M.Sarkozy, qui a visité une exploitation céréalière d'Ile-de-France, a refusé de revenir sur le bilan de santé de la Pac
Il se traduit par un recul de 100 euros par hectare des aides européennes données par la France aux céréaliers au profit des éleveurs et des agriculteurs des zones de montagne.
Le président s'exprimait mardi à Buno-Bonnevaux dans la ferme de M.Herblot, adhérent des Jeunes Agriculteurs dont la section Ile-de-France a mené plusieurs actions.
"Je ne reculerai pas sur ce bilan de santé de la Pac, même si c'est arrivé au plus mauvais moment pour vous (...) au moment de la chute des cours", a répondu Nicolas Sarkozy au président des Jeunes agriculteurs d'Ile-de-France, Damien Greffin, pendant une table ronde organisée dans la ferme. Explications du chef de l'Etat: "Nous l'avons fait pour assurer la pérennité de la Pac en Europe et pour avoir un maximum de pays (européens) derrière nous." Le président a justifié que "ce travail était absolument incontournable, il nous a permis de récupérer 24 pays sur 27 qui ont dit: 'Nous voulons sauver la politique agricole commune'". L'Union européenne doit réformer sa politique agricole commune en 2013.
Interpellé par des représentants des céréaliers inquiets, le chef de l'Etat leur a donné rendez-vous à la fin de l'année pour la réunion du comité de suivi du bilan de santé de la Pac. "On ne vous laissera pas tomber, si on s'aperçoit qu'il y a des choses à faire on les fera", a-t-il promis. Il a ajouté que des "dispositifs fiscaux" susceptibles de les aider étaient inclus dans le projet de loi de modernisation agricole qui doit être examiné en mai par le Parlement.
Il a cité "la possibilité d'enclencher une taxe additionnelle sur les surfaces commerciales s'il n'y a pas eu un accord de modération des marges" de ces grandes surfaces sur les produits agricoles. Nicolas Sarkozy s'est également dit prêt à tester "sur un ou deux produits" une taxe sur les prix proposée par les agriculteurs, mais à la condition expresse qu'elle soit "compatible avec la législation européenne". Le président a enfin répété que la régulation des prix agricoles faisait partie de ses "priorités" pour la présidence française du G20, qui débute en novembre 2010.
L'inquiétude des céréaliers
A l'issue d'une heure et demie de discussion, Damien Greffin s'est déclaré "satisfait du déroulement de la rencontre" mais a regretté que "sur les annonces concrètes, il n'y ait pas grand chose". Cet automne, une cinquantaine d'agriculteurs franciliens ont bloqué pendant deux heures le trafic sur les Champs-Elysées avant de déverser en décembre de la paille devant le palais présidentiel.
Au salon de l'agriculture, ils avaient menacé de perturber la visite du chef de l'Etat avant de renoncer après avoir obtenu un rendez-vous avec ce dernier. Nicolas Sarkozy les a reçus à la mi-mars et leur a promis cette visite dans l'Essonne. "Nous sommes totalement exsangues financièrement", a affirmé à l'AFP Christophe Hillairet, 39 ans, céréalier et président de la chambre d'agriculture d'Ile-de-France, une structure qui mène le combat aux côtés des JA sans le soutien du réseau des chambres d'agriculture.
Selon lui, "si aucune mesure n'est prise "un tiers du secteur des grandes cultures (céréales, colza,...) aura disparu en 2011". Son exploitation de 170 hectares est dans le rouge et c'est son "épouse qui (le) fait vivre". Les jeunes céréaliers demandent des annonces. "C'est une question de survie. Il faut des mesures", martèle Damien Greffin, 34 ans, président des JA IDF, qui se dit prêt à en découdre à nouveau.
La filière a vu ses revenus baisser de 51%
L'an dernier la filière a vu ses revenus baisser de 51% dans la foulée de la chute des cours des céréales (-24%) qui avaient été au plus haut en 2006 et 2007. La baisse de la rémunération des céréaliers est similaire à celle des producteurs laitiers alors qu'en moyenne le monde agricole a enregistré une diminution de 34% de ses revenus en 2009."Pour les agriculteurs qui sont en vitesse de croisière c'est déjà difficile mais pour les jeunes qui sont en phase d'installation avec un endettement lourd sur 10 à 12 ans c'est encore plus compliqué", a expliqué M.Greffin.
En toile de fond de cette exaspération, il y a surtout la décision en 2009 de l'ancien ministre de l'Agriculture Michel Barnier de rééquilibrer les aides européennes pour une politique agricole commune (PAC) "plus juste". Cette décision prévoit qu'à partir de cette année, plus d'un milliard d'euros vont être réorientés vers des secteurs à soutenir (agriculture bio, élevage,...), aux dépens des céréaliers , jusqu'ici les plus favorisés.
Un choix mal accepté par ces derniers et qui a suscité d'importantes dissensions au sein du monde agricole. Une délégation de jeunes céréaliers est même venue l'an dernier manifester son mécontentement lors du congrès de la FNSEA à Poitiers, en prenant à partie son président, Jean-Michel Lemétayer, qui avait entériné la décision du ministre.
"Cette redistribution des aides a été décidée lorsque les prix étaient hauts, sauf qu'aujourd'hui les prix n'ont jamais été aussi bas depuis 20 ans et qu'on va nous enlever 100 euros de soutien à l'hectare", selon Damien Greffin.Ce dernier ne veut pas entendre parler de nouveaux programmes d'aides avec des prêts à taux bonifiés comme ceux annoncés ces dernières semaines pour venir en aide aux agriculteurs. "L'idée c'est d'obtenir une compensation à l'euro près, soit 1,2 milliard d'euros", prévient-il.
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