Mayotte : "Il faut verrouiller notre frontière qui est laissée grande ouverte", demande la députée de l'île Estelle Youssouffa
"Il faut verrouiller notre frontière qui est laissée grande ouverte" à Mayotte, a déclaré dimanche 1er janvier sur franceinfo la députée de l'île Estelle Youssouffa, alors que Gérald Darmanin, en déplacement sur l'île depuis plusieurs jours, a exprimé sa volonté de renforcer les moyens de lutte contre l'immigration, surtout en provenance des Comores voisines.
La députée demande également la présence "permanente" d'un "un navire patrouilleur Outre-mer dédié à la lutte contre l'immigration clandestine". "Je pense qu'on a beaucoup de mal, dans l'Hexagone, à prendre la mesure de la crise que connaît Mayotte", estime-t-elle.
franceinfo : Gérald Darmanin a annoncé ce dimanche sur franceinfo que 1 300 policiers et gendarmes sont actuellement positionnés sur l'île. Est-ce à la hauteur des besoins de l'île ?
Estelle Youssouffa : Si nous comptons la population de Mayotte avec les chiffres de l'Insee, nous sommes 300 000 sur l'île. Or, le préfet précédent avait distribué 450 000 masques pendant l'épidémie de Covid-19 en disant qu'il donnait un masque par adulte. De plus, les importations de riz, la consommation d'eau, le nombre de puces électroniques, laissent penser qu'il y a au minimum un demi-million d'habitants à Mayotte. Il faut relativiser les annonces qui sont faites par rapport à la population, parce que la population réelle à Mayotte, compte tenu de l'importance de l'immigration, est beaucoup plus importante. Toutes ces forces de l'ordre sont à peine à la hauteur des besoins et du ratio habituel au niveau national.
Ce n'est donc pas suffisant pour vous ?
Je pense qu'on a beaucoup de mal, dans l'Hexagone, à prendre la mesure de la crise que connaît Mayotte. Il y a dix ans, les rapports sont clairs, il n'y avait pas une seule violence sur les personnes. Aujourd'hui, le département de Mayotte est la capitale française de la violence et des agressions sur les personnes. Et encore, les Mahoraises et les Mahorais ne vont plus porter plainte parce qu'ils ont l'impression que ça ne sert à rien. L'impunité est telle pour celles et ceux qui nous agressent qu'on ne va plus porter plainte. Lorsque je parle de l'immigration comorienne et d'une volonté politique, ce n'est pas mon imagination, c'est précisément le discours des autorités comoriennes qui revendiquent Mayotte depuis l'indépendance en 1976 et qui ont envoyé et envoient quotidiennement trois, quatre ou cinq bateaux chargés d'une vingtaine de migrants à Mayotte. Mayotte a accueilli, Mayotte a fait beaucoup.
La moitié de la population est actuellement étrangère à Mayotte. Mayotte ne peut plus. C'est simplement que tout est saturé. Au niveau des services publics, les écoles sont en rotation, c'est-à-dire qu'il y a une classe le matin, une classe l'après-midi car il n'y a plus assez de bâtiments. Nous avons des coupures d'eau chaque jour parce qu'en fait, aucune de nos infrastructures n'est calibrée pour la population et l'évolution démographique. Nous subissons le flux migratoire. C'est vrai que c'est une question, selon moi, de souveraineté nationale, puisque nous sommes le seul territoire français revendiqué par un pays étranger. Ce n'est pas une question de conflits ethniques ou de xénophobie, c'est un diagnostic froid d'une situation qui est extrêmement grave. La moindre étincelle peut faire basculer l'île parce que la population est excédée.
Gérald Darmanin souhaite durcir le droit du sol à Mayotte. Qu'est- ce que vous en pensez ?
Je pense que la question du droit du sol a un reflet particulier à Mayotte. Effectivement, c'est un débat qui est hautement inflammable dans l'Hexagone mais Mayotte est un territoire qui est à côté d'un autre qui envoie sa population accoucher à Mayotte pour avoir l'espoir de la naturalisation et de l'accès à la nationalité française. Nous sommes la première maternité d'Europe avec plus de 12 000 naissances par an. Nous avons une démographie qui est complètement incontrôlable. 80 % des parturientes sont comoriennes à Mayotte. Pour ces étrangères, l'objet est d'obtenir la nationalité. Une fois qu'elles ont un enfant qui, potentiellement à 18 ans, peut prétendre à la nationalité, ces mères ne sont pas expulsables et leurs enfants, une fois qu'ils sont naturalisées, leur permettent d'accéder au regroupement familial. Nous sommes pris dans un cycle qui est totalement hors de contrôle.
La loi Thani a déjà restreint le droit du sol à Mayotte mais nous n'avons pas observé de diminution des naissances ou des arrivées de bateaux de migrants. Il faut donc avoir des réponses qui soient non seulement législatives au niveau du droit de la régularisation, du droit à la nationalité, mais il y a des questions qui sont plus pressantes que ces leviers législatifs. C'est la question de la protection de la frontière. J'attends que la Défense nationale mobilise un bâtiment de la Marine nationale, un navire patrouilleur Outre-mer dédié à la lutte contre l'immigration clandestine qui soit basé de manière permanente à Mayotte. Il faut verrouiller notre frontière qui est laissée pour le moment grande ouverte. Il faut enfin absolument un changement de ton et de discours avec les Comores, qu'elles soient sanctionnées pour la pression migratoire qu'elles exercent à Mayotte.
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