus forte
Avec une population qui a triplé en 30 ans, Mayotte compte aujourd'hui 240 000 habitants. Parmi eux, on dénombre 40 000 étrangers en situation régulière, provenant majoritairement (à 95% selon l'Insee) des Comores voisines.
L'immigration clandestine est plus difficile à estimer. En 2014, 19 991 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés. Pour eux, Mayotte fait figure d'eldorado. Le PIB par habitant aux Comores s'élève à environ 1 000 euros par an.
Cette immigration contrebalance un autre phénomène : le départ de nombreux Mahorais vers La Réunion ou la France métropolitaine, à la recherche de meilleures conditions de vie ou pour poursuivre des études supérieures. Cet exode tend à déstabiliser l'équilibre démographique de l'île, comme le révèle un rapport du Sénat.
Par ailleurs, la moitié de la population de Mayotte est âgée de 17 ans et moins, ce qui en fait le plus jeune département français. Le taux de fécondité atteint 4 enfants par femme, contre 2 en métropole. L'ONU estime que la population devrait dépasser les 750 000 habitants d'ici la fin du siècle.
Une explosion démographique préoccupante pour une île de 374 km2 qui s'expose à des risques comme le manque de terrains disponibles à la construction ou les conditions d'accueil de sa population immigrée.
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