Mayotte : trois questions sur la "sécheresse sans précédent" qui va priver d'eau les principales villes chaque jour dès 16 heures
Les robinets coupés tous les jours dès 16 heures. Voici ce qui attend les habitants des quatre communes les plus densément peuplées de Mayotte, dès le 17 juillet, après que la préfecture de ce département d'outre-mer a annoncé une intensification des coupures d'eau, mercredi 12 juillet. "Un changement d'ampleur est impératif pour préserver la ressource jusqu'au retour des pluies", espéré pour octobre, a-t-elle justifié. Franceinfo vous explique comment cet archipel de l'océan Indien tente de faire face à la plus grande crise de l'eau de son histoire.
1Comment en est-on arrivé là ?
"Mayotte est confrontée cette année à une sécheresse sans précédent", a souligné la préfecture mercredi. "A l'exception de l'année 1997, il n'est jamais tombé aussi peu d'eau de pluie dans le département", rapporte-t-elle, alors que les besoins augmentent face à une population qui croît de près de 4% chaque année, selon l'Insee. Les retenues collinaires, qui permettent de stocker l'eau de ruissellement, notamment pendant la saison des pluies, affichent un niveau "exceptionnellement bas" et la baisse du niveau des cours d'eau est "brusque et sévère", alertent les autorités.
A cette sécheresse s'ajoutent la vétusté et le sous-dimensionnement du réseau de distribution d'eau à Mayotte. Au total, les usines de potabilisation situées en Grande-Terre et l'usine de dessalement de l'eau de mer de Petite-Terre produisent environ 38 000 m3 par jour, alors que la consommation atteint 40 000 à 42 000 m3 quotidiennement, selon les estimations. Les projets de modernisation des installations ont pris du retard ces dernières années, à l'image de la retenue collinaire envisagée à Ourovéni, dans l'ouest de l'île, et de l'usine de dessalement d'Ironi Bé, au sud de Mamoudzou. Pour parer à l'urgence, la préfecture a annoncé plusieurs mesures, dont des travaux pour augmenter la capacité de l'usine de dessalement de Petite-Terre.
2Comment s'organisent les coupures d'eau ?
A partir de lundi, les communes de Mamoudzou, Koungou, Dzaoudzi-Labattoir et Pamandzi, soit "les zones où l'activité économique est la plus importante", seront privées d'eau du robinet de 16 heures à 8 heures le lendemain matin, sept jours sur sept, selon la préfecture. Quant aux 13 autres villes du 101e département français, elles devront faire face à trois coupures d'eau de 24 heures par semaine, de 16 heures à 16 heures le lendemain. Le planning de rotation de ces "tours d'eau" a été mis en ligne sur le site de la préfecture (PDF).
D'ordinaire, "les coupures accompagnent la transition entre saison sèche et saison humide et prennent fin courant février ou mars", soulignait, en juin, un ingénieur spécialisé dans la gestion de l'eau, cité par l'AFP sous couvert d'anonymat. Cette année, au lieu de disparaître, les coupures se sont intensifiées. Pour tenir jusqu'aux pluies de la prochaine intersaison, en octobre ou novembre, l'eau a été coupée trois fois par semaine dès la mi-mai, puis quatre depuis la mi-juin. Mais "le système de tours d'eau nocturnes ne permet pas d'atteindre les économies attendues" et, "au rythme des prélèvements actuels", les retenues collinaires seront à sec "au début du mois d'octobre", affirme la préfecture pour justifier le nouveau tour de vis.
3Quelles sont les conséquences pour les habitants ?
Confrontés à des coupures d'eau à chaque saison sèche depuis 2016, les Mahorais doivent composer avec des restrictions de plus en plus importantes au fil des années. Seaux, jerricans, récipients divers... Tous les moyens sont bons pour stocker l'eau durant la journée, pour pouvoir ensuite cuisiner, laver le linge, faire la vaisselle, tirer la chasse d'eau ou prendre une douche de fortune le soir ou le matin avant de sortir. "Si on arrive à la maison après la coupure, on se lave avec les bouteilles qu'on a stockées", décrivait une habitante, en mai, à l'AFP. "Ce n'est pas pratique, mais on n'a pas le choix."
Ce "système D" de stockage de l'eau s'accompagne de risques sanitaires. "Une fois le récipient rempli, il faut bien le couvrir pour éviter la prolifération des moustiques, pour éviter que des substances extérieures s'introduisent dans le récipient et contaminent l'eau", prévient l'Agence régionale de santé auprès de Mayotte La 1ère. Les habitants sont également incités à ne pas ouvrir le robinet dès la remise en circulation de l'eau, qui stagne de longues heures dans le réseau entre chaque coupure. Dans ces conditions, la consommation de l'eau du robinet est même déconseillée, du fait d'un risque d'hépatite A ou de gastro-entérite aiguë.
Fin mars, le gouvernement a annoncé que les packs d'eau seraient vendus à prix coûtant, alors qu'ils dépassaient parfois les 10 euros pour six bouteilles de 1,5 litre lors des coupures. En mai, un arrêté préfectoral a autorisé temporairement l'importation d'eau en bouteille produite à l'île Maurice, sous réserve de tests sanitaires concluants, les normes européennes ne s'y appliquant pas. En juin, l'exécutif a acté un blocage des prix à compter du 15 juillet. Malgré ces gestes, l'eau en bouteille reste un luxe pour certains habitants, notamment dans les bidonvilles. A Mayotte, un tiers des logements recensés ne sont pas raccordés au réseau d'eau courante.
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